Il est évidemment plus facile de manipuler une Sakineh qu’un Jafar Panahi ou un Blogfather, ces autres victimes, parmi d’autres, de l’ arbitraire du pouvoir iranien.

Mais il faut bien dire que la dernière mascarade des flics d’Ahmadinejad dépasse, en la matière, toutes les plus sombres prévisions. Obtenir de la malheureuse, au secret depuis six mois, sans contact avec le monde extérieur, brisée, qu’elle plaide coupable d’un crime dont la justice iranienne elle-même l’avait innocentée, obtenir d’elle qu’elle désavoue ses propres avocats et envisage de les poursuivre en justice, obtenir de son fils, Sajjad, qu’il vienne condamner la campagne d’opinion qu’il a lui-même lancée et sans laquelle Sakineh aurait été lapidée depuis longtemps, voilà qui est du grand art en même temps qu’une manifestation de cynisme tout-à-fait extraordinaire.

Pour nous qui avons, pendant plusieurs semaines, été en contact avec Sajjad, ces “aveux” ne signifient rien. Lui comme sa mère ont dû être soumis, pour tenir pareils propos, à d’insoutenables pressions et, peut-être à des tortures. Entre le Sajjad que j’ai moi-même interviewé, le 3 septembre 2010, au téléphone pour le quotidien Libération, entre ce Sajaad que j’ai entendu défendre Sakineh d’une voix ferme et récuser, sans l’ombre d’une hésitation, les calomnies distillées par les juges iraniens et par leur presse, entre ce Sajjad-là et celui qui, aujourd’hui, reconnait, tout en la lui pardonnant, la culpabilité de sa mère dans le meurtre de son père, il y a, évidemment, un abîme que seul un traitement “d’exception” peut expliquer.

Pour nous, cette mise en scène ne change rien. Elle ne change et ne changera rien au combat que nous menons contre la lapidation. Elle ne change et ne changera rien au fait que Sakineh est devenue le symbole de toutes les femmes d’Iran humiliées, abaissées, persécutées et parfois martyrisées. Si, d’ailleurs. Il y a peut-être un changement. Ces séances d’autocritique à répétition, cette façon de la tirer régulièrement de sa cellule pour lui faire avouer des crimes imaginaires, cette manière de lui faire dire que la campagne en sa faveur la déshonore en même temps qu’elle déshonore son pays, tout cela pourrait bien être annonciateur du pire. Le pouvoir iranien a décidé de faire de Sakineh un symbole. Plus que jamais, nous devons l’empêcher de gagner cette bataille du symbole.

6 Commentaires

  1. Toutefois, il va sans dire qu’au dela toutes considérations politiciennes, on ne peut que condamner dans les termes les plus le pouvoir Iranien dans cette obscurantisme dans le lequel il s’obstine.

  2. Mr je suis aussi ému que vous l’êtes s’agissant de Sakineh, pour autant je conteste fortement votre objectivisme quand à cette affaire!! vous savez tres bien que, tant Israel que tous les amis d’Israel n’attendent qu’une chose c’est que cette pauvre femme soit lapidé sur la place publique devant l’oeil de tous les médias internationaux !! diabolisant définitivement l’Iran pour ainsi justifier plus facilement l’attaque militaire de ce pays !!!

    les seules règles du jeu sont les votres, subjectives et empreintes de tout autant de cynisme que celui que vous dénoncez

    la rhétorique occidentale du bien et du mal est totalement désuète!!!!

  3. « Lui comme sa mère ont dû être soumis, pour tenir pareils propos, à d’insoutenables pressions et, peut-être à des tortures ».

    En plein Levytation, comme d’habitude, l’auteur ne peut s’empêcher d’aller chercher ses certitudes dans la boule de cristal marqué « peut-être ». Pour ce qui est des réelles tortures, je lui conseille d’aller à Guantanamo Bay USA, ou dans les prisons israeliennes.
    Ainsi il pourra témoigner de réalités, ou bien se taire et compter ses 80 milliards de fortune sans nous infliger ses partiales et pesantes injonctions.

    Evidement, ça risque de ne pas aider ces petits camarades US et israeliens qui veulent à tout prix balancer des bombes sur la population iranienne parce que leur gouvernement fabrique du nucléaire civil, et qu’ils n’arrivent à trouver, et encore moins à inventer des preuves, comme ils l’avaient fait déclencher la guerre en Irak.

  4. Je me permets de vous transmettre un lien vers une propagande nauséabonde qui concerne Sakineh : http://senor-information.over-blog.com/article-scandale-sakineh-meyssan-alerte-citoyens-on-vous-ment-eva-r-sistons-63723895-comments.html

    Je suis au jour le jour l’évolution de ce dossier. Je sais que vous êtes systématiquement dénigré par la presse parisienne mais quand une injustice devient flagrante, qu’une vie est en jeu, qu’on parle de lapidation ou de pendaison, on ne peut plus jouer!
    Vous avez le mot juste et c’est l’objet de mon commentaire. Je sais que vous n’y resterez pas insensible.
    J’ai moi-même essayé de faire un commentaire sur leur site, mais il n’a pas été publié : trop bourgeois sans doute… ( il faut dire que les infos publiées sont inattaquables, leur source :DIEUDONNE)
    Merci pour votre constance sur ce dossier et plus généralement pour votre combat contre toutes les maltraitances faites aux femmes.

    Marylise Borowy