Il faut saluer l’esprit d’à propos des membres de l’équipe rédactionnelle du Nouvel âne. Consacrer tout un numéro au phénomène pandémique de L’évaluation (et ses conséquences désastreuses) n’était pas seulement opportun, mais aussi salubre et plus que nécessaire. Vous n’avez jamais été évalué ? Patience ! Psychopathologie devenue ordinaire, l’évaluation n’épargne en effet aucun secteur de l’activité humaine. De l’entreprise à l’Université, de la justice à la recherche, de la psychiatrie à l’écologie, tout fait farine au moulin de l’évaluation. Du devenir monde de l’entreprise au devenir entreprise du monde, il n’y a qu’un pas et ce pas a été franchi. Après tout, le management a fait ses preuves, pourquoi donc ne pas l’appliquer à tous les étages ? L’idée a fait son chemin. Aussi calamiteuse soit-elle. Combien de suicides, combien de dépressions, d’aberrations sans nom s’agira-t-il d’accumuler avant de nous en rendre compte ?
C’est un fait, évaluer à tour de bras empire les problèmes au lieu de les résoudre. Telle cette fièvre productiviste se révélant, au final, contre productive. La gauche peut se frotter les mains, occasion lui est offerte d’épingler une nouvelle fois le démon libéral ! A l’en croire, le libéralisme contiendrait en germe ce type de dérives ; le libéralisme équivaudrait nécessairement au libéralisme zinzin. Mais est-ce si simple ? Et que fait-on de la donne psychologique et humaine ? Comme l’exprime judicieusement un psychanalyste : “L’évaluation a […] un côté “ revanche des médiocres”, parce que dans les tous les domaines, les évaluateurs ne sont ni les plus pointus, ni les plus performants – sans quoi ils travailleraient à la production elle-même.”
Revanche des médiocres d’un côté, servitude volontaire de l’autre. Constat sombre mais qui a le mérite d’être sans complaisance…