Lancer un appel : « Pas une voix arménienne pour Marine Le Pen ! »

La candidate du Front national affiche farouchement son opposition à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne et, à ce titre, pourrait « rassurer » certains électeurs, descendants des rescapés du génocide des Arméniens perpétré dans l’Empire ottoman en 1915, qui se sentent harcelés et provoqués jusque sur le territoire de la République.

Les démonstrations de force organisées par l’Etat turc, qui utilise ses relais en France pour réunir dans les rues de Paris, des dizaines de milliers de Turcs de toute l’Europe et même de Turquie, sont pain béni pour Marine Le Pen. Brandissant d’immenses drapeaux turcs, faisant le signe des Loups Gris [1], ils défilaient sous les banderoles du Comité Talaat Pacha[2] (le « Hitler » turc) en y affirmant : « Le génocide arménien est un mensonge international »…

Le positionnement du Front National

L’extrême-droite française, contrairement à l’extrême-droite turque, ne met pas en doute la réalité du génocide arménien.

Pour autant, ce n’est pas le FN qui fera condamner la Turquie au niveau international pour l’extermination de ses populations chrétiennes (arménienne, grecque, assyro-chaldéenne-syriaque) et la spoliation de leurs biens millénaires. Et quand bien même ce serait le cas, l’engagement de cette droite dure ne pourrait avoir qu’une résonnance négative.

D’une part, parce que si l’on se réfère aux déclarations de l’extrême-droite qui a maintes fois nié ou minimisé l’existence des chambres à gaz, il apparaît que le FN et ses alliés européens ont une ligne fluctuante – et c’est un euphémisme – quant à la reconnaissance des génocides.

D’autre part, parce que le combat universel de la reconnaissance d’un génocide est antinomique avec les discours qui stigmatisent « l’étranger ». C’est justement cette détestation de la différence qui a permis les génocides arménien, juif et tutsi. Nous le disons : il est possible de pointer les problèmes soulevés par une éventuelle adhésion de la Turquie à l’Union européenne, sans verser dans le rejet de l’altérité comme le font les partis populistes de droite en Europe.

Loi Gayssot-bis

C’est sans surprise que les démocrates français d’origine arménienne ont constaté que « l’empathie » encombrante de l’extrême-droite française « à l’égard des victimes du premier génocide du XXème siècle » avait ses limites. Le Front National – dont des dirigeants ont eu à rendre compte, sous le coup de la Loi Gayssot, de leurs propos concernant la Shoah – s’est en effet insurgé contre la loi anti-négationniste défendue en décembre et janvier derniers par l’UMP et le PS.

En 2006, lors du vote d’un texte plus ou moins similaire, Jean-Marie Le Pen avait estimé : « les socialistes, avec la complicité de parlementaires de la majorité, veulent (…) une loi Gayssot-bis, réprimant la contestation du génocide arménien. […] C’est une nouvelle étape dans le démantèlement de l’Etat de droit« .

Le 22 décembre 2011, le site du FN a mis en ligne un communiqué de Karim Ouchikh, Conseiller à la liberté d’expression de Marine Le Pen, indiquant : « sacrifiant les intérêts stratégiques de la France, Nicolas Sarkozy instrumentalise, sans le moindre état d’âme, la souffrance de nos compatriotes d’origine arménienne en espérant tirer de cette manœuvre grossière un misérable profit électoral ».

Le 29 janvier 2012, Marine Le Pen déclarait à Perpignan « Je suis particulièrement scandalisée que l’on reconnaisse et pénalise le génocide arménien alors que Sarkozy s’est engagé, il y a cinq ans, à reconnaître le massacre des Harkis. »

L’invalidation, votée le 28 février 2012 par le Conseil constitutionnel, a eu au moins deux effets pervers : certains s’en emparent pour travailler désormais à l’abrogation de la Loi Gayssot ; d’autres sont confortés dans leurs convictions haineuses de l’inexistence du « prétendu » génocide arménien.

Un négationnisme politiquement correct

Le terme négationnisme désigne, dans sa signification première, la négation de la réalité du génocide pratiqué par l’Allemagne nazie contre les Juifs. Le 27 janvier 2012, jour anniversaire de la libération d’Auschwitz, Marine Le Pen – qui a pourtant fait inscrire dans la charte de tout nouvel adhérent du Front National, un article condamnant le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie – s’est rendue à Vienne, à l’invitation de Martin Graf, chef de file de l’aile la plus dure de l’extrême-droite autrichienne, pour valser avec lui au bal des pangermanistes dont l’idéologie a des accents néonazis.

Au vu de tels « faux pas », les manœuvres visant à la dédiabolisation du FN ne peuvent tromper personne durablement. Il n’en est pas de même pour celles d’une autre extrême-droite, moins connue, essentiellement proche des réseaux nationalistes turcs et qui se pare – souvent avec succès hélas – du masque du « Vivre ensemble ».

