Marine Le Pen nous l’a dit et répété : oui, le Front national « veut le pouvoir ». À la différence de son fondateur, plus à l’aise dans la fonction tribunicienne, l’héritière du Front national veut gagner, pour son parti, les galons de « parti de gouvernement ». D’où l’élaboration d’un vrai programme économique et social, tendant à démontrer qu’il ne s’agit plus seulement, pour le FN, de contester ceux qui assument la réalité du pouvoir et de la gestion du pays, mais bien de les leur disputer ; de passer de l’irresponsabilité à la responsabilité.

Cette stratégie passait nécessairement par un relookage du parti d’extrême-droite ; l’image d’un rassemblement, plus ou moins menaçant, de braillards de fonds de brasseries n’était pas compatible, dans la France d’aujourd’hui, avec les nouvelles aspirations à la crédibilité du « New FN ». Or l’une des conditions de la réussite de l’opération banalisation-séduction destinée à sortir le Front National de son ghetto, passait notamment par le ralliement à sa cause de personnalités de la société civile. Il fallait faire montre de respectabilité.
Puisque 15 à 18 % des électeurs votent pour ce parti, il devrait nécessairement se trouver parmi eux quelques chanteurs ou acteurs célèbres, des sportifs renommés, des intellectuels connus, bref des célébrités à exhiber dans les tribunes. Marine Le Pen avait d’ailleurs annoncé l’outing prochain de plusieurs « personnalités d’ouverture », censées déclarer ouvertement leur préférence pour son parti.

Reconnaissez « qu’au final », comme on dit à la télé, la pêcheuse rentre bredouille. Où sont les people annoncés ? Gilbert Collard, Paul-Marie Coûteaux et… C’est tout ! L’ouverture est décidément bien étroite. L’affichage aux côtés du FN – même relooké – reste terriblement compromettant. Pourquoi ? La question mérite d’être posée.
Si Gilbert Collard, longtemps compagnon de route de la secte trotskiste-lambertiste, apporte au « New FN » l’accent du populisme marseillais, Paul-Marie Coûteaux est censé lui délivrer un brevet de gaullisme. Mais réfléchissons : les idées qu’incarne le FN sont-elles compatibles avec le gaullisme ?

On dira patriotisme, autorité de l’Etat, bonapartisme, primauté du politique sur l’économie. Oui, si l’on en reste au niveau des généralités, bien des gens peuvent se réclamer du gaullisme. Tout le monde et n’importe qui… De Gaule était un patriote, mais sa conception de la nation était inclusive, pas exclusive ; accueillante et non défiante. Peut-on en dire autant de celle du Front national ?

Enfin, contrairement à l’image qu’on véhicule trop souvent, le général ne fut pas un adversaire de la construction européenne. Il croyait en la possibilité d’une Europe confédérale, et non fédérale. Il est vrai qu’il contribua, dans l’opposition, à la Communauté européenne de défense en 1953. L’avenir lui a donné raison : il n’était guère sensé de prétendre intégrer les armées des Etats d’Europe de l’Ouest, avant d’avoir élaboré le début du commencement d’une politique étrangère commune – qui n’existe toujours pas 60 ans plus tard.
Mais lorsqu’il revint au pouvoir en mai 1958, les capitales de la petite Communauté des Six tremblèrent à l’idée que la France refuse l’application des Traités de Rome, prévoyant « le marché commun », signés l’année précédente. La France, prétendaient les milieux patronaux, n’y est pas prête. Pourtant, de Gaulle ne céda pas et les mesures d’ouverture des marchés entrèrent en application à la date prévue.

De même, en 1968, tout le monde s’attendait à ce que la France, économiquement affaiblie par les « évènements de mai-juin », réclame que l’union douanière soit différée. Là encore, la France « n’était pas prête » à affronter la concurrence. De Gaulle en décida autrement, estimant au contraire que la suppression des droits de douane au sein de la Communauté et la concurrence exercée sur les industriels français ne pouvait que les pousser à une mise à niveau indispensable. Et l’Union douanière entra en vigueur le 1° juillet.
De Gaulle était favorable à une Europe confédérale, pas au repli sur le champ carré hexagonal. Il était favorable à la concurrence, pas au protectionnisme. Il pensait que l’avenir de l’Europe dépendait de l’entente entre « les Francs et les Germains ». Pas vous, au FN, toujours hostile à l’Allemagne et favorable à une alliance russe.

