Une réponse à Laurent David Samama

Cher Laurent David,

Le papier que vous avez choisi de frapper du sceau de la « lâcheté communautaire » en référence à l’invitation faite par Radio J à Marine le Pen et annulée in extremis, appelle quelques réactions :

Il faut regretter tout d’abord que vous ayez déformé quelque peu les faits pour les rendre plus favorables à la thèse que vous souhaitez défendre. A plusieurs reprises dans cet excessif billet, vous laissez entendre que Radio J préparait un débat, voire même un débat contradictoire. C’est en apparence une information de taille. Mais c’est tout simplement faux. Nulle part, on a lu ou entendu, avant ou après ce fameux dimanche, qu’il y aurait quelque contradicteur opposé à Marine le Pen. Jamais le journaliste ou le directeur de cette antenne n’ont parlé d’un débat. Non. Il s’agissait d’une interview, au mieux d’une interview exigeante, mais seulement d’une interview. Dans cette logique, il n’y avait donc pas d’affrontement entre la communauté juive et Marine le Pen, comme vous l’énoncez; les organisations communautaires n’ont donc pas fui un débat comme vous le prétendez, puisqu’il n’y avait pas débat, et qu’elles n’y avaient pas été invitées. Je ne crois d’ailleurs pas qu’un débat eut été préférable. Mais comme c’est à partir de cette description erronée des faits que vous fondez l’ensemble de votre papier et votre argumentaire, il me semblait important de le rappeler.

L’autre argument qui vous autorise à dénoncer un fiasco – que vous êtes d’ailleurs le seul à constater – est la tension qui existe en apparence entre liberté journalistique et considérations politiques. Vous dites ainsi « Qu’est donc Radio J ? Une station de radio où travaillent des journalistes ou bien un cercle de pensée engagé ? »

Cet argument, même si vous le défendez maladroitement en invoquant une impossible objectivité journalistique, mérite que l’on s’y arrête un peu plus sérieusement.

Remarquons simplement que vous vous offusquez d’une tension inhérente au travail du journaliste politique. Taddei se plait à recevoir Soral. Ardisson a un jour pris la décision en direct de ne plus recevoir Dieudonné. Drucker et Ruquier ont dit qu’ils se refuseraient à recevoir Marine Le Pen. Vous-même pourquoi ne vous êtes-vous jamais indigné, le terme est à la mode, pendant ces 20 dernières années, où Radio J refusait d’inviter Jean-Marie Le Pen ? Dans cette tension permanente entre informer et accepter, l’enjeu est évidemment de savoir où l’on place le curseur.

C’est sur ce point que toute la communauté juive organisée, renforcée par les forces vives de l’antiracisme, ont dit leur désapprobation. Ils n’ont sans doute pas manqué d’arguments pour convaincre Radio J que le Front National restait un parti infréquentable pour quiconque prétend lutter contre le racisme. Personne n’était dupe. Il n’y a que vous pour croire que c’est l’interview et non l’invitation qui aurait fait évènement dans cette affaire.

Marine le Pen sait que dans sa quête de respectabilité, l’acoquinement avec une partie même marginale de la communauté juive est un graal. Elle sait, que si les Juifs de France affranchissent le FN du tabou du racisme et de l’antisémitisme, alors elle aura fait un grand pas en avant pour espérer prendre un jour le pouvoir. Recevoir Marine le Pen n’était pas qu’une affaire de symbole ; Il s’agissait du énième épisode de l’âpre bataille politique à laquelle je vous invite à prêter main forte.

Bien à vous,

Raphaël Haddad