Est-il normal qu’un jeune collégien qui avait écrit dans son devoir d’histoire « Le génocide arménien n’a jamais existé, mais s’il avait existé, il aurait été mérité », soit dispensé d’effectuer sa sanction pédagogique – un exposé sur le génocide arménien – suite à des pressions émanant d’une association franco-turque ? Labellisée ONG internationale œuvrant « autour des questions de la Démocratie, des Droits de l’Homme et de la Lutte contre toutes formes de Discrimination et de Racisme », celle-ci s’indigne de la proposition de loi n° 3842 du 18 octobre 2011 portant transposition, en France, de la Décision-Cadre européenne contre le racisme et la contestation de l’existence du génocide arménien…

Et doit-on accepter sans réagir qu’une université aussi emblématique que la Sorbonne se fasse, par la voix de son président, l’agent d’un lobbying actif et revendiqué (commandité par l’Université Galatasaray d’Istanbul), en faveur de la liberté de nier, sur le sol français, le génocide arménien de 1915 ?

Peut-on tolérer qu’en France, en Belgique, certains élus affichent dans leur vie privée des engagements d’extrême-droite aux antipodes des valeurs citoyennes qu’ils prétendent défendre en politique ?

Rester indifférent à ces pratiques, n’est-ce pas favoriser indirectement toutes les attaques frontistes et plus généralement l’extrême-droite européenne ? N’est-ce pas aussi donner une légitimité inacceptable aux Turcs ultras au détriment des militants et des intellectuels de Turquie qui s’engagent avec courage pour la défense des Kurdes, la reconnaissance du génocide arménien et la pénalisation de sa négation, au péril de leur vie et de leur liberté ?

L’éducation de notre jeunesse est l’antidote à ces poisons que sont le racisme, le négationnisme et l’antisémitisme.

Plus que jamais, il est nécessaire d’expliquer avec sérénité que la reconnaissance d’un génocide nié d’une manière arrogante par un Etat belliqueux – fût-il celui dont on peut avoir la double nationalité – s’inscrit dans le champ de l’universalisme et non pas dans l’accusation de l’Autre et la haine de « l’étranger ».

Les valeurs humanistes ne sont pas solubles dans la « Realpolitik »

Le combat contre l’injustice suprême qu’est la négation insupportable du crime des crimes, devrait être gravé dans le marbre des programmes des candidats à la présidentielle et aux législatives.

Non pas par « électoralisme » mais pour affirmer que les valeurs humanistes ne sont pas solubles dans la « Realpolitik ». C’est sur cette base intangible que peuvent se construire la paix civile et le dialogue. C’est comme cela que nous pourrons faire durablement obstacle, aujourd’hui comme demain, à des Marine Le Pen, avec nos compatriotes de toutes origines, y compris turque, quand ces derniers osent s’affranchir du dogme négationniste.

C’est le message que nous adressons aux électeurs victimes du nationalisme téléguidé par Ankara : quel que soit leur désespoir, ils ne peuvent pas, ils ne doivent pas, se faire les instruments d’un nationalisme quel qu’il soit.

Les porteurs de la mémoire des génocides ne peuvent voter FN sans se renier eux-mêmes.

Lançons dès à présent un appel : « Pas une voix arménienne pour Marine Le Pen ! »

 

[1]Les Loups gris est le nom donné aux militants des « Foyers idéalistes », mouvement nationaliste turc d’extrême-droite.[2]Mehmet Talaat Pacha (1874-1921) est un homme d’État ottoman, considéré comme le principal organisateur du génocide arménien.

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4 Commentaires

  1. lap tu te trompe marine n est pas pour la reconnaissance du génocide tu dis sa parce que t es arménien jean marie lepen est très amical avec la Turquie qui connait la Turquie mieux que les autres compatriote il sait que nous sommes des bosseurs et des bon compatriote franco turc je suis aussi contre la turquie en europe et je suis pas le seul a le dire nous sommes un peuple laic et y a beaucoup de religion comme des églises chrétien et orthodoxe rénover par l état moi je dis vive marine car je suis nationaliste et que je protégerais la France comme je protège la Turquie je mange le pain de la France alord c est mon droit de la protéger JE SUIS ANTI RACAILLE j aime pas les communistes et ceux qui respecte pas un pays c est horrible

  2. Très bel article! Je partage totalement votre point de vue. Il ne faut pas laisser la possibilité aux extrêmistes français ou étrangers de s’emparer de tels événements…

  3. Le FN reconnait entièrement le génocide arménien… Le souci, c’est que l’Histoire appartient à l’Histoire, et ce n’est pas aux politiques et aux législateurs d’imposer ou non, par des lois, l’Histoire. C’est aux historiens et aux historiens seulement que revient de débattre sur ce sujet. Toute les lois Gayssot, Taubira et compagnie doivent donc être abolies…