Si nous devions retenir un mot clé pour résumer ce début de semaine politique, ce serait évidemment celui d’inculpation.

Inculpation ; voilà un terme en réalité assez peu usité en France. Il a peu à peu disparu de notre vocabulaire à la suite des réformes de la justice de 1993. On lui a préféré, celui, plus neutre, plus respectueux de la présomption d’innocence de « mise en examen ».

Alors aux premières heures de ce dimanche matin pour les médias hexagonaux, Dominique Strauss-Kahn était comme tant d’autres responsables politiques avant lui « mis en examen ». Mais très rapidement, il devint « inculpé ».

Le mot désigne bien la procédure américaine, fondée sur l’accusatoire. Mais on ne peut ignorer qu’il ne corresponde plus à rien en France. Chirac, Longuet, Santini, Pasqua et Guérini furent mis en examen. On s’est élevé, à juste titre, lorsqu’hier Nicolas Sarkozy parlait du « coupable » pour désigner Villepin avant même que le procès Clearstream ne démarre. DSK lui, n’aura pas eu cette chance sémantique. Il ne sera ni arrêté, ni gardé à vue, ni suspecté, ni soupçonné, ni poursuivi. Seulement inculpé.

Bien entendu, il y a dans cette affaire une victime présumée, c’est cette jeune femme. Mais comme dans ce fameux sketch des Inconnus « mais cela ne nous … regarde pas », on a passé les derniers jours à invoquer la présomption d’innocence de DSK et à titrer presque à chaque fois sur son inculpation, à diffuser en boucle les images du champion menotté et à faire état des ouï-dires les plus scabreux.

On s’est confortablement abrité derrière les possibilités offertes par le droit américain pour jubiler de la chute abyssale de celui qui hier était l’économiste-que-le-monde-nous-envie et qui aujourd’hui serait sans autre forme de procès, sans même avoir pu répondre des charges qui pèsent sur lui, le déshonneur de la France. Comme si la faille ouverte par le décalage entre les droits français et américains quant au statut du prévenu nous avait temporairement affranchi d’un choix en conscience.

11 Commentaires

  1. … de l’importance des mots !
    Oui, Raphaël, le mot « inculpé » a été banni du langage juridique français en 1993 et remplacé par « mis en examen ». La raison, c’est que le verbe ‘inculper’ et le mot ‘coupable’ ont la même racine. Au sacro-saint nom de la présomption d’innocence, personne n’est coupable avant d’avoir été jugé et reconnu comme tel.
    Alors les journalistes se gargarisent avec ce terme succulent qui insiste sur l’égarement de l’Oncle Sam en matière de justice. Ils donnent des leçons d’humanité et soulignent qu’une telle affaire n’aurait pas pu avoir lieu chez nous car notre système judiciaire est bien meilleur que le leur (!!).

    Imaginez une femme de ménage, Africaine, smicarde, mère célibataire qui rentre dans un commissariat du XVIe et qui dépose une plainte contre Dominique Strauss-Kahn pour agression sexuelle. Vous voyez l’oeil dur et le sourcil froncé du flic qui l’accueille ?
    – Enfin, Madame, vous rendez-vous compte de ce que vous dites ? Vous accusez le directeur d’une des plus grandes institutions de la planète ! Reprenez-vous !
    La pauvre fille éclate en sanglots. On la prie de s’asseoir et on va chercher le commissaire.
    – Oulala ! dit ce dernier, cette affaire me dépasse.
    Il passe immédiatement un coup de fil au procureur qui ordonne d’étouffer tout de suite cette sale histoire au nom de l’ordre social … et des services rendus !

    Vive la France !

    😉

  2. J’aimerais me taire mais je n’y arrive pas tant le traitement infligé à un homme non reconnu coupable est lourd de conséquences pour lui et pour sa famille… Les règles de droit sont bien entendu différentes d’un pays à un autre avec les failles que l’on sait mais là vraiment c’est un trés mauvais eastern.

  3. Les femmes, dont je suis, luttent pour l’égalité des sexes. Accepter, à 32 ans, d’être recouverte d’un drap pour échapper aux regards de la foule me parait aller à l’encontre du principe d’égalité. Je l’aurais compris dans le cas d’une mineure. Mais je ne pense pas que le prévenu fasse partie de la mafia ? En se présentant, à 32 ans, à visage découvert cette personne aurait non seulement fait avancer la cause de la maltraitance des femmes mais elle m’aurait parue plus crédible. Etre victime est assez douloureux pour ne pas y ajouter la honte ! C’est de la colère que j’aurais souhaité lire dans son regard ! Mais cette mise en scène a fait naître dans mon esprit un vrai malaise. Je lui accorderai cependant le bénéfice du doute car je pense que ce sont avocat et police qui lui auront suggéré (ou imposé) ce dommage supplémentaire qui ne l’aidera pas à se reconstruire s’ils s’avérait qu’elle a été réellement victime.

