Les mains désespérées levées vers le ciel, les yeux fermés ou alors ouverts, révulsés, le regard ailleurs, le regard dans le vide ; ils prient, prient, prient… Que sa volonté soit faite! Amen ! D’Abidjan à Lusaka, de Nairobi à Bissau, chaque dimanche, les fidèles revêtus de leurs plus beaux atours – costumes blancs, bleus, gris, roses, rouges, verts ou noirs, pagnes multicolores, wax ou indigo – espèrent, espèrent, espèrent. Espérer, c’est espérer Dieu. S’en remettre à Dieu. Qui d’autre pourrait résoudre leurs problèmes ? Qui d’autre pourrait soulager leurs dos ployés par ce quotidien insupportable ? Qui d’autre pourrait soigner leurs vies brutalisées par le réel, brisées par la violence du réel?

On ne peut pas vivre sans espérance, sans attente de l’espérance. Sans espérance, la douleur de la vie devient infernale, abominable, invivable. Autrefois, l’espérance était gravée dans le lien social. Nul n’était totalement dépourvu, désarmé devant l’adversité de la vie. Il y avait les autres et le lien aux autres; les autres, frères en humanité. En cas de coup dur, en cas de malheur, l’aide fraternelle était là, sécurité inébranlable. C’était l’époque de l’Ubuntu : je suis parce que tu es.

La misère a depuis rogné cette liane qui liait les uns aux autres dans une indéfectible solidarité. Aujourd’hui chacun passe son destin, souffre, gémit, se démène comme il peut dans les abysses de la souffrance, avec sa détresse, avec ses défaites, avec son silence. Chacun dans l’impuissance d’aider l’autre ; chacun dans la souffrance. La souffrance isole ; la souffrance emmure. La maladie, la faim, le sang de la guerre, la douleur du corps, la souffrance de l’esprit. La souffrance extrême. La souffrance, quand elle est absolue, est un manque sans remède. Un vide. Une béance. Un obscurcissement du sens. Qu’est-il alors encore possible d’espérer ? Et que peut l’homme seul face à la vie, quand elle devient épreuve sans pitié ? Pas grand-chose. Alors reste le temple, le temple évangélique, le temple millénariste, le temple charismatique.

Chaque dimanche, on se saisit des lieux : on prie, on prie, on prie. Chacun prie tout haut, plus haut que son voisin : Jésus vient, Jésus revient, Jésus vient me sauver. D’homme à homme, d’homme à Dieu, chacun expose sa condition à Jésus, présente ses demandes, ses doléances, en appelle à sa puissance divine. On espère aide et secours, on attend un geste: « Dieu sauve-moi, l’eau m’arrive à la gorge. Je m’enlise dans un bourbier sans fond et rien pour me retenir. » On confesse. On confesse ses pêchés, réels ou imaginaires. La maladie ne serait-elle pas une méchanceté ? La pauvreté, un vice ? Une disposition providentielle ? Un châtiment céleste ? Malheur et culpabilité. Il faut battre sa coulpe.

La détresse n’est pas un pêché et pourtant on confesse quand même. La confession guérit d’ailleurs : elle guérit des mauvais esprits, des démons : que vous soyez aveugles, sourds, muets ou infirmes, vous serez guéris ! La vue sera rendue aux aveugles, la parole aux sourds et aux muets, l’usage des jambes aux paralytiques. Bienheureux ceux qui confessent. On confesse sa volonté d’être un autre que soi, son inaltérable volition de naître et de grandir de nouveau ; on confesse pour signifier qu’on est devenu un esprit vertical, un autre homme, une autre femme. On désavoue sa vie, on jette en pâture sa propre vie ; on abandonne au temple la responsabilité d’être soi-même, la responsabilité de son existence, de sa pensée, de son action.

Enchaîné aux autres, enchainés les uns aux autres, menés par le prédicateur, le guide, on chante, on glorifie le nom du Tout-Puissant. Les corps bougent. Vibration à l’unisson. La communion est totale. Puis, progressivement sur injonction du pasteur autoproclamé, la ferveur redescend. Les corps s’alignent. Le prédicateur prêche, s’emporte, cite les versets de la bible, annonce l’Armageddon, la bataille finale entre les forces du bien et les forces du mal. « L’apocalypse est pour bientôt ; chacun doit se préparer. Beaucoup seront appelés et peu seront élus. Seuls ne seront sauvés que les fidèles parmi les fidèles, les saints nés à nouveau. Jésus t’appelle ; Jésus est ton sauveur ; Jésus revient ; Jésus est au courant des vos problèmes ; il va les résoudre ! Des miracles vont se produire ! »

On sort du temple comme on sort d’une séance de massage, l’âme plus apaisée, les batteries rechargées, l’esprit apparemment fortifié. Le temps de retrouver le réel dans la mesure des jours ; ce réel coutumier qui pourtant demeure insaisissable; ce réel sans repères, sans orientations, sans directions ; cette route perdue, ce sentier de la perte. Impossibilité de s’évader du monde, de se faire sans lui ; les exigences, les séductions, les blessures et les brutalités du quotidien sont toujours là. Peu importe : on appartient désormais à une nouvelle famille. On sait que face aux imprévus du présent, on peut se tourner vers « ses frères et sœurs en Christ » pour un soutien moral ou matériel indéfectible ; peu importe : on se sent blindé, protégé par une force supérieure : la croyance est-elle une fumée, une illusion, une vapeur, une facilité, une démission, une force, un bien, une source d’eau vive?

