Nomination d’E. Kagan : Les Etats-Unis n’en ont pas fini avec le progressisme.

Sujet de première importance outre-Atlantique, la nouvelle de la nomination d’Elena Kagan à la Cour Suprême des Etats-Unis ne fut que faiblement reprise par les medias français. Loin du détail, elle représente pourtant une décision majeure du mandat de Barack Obama et le symbole d’une Amérique plus que jamais motrice des idéaux progressistes.

La nomination d’un juge à la Cour Suprême est toujours un moment important dans la vie politique américaine. Plus haute institution judiciaire du pays, la Cour Suprême, exerce en effet la mission de se positionner sur les sujets qui divisent les Américains. En choisissant de nommer Kagan à la Cour Suprême, Obama Président prouve que l’idéal qui guidait Obama candidat n’est pas mort. Car nommer Elena Kagan n’est pas un choix anodin. C’est au contraire un choix qui en dit long sur la volonté du président américain de faire évoluer les mentalités, quitte à bousculer certains conservatismes. Si sa nomination est avalisée par le Sénat, Kagan deviendrait à 50 ans la plus jeune des neuf juges siégeant First Street à Washington D.C. Elle serait également la troisième femme au sommet du pouvoir judiciaire américain, fait inédit dans l’histoire des institutions du pays. On doit souligner cette volonté d’Obama de rechercher une quasi parité au sein du collège de sages. Mais surtout, Kagan incarnerait cette Amérique multiculturelle et post-raciale qui a valu à Barack Obama de marquer les consciences. Car Obama ne nomme pas Kagan pour satisfaire quelques minorités en mal de reconnaissance. L’intérêt de sa nomination réside dans le fait qu’elle outrepasse ses caractères personnels pour apporter un souffle nouveau à la Cour Suprême.

Dans un entretien au Figaro1, Vincent Michelot, professeur à l’IEP de Lyon précise : « En choisissant une personnalité controversée chez les ultraconservateurs, Obama prend un risque et peut récolter une énorme récompense politique. La capacité d’Elena Kagan à infléchir la jurisprudence est plus importante. Sur le court terme, la Cour, sous son influence, peut revenir sur les arrêts qui font obstacles aux réformes. Sur le long terme, il y a l’idée de construire une jurisprudence progressiste. Avec Kagan, le président Obama entend pratiquer une transformation de l’institution. Dans un système où les nominations sont à vie, Elena Kagan, à 50 ans est encore «jeune». Si elle suit le même chemin que John Paul Stevens, qui s’est retiré à 90 ans, elle pourrait être en place jusqu’en 2050. Et potentiellement devenir présidente de la Cour ».

Dans le CV de Kagan figurent quelques uns des combats démocrates les plus passionnants de ces dernières décennies. En 1988, elle fait ainsi partie du comite Dukakis for President. Sous l’ère Clinton, elle rejoint ensuite la Maison Blanche en qualité de conseillère adjointe aux affaires intérieures. Selon les propres mots de Barack Obama, Elena Kagan est un des esprits juridiques les plus brillants du pays. C’est également une « pionnière », Kagan fut en effet la première femme doyenne de la faculté de droit de Harvard. En plus d’être femme, juive et relativement jeune pour le poste qu’elle convoite, Elena Kagan est une éminente défenseure des causes gays. C’est précisément ce détail qui passionne l’Amérique. Sur les plateaux télés et dans les journaux, on se questionne jusqu’à l’obsession sur les orientations sexuelles de cette célibataire sans enfant. En témoigne cet article « Is sexual identity our business, or are we a nation of busybodies? » paru dans le Washington Post du 14 Mai 20102. Karen Tumulty y décortique le mécanisme de la rumeur Kagan. Pour la journaliste, le buzz autour de cette nomination montre à quel point la question de l’orientation sexuelle demeure politiquement lourde de sens dans les États-Unis de 2010.

On connaît en effet le goût des Américains pour le puritanisme de façade. Celui-ci s’exprime au travers de scandales «people » retentissants qui en arrivent aujourd’hui à éclipser la caractéristique politique essentielle du genre à l’origine du premier de tous les « Gates », le Watergate.  Ce puritanisme de façade poussa pêle-mêle Bill Clinton à s’excuser publiquement à la suite de l’affaire Lewinsky (Monicagate), les grands networks à différer les retransmissions télévisées d’évènements comme le Superbowl a la suite du Nipplegate et Tiger Woods à renoncer à de juteux contrats publicitaires pour cause d’adultère (d’aucuns parlent de Tiger-gate). Mais les États-Unis sont également ce pays progressiste où l’on jouit d’une liberté de pensée impensable pour n’importe quel esprit européen marqué par l’Histoire et ses conséquences tragiques. Tiraillés entre puritanisme et liberté totale, le grand écart est donc permanent et souvent surprenant. Il est pourtant la source de la vitalité étatsunienne. Alors qu’en Europe nous prêchons surtout parmi nos convertis, les Américains s’évertuent à toujours débattre avec la partie adverse. Ils testent ainsi leurs arguments, vérifient la justesse d’un raisonnement et l’efficacité d’une punchline directement sur leurs opposants. Outre-Atlantique, le débat est souvent vif et a ce mérite : il ne se coupe jamais des préoccupations populaires.

 

Ces jours-ci, on parle donc de Kagan. On parle de Kagan et l’on parle également de la communauté LGBT. On parle de Kagan et de ses luttes passées contre l’homophobie régnant au sein de l’US Army. Petit à petit, à force de discussions, d’éditorialisation et de commentaires, on fait imperceptiblement rentrer dans les consciences cette notion cruciale de progrès social. Après une difficile réforme du système de santé, Barack Obama prouve une fois encore avec la nomination d’Elena Kagan que les slogans « Change », « Hope » et « Yes we can » n’étaient pas de vains mots. Par touches successives, il teinte son réalisme politique d’une bonne dose d’idéalisme et poursuit un agenda progressiste qui lui valut hier le prix Nobel de la Paix.

2 Commentaires

  1. Obama il doit avoir tellement de boulot que c’est ses enfants qui ont le doigt sur le gros bouton rouge et qui surveillent.

  2. Encore un article propageant des mensonges éhontés ! Kagan va remplacer Stevens, qui lui était un véritable progressiste. Kagan est bien plus controversée dans les milieux libéraux états-uniens que par les conservateurs. Mais peut-être l’auteur, qui prends ses info dans le Figaro, ne lit-il pas l’anglais ? Sinon, je lui conseillerai de lire du Glenn Greenwald, par exemple. Obama est la suite logique de Bush, et n’a rien d’un homme de progrès. C’est un opportuniste extrèmement timoré (prudent, disent certains), et malgré la majorité des Dems aux deux chambres, Obama s’acharne à obtenir l’approbation des Reps (les fameuses résolutions bi-partisanes, p. ex.).
    Décidemment, la règle du jeu n’est qu’un assemblage de tissus d’âneries.