C’est un fait : allègement des programmes scolaires oblige, la jeunesse française maîtrise de moins en moins son Histoire. On ne reviendra pas ici sur les dégâts engendrés par une telle décision sur les générations futures, tout cela ayant été largement commenté dans la presse. Contre toute attente, prenant le contre-pied des reculades de l’Education Nationale, ce sont aujourd’hui les médias, télévision en tête, qui se remettent à parler d’Histoire, venant ainsi combler les carences en matière d’apprentissage de l’Histoire. Et si la télévision avait un rôle à jouer en matière de transmission du passé ? La question est ouverte…

Soirées spéciales, documentaires et investigations : l’explosion du nombre de programmes consacrés à l’Histoire

Dans un article publié sur le site de Télérama, l’historien Laurent Véray établissait un constat sans équivoque quant à la multiplication des programmes d’Histoire sur le petit écran. « Depuis quelques années, on assiste à une multiplication de documentaires historiques à la télévision. Il est vrai qu’à l’ère du tout-numérique, l’accès aux images d’archives est beaucoup plus facile qu’auparavant. Mais, simultanément, les nouvelles technologies permettent des modifications formelles (colorisation, passage au 16/9e et sonorisation) adaptées au nouveau dispositif télévisuel. Ces « attractions » (la stratégie promotionnelle des chaînes met d’ailleurs l’accent sur ces effets) marquent un changement de paradigme dans la représentation de l’histoire. L’actualisation de celle-ci devient l’enjeu essentiel. Il y a eu 14-18, Le bruit et la fureur (2008) de Jean-François Delassus, puis Apocalypse, la Deuxieme Guerre Mondiale (2009), Apocalypse, Hitler (2011), et maintenant Apocalypse, la Première Guerre Mondiale de Daniel Costelle et Isabelle Clarke. » Complétons le tableau. Sur Europe 1, chaque après-midi, l’historien Franck Ferrand invite ses auditeurs à un voyage à travers les siècles. Son émission, Au cœur de l’Histoire, laisse la part belle au récit. Et le format séduit. Grâce à ses plongées à travers les siècles, Ferrand arrive à réunir autour de lui un public fidèle, en quête de grandes histoires et d’anecdotes savoureuses. Le service public n’est pas en reste. On ne présente plus Stéphane Bern qui enchaîne les succès d’audience avec ses Secret d’Histoire empreints d’un style souvent surjoué mais diablement efficace. En marge de cette machine à attirer le téléspectateur, d’autres programmes moins en vue arrivent également à tirer leur épingle du jeu. L’émission Label Histoire, diffusée sur France 3 Ile de France et présentée par Myriam Bounafaa et François Reynaert, constitue à ce titre un bon exemple. Sa recette est simple et efficace : partir sur les traces d’un personnage célèbre, rechercher des indices donnant l’effet d’une enquête historique et permettre à de spécialistes, généralement volubiles, d’éclairer le téléspectateur sur des faits précis.

L’Histoire à l’assaut de D8, chaîne de divertissement par excellence

Les grincheux diront qu’il s’agit là d’une forme de mise en scène de l’Histoire, largement romancée et racontée selon les exigences du récit télévisuel. C’est peut-être vrai. Reste que ce sont ces recettes éprouvées qui font aujourd’hui de l’Histoire une matière étonnamment attirante et devenue accessible au grand public.
La démonstration la plus spectaculaire de cet engouement autour des programmes historiques nous vient aujourd’hui de la chaîne D8, disponible sur le réseau TNT. La nouvelle « petite chaîne qui monte » dirigée par le discret faiseur de miracles Ara Apikian diffusera jeudi 22 mai à 20h50 un grand documentaire sur le Débarquement et sa face cachée. Proposé par Guy Lagache et raconté par Pierre Lescure, le documentaire raconte plusieurs trajectoires individuelles qui, mises bout à bout, ont permis de rendre le D-Day possible. Il remet au cœur du récit l’engagement de ces hommes et de ces femmes qui firent le choix courageux de la Résistance ou le jeu, sordide car humain, de l’occupation. La narration est moderne, le récit à la fois didactique et captivant. Ce que Guy Lagache et ses équipes ont fait est ici essentiel : avec la Face cachée du Débarquement, le journaliste ramène tout un public d’ordinaire friand de pitreries et de grand guignol vers une meilleure compréhension d’un des tournants du XXème siècle. A la veille des élections européennes, le timing paraît bien choisi. Il permet de rappeler à tous que la liberté et la démocratie sont des biens précieux et fragiles.