Comment peut-on être gaulliste et l’allié de Marine Le Pen ?

 


Campagne : Chaque jour une idée pour faire baisser le Front National

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Un commentaire

  1. Il n’y aura pas de 21 avril à l’envers. D’abord, parce que le simple fait d’envisager l’événement par son cul dénote une grande faiblesse d’engagement à faire disparaître la peste nationaliste, qui sait même si cela ne cacherait pas une incapacité à exister autrement qu’à travers le combat que l’on mènerait contre elle… Mon aversion pour le fascisme n’est pas un jeu. Pour qu’il m’ait physiquement frôlé, psychologiquement torturé, violé sous les deux angles plus souvent qu’à son tour, je ne me bats pas pour le plaisir de ne l’être pas, mais définitivement afin qu’il cesse d’être. Nous, sans-culottes, ne pourrions n’importe comment nous permettre une dagobertisation. Car l’abstention massive ferait grimper Le Pen à des hauteurs dont la France ne se remettrait pas. Et personne alors ne serait en droit de reprocher à des électeurs qui avaient en son temps approuvé l’ouverture à gauche, – la gauchisation des valeurs républicaines aura été un soulagement pour les citoyens qui se retournent sur les heures d’humiliation passées avec honnêteté, – de ne s’être pas reportés ensuite sur un parti qui entre-temps les auraient identifiés à la fange fasciste.
    Plus que jamais il faut donc établir la distinction entre gaullisme et lepénisme. Et s’il serait trop risqué à gauche de renvoyer une bonne image au candidat sortant, que de là néanmoins on lui permette de se montrer sous une image de droite républicaine! Et qu’elle n’aille pas répliquer à celle-ci par de la dénonciation pour trahison des valeurs gaulliennes! de l’OTANophobie dont nul ne sait si le Français libre n’aurait pas jugé opportun de rompre avec cette rupture-là pour même qu’il l’eût faite sienne à un moment où il sentait qu’elle renforcerait la France, avant qu’un volte-face ne lui soit dicté pour le même motif.
    Le Pen a peut-être changé de sexe, mais il demeure Le Pen. Je ne le béachéliserai pas ni ne le déeskaïfierai, il n’y a aucune raison qu’un être humain se voie être délesté de son nom, pour le meilleur comme le pire. Or Le Pen est un négationniste de la pire espèce. Un nécrocide, un effaceur de morts. Qui plus est, il adore faire ce qu’il fait, il tue et ça le fait rire. Afin d’éviter ce gâchis de la parole discréditée par le discrédit qu’elle jette comme un crachat ne sait pas où il va, je préconise que la résistance au front nationaliste fasse honte au parti de la honte. Pour ce faire, (se) rappeler qui est qui. J’imagine qu’il y a bien une petite différence entre un parti dont le président d’honneur fut directeur de campagne de Tixier-Vignancourt (ex-secrétaire général adjoint à l’Information de l’État français du gouvernement de Vichy) et un parti dont le noyau dur contient le legs spirituel d’un homme que Pétain avait fait déclarer ennemi n°1 de la France du vivant de Hitler. Les Français ne veulent plus avoir à faire avec ce qu’ont fait les collaborateurs de l’Allemagne nazie. À proscrire, donc, les sarkonazifiages! À recentrer, les taxations de «collabo»! Un sobriquet, ça se mérite. Kasso & Co. Vous balancez en l’air l’os de l’Histoire? Mais l’Histoire n’échappe pas, elle, à la gravité. C’est un problème pour vous sans doute, pour (n/t)ous assurément, elle donne la mort sans effets spéciaux.