  4. Il faut se taire maintenant… Ben Voyons… Pourquoi ? Une procédure injuste… Un pays soit disant des libertés… Non j’ai pas envie de me taire !!! Même si on n’aime pas DSK, il y a de quoi bondir… Je n’imagine même ce qu’auraient fait les américains si on avait arrêté de cette façon un de leurs représentants… Et là on verrait leurs réactions !!!

  5. Au siecle dernier, on accusait… En “la fermant” on n’accuse pas… La nuance ne vous échappera pas… Il sera temps, aprés que la justice aura fait son travail de se livrer au petit jeu d’avoir un avis sur tout… A moins que vous ne fassiez pas confiance à la justice américaine ??? Mais dans ce cas, l’innocence de l’une ou de l’autre n’en serait pas confortée…Ah J’oubliais… j’ai beaucoup d’admiration pour DSK…
    « On ne peut rien exprimer, on ne peut que se taire. » Ivan Levaï (journaliste ami de la famille Strauss-Kahn)

  6. « Qui ne dit rien consent », et ceci n’est heureusement pas le cas de
    beaucoup de gens… Chacun peut donc s’exprimer.
    Respecter la procédure américaine ? La peine de mort toujours applicable ?
    La forfaiture dont GWBush s’est rendu coupable ne lui a rien coûté, on y
    consent ?
    Les US ne sont éthiquement pas respectables… nous n’avons pas à cautionner
    leurs institutions – et la justice en particulier. On ne sait rien sur cette jeune femme, on n’en parle donc pas. DSK est un homme de talent et puisqu’il est accusé… il faut le laminer… C’est tout ce que je retiens moi, à l’heure où j’écris…

  7. Il est urgent de la fermer!!!!
    Le seul respect c’est le silence total et glacé.
    Quelle que soit votre opinion, gardez la pour vous.
    Le mieux serait pour une fois de n’en avoir aucune ,
    respectant, en cela, l’une et l’autre, la femme et l’homme.

  8. Votre article est en tout cas  »objectif » et instructif,contrairement à ceux que je lis sur ce sujet
    dans ce site.

  9. Il ne s’agit pas d’une affaire sémantique entre des présumés innocents de chez nous et un inculpé dès le premiers instants d’une instruction exclusivement à charge et qui laisse à ce stade qu’un choix : plaider coupables. Car si d’aventure il se déclarait innocent ou abasourdi par ce qui lui arrive il se montrait incapable de se défendre, alors, comme les images en boucle ont balancé, il serait traité en pure criminel. C’est une différence essentielle qui donne une toute autre dimension de la conception de la justice et de ce qu’elle représente pour la société. Dans le cas de Dominique Strauss-Kahn, sans rien enlever à sa présumée victime, le traitement physiques dont il a fait objet coïncide avec le franchissement d’une ligne rouge qui a eu comme conséquence la destruction de l’image publique et avec elle la dignité de la personne. Tout le monde a pu voir la signification de ce « we get it », orchestré avec main ferme et touts les détails possibles pour les cameras du monde entier conviées au spectacle. C’est un condamné à mort que nous avons vu et pas seulement l’inculpation d’un présumé innocent. Sa peine s’expiait sous nos yeux dans l’étonnement et l’indignation du public présent à l’audience ainsi que celui de partout dans le monde relié par ces images indignes d’une civilisation. C’est une véritable mise à mort et pas une volonté de comprendre, d’expliquer ce qui s’est passé dans un esprit contradictoire pour rendre justice. Que Dominique Strauss-Kahn soit aujourd’hui sous haute surveillance pour lui empêcher un suicide qui en est la conséquence directe ne doit étonner personne car son être humain a été irrémédiablement détruit bien avant.

  10. Oui ! Le problème, c’est la justice !

    C’est un problème technique, de droit ! C’est là qu’est le problème !

    Tous ces inculpés par ce système inique. Parce qu’il n’y a pas que DSK qui soit tombé
    dans ce piège technique.

    Tant et tant d’injustice.

    Si seulement les violeurs pouvaient agir au grand jour. Si seulement les enfants
    et femmes violés cessaient de profiter du système en portant plainte une fois sur dix.

    Mais comme les américains sont obtus, il faut demander aux violés de faire l’effort.

  11. Le droit américain est ce qu’il est , l’accusation y est plus forte, mais la condamnation ne peut reposer que sur des preuves irréfutables. Notre système, en revanche, repose sur l’intime conviction des juges ou des jurés. Les avocats de DSK vont tout mettre en oeuvre pour contester l’irréfutabilité des preuves et en matière de délit sexuel c’est tout à fait possible quand on a les moyens comme DSK de payer des détectives et des avocats acharnés. Comme Michael Jackson il sortira, peut être même sans procès. Pourant ….