Le 15 juillet 2010, le « mariage égalitaire » est devenu légal sur toute l’étendue de la République Argentine. Deux points sont à retenir : l’utilisation du terme « mariage » par le législateur ; l’absence de toute allusion au sexe ou au genre dans le titre de la loi.

« Est-ce par hasard si le mot mariage (matrimonio en espagnol) provient du latin Matrimonium, qui renvoie au rôle ou à la condition de la femme en tant que mère ? », argumenta un haut prélat de l’Église catholique. Mère, matrice, mariage – qui donc pourrait nier que l’étymologie lie mariage et procréation ? Dans ce cas, répondit un défenseur distingué du nouveau Code civil, « il faudrait interdire l’usage du mot  mariage aux couples hétéros qui ne peuvent ou ne veulent pas procréer. » Il fut difficile de contredire un argument aussi simple et démocratique.

Le slogan « Même droits, mêmes noms », fit sortir le débat de la sphère physique, biologique et étymologique où il était jusqu’alors cantonné, pour le centrer sur son enjeu véritable : le droit de tous les ressortissants de la même République à l’égalité juridique.

Ce critère l’emporta également quand il fut finalement décidé de remplacer la référence à l’homosexualité par l’expression « mariage égalitaire ». En effet, on ne sait pas ce qui définit l’homosexualité. L’anatomie ? La conduite ? Les préférences sexuelles ? L’ADN ? Comment savoir si on a affaire à un homme ou une femme ?

En 1993, Anne Fausto–Sterling (qui a donné une conférence à l’Université de Paris 8 le 17 décembre dernier), avait scandalisé la moitié du public quand elle avait proposé de remplacer l’opposition binaire des deux sexes par une nomenclature à cinq termes : hommes, femmes, herms, ferms, et merms. Comment légiférer sur le mariage entre herms et ferms, alors qu’eux-mêmes ne se reconnaissent pas comme homosexuels ! Le mariage égalitaire met l’accent sur l’égalité des droits, et se prononce contre la discrimination entre les citoyens, il ne préjuge pas de leur sexualité.

L’égalité des droits inclut le droit à l’adoption, sans se prononcer sur la question de savoir quelle est la famille idéale pour élever les enfants, ni sur la supériorité des hétérosexuels pour les éduquer. « Nous sommes tous des adoptés » disait Lacan. La procréation s’éloigne de plus en plus de la sexualité en raison des avancées de la science et de la technologie. Ce qui compte, c’est l’acte d’adopter et de se faire responsable de l’enfant issu de ladite procréation. Que nous soyons tous adoptés implique que nous puissions ne pas l’être. Ceci se décide au cas par cas, comme aiment à dire les psychanalystes. Mais les lois sont faites pour tous, et c’est là-dessus qu’il revient aux législateurs de se prononcer.

S’il faut en croire les statistiques, un récent sondage portant sur un échantillon de 2022 personnes réparties sur tout le territoire national, a montré que 47% des Argentins consultés étaient en faveur du mariage égalitaire, et 21% opposés. Parmi les pro, 39% pensent que tous doivent avoir les mêmes droits sans égard à leur sexualité, tandis que 12% continuent à considérer que le mariage, c’est l’union d’un homme et d’une femme.

L’Église disait craindre que le mariage égalitaire soit « une manœuvre du Père du Mensonge pour tenter d’égarer et de tromper les enfants du Seigneur ». Un animateur de télévision bien connu disait craindre que « si un couple d’homosexuels adopte un garçon, le fils soit violé par le ou les pères ». Toutefois, alors que près de 6000 couples se sont mariés en Argentine depuis l’entrée en vigueur de la loi il y a un peu plus de deux ans, les statistiques concernant le nombre de mariages conventionnels, de divorces, de fidèles allant à la messe et de viols, ne présentent pas de variation significatives par rapport à 2009.

Ce qui en revanche a créé la surprise, ce fut la moyenne d’âge des nouveaux mariés : un pourcentage élevé de plus de 50 ans. Ce qui les soucient, ce n’est pas leur identité sexuelle, mais le devenir des biens acquis durant la vie commune en cas de divorce, de mort, etc. Bref, selon toute apparence, les mêmes raisons qui font que les hétérosexuels ont recours au mariage civil.

Traduction: Perrine Guéguen

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