Et chaque dimanche on revient au temple pour se consoler des malheurs du quotidien, pour s’affranchir du carcan de l’angoisse. Et on prie, on prie, on prie. La souffrance est une aphasie, une perte de voix en attente de verbe, on prie ; la souffrance est une solitude en espérance de communion et on retrouve la communauté des frères et sœurs en Christ. Et on prie. Le même sermon : « Le pauvre ne sera pas oublié. Soyez forts et courageux vous tous qui espérez dans le Seigneur. Dieu n’a pas fait la mort et il ne prend pas plaisir à la perte des vivants. Dieu veut que tous les hommes soient sauvés ! » On prie et on espère. Et on donne, on donne chaque dimanche en offrande, on donne au temple ses derniers centimes, on vide ses poches. Et le prédicateur – devenu big man – pèse et soupèse la quête. Il pourra acheter bientôt champs et vergers.

Et chaque dimanche on prie, on prie, on prie; les yeux usés à force d’attendre : allô, allô Dieu, êtes-vous là ? La souffrance égare parfois ; elle fait alors de celui qu’elle frappe un abusé.

Un commentaire

  1. « En ce jour-là, Il protégera les habitants de Jérusalem, Et le faible parmi eux sera dans ce jour comme David; La maison de David sera comme YA, Comme l’ange de Ya devant eux. 9 En ce jour-là, Je m’efforcerai de détruire toutes les nations Qui viendront contre Jérusalem. » Zacharie 12 :8-9

    « Ainsi parle Ya des armées: En ces jours-là, dix hommes de toutes les langues des nations saisiront un Juif par le pan de son vêtement et diront: Nous irons avec vous, car nous avons appris que YA est avec vous. » Zacharie 8:23

    « Pour l’amour de Sion je ne me tairai point, Pour l’amour de Jérusalem je ne prendrai point de repos, Jusqu’à ce que son salut paraisse, comme l’aurore, Et sa délivrance, comme un flambeau qui s’allume. » Esaïe 62:1

    7 C’est pourquoi, voici, des jours viennent, dit l’Eternel, où l’on ne dira plus, L’Eternel est vivant, qui a fait monter les fils d’Israël du pays d’Egypte, mais,
    8 L’Eternel est vivant, qui a fait monter et qui a ramené la semence de la maison d’Israël du pays du nord, et de tous les pays où je les avais chassés; et ils habiteront en leur terre
    30: 3 Car voici, les jours viennent, dit l’Eternel, où je rétablirai les captifs de mon peuple Israël et Juda, dit l’Eternel; et je les ferai retourner au pays que j’ai donné à leurs pères, et ils le posséderont. Jérémie 23:7-8 ; 30:3

    Et je vous prendrai d’entre les nations, et je vous rassemblerai de tous les pays, et je vous amènerai sur votre terre; Ezéchiel 36:24

    Et dis-leur, Ainsi dit le Seigneur, l’Eternel, Voici, je prendrai les fils d’Israël d’entre les nations où ils sont allés, et je les rassemblerai de toutes parts, et je les ferai entrer dans leur terre; Ezéchiel 37:21

    10 Réjouissez-vous avec Jérusalem, soyez dans l’allégresse à cause d’elle, vous tous qui l’aimez! Réjouissez-vous avec elle d’une grande joie, vous tous qui pleuriez sur elle! 11 Afin que vous soyez allaités et rassasiés du lait de ses consolations; afin que vous buviez avec délices de sa glorieuse abondance. 12 Car ainsi a dit l’Éternel: Voici, je vais faire couler vers elle la paix comme un fleuve, et la gloire des nations comme un torrent débordé; et vous serez allaités, vous serez portés sur les bras, et caressés sur les genoux. 13 Je vous consolerai comme une mère console son fils, et vous serez consolés dans Jérusalem. 14 Vous le verrez, et votre cœur se réjouira, et vos os reprendront vigueur comme l’herbe. Et la main de l’Éternel se fera connaître pour ses serviteurs, et sa colère contre ses ennemis. Esaïe 66:10-14

    1 Car l’Eternel aura compassion de Jacob et choisira encore Israël, et les établira en repos sur leur terre; et l’étranger se joindra à eux, et sera ajouté à la maison de Jacob. Esaïe 14:1-2

    « Alors je répandrai sur la maison de David et sur les habitants de Jérusalem Un esprit de grâce et de supplication, Et ils tourneront les regards vers moi, celui qu’ ont a … Ils pleureront sur lui comme on pleure sur un fils unique, Ils pleureront amèrement sur lui comme on pleure sur un premier-né. » Zacharie 12 :10