Comme à chaque fois que le Proche-Orient s’emballe, des esprits primaires s’empressent d’importer sur notre sol le conflit israélo-palestinien. Comme à chaque fois que le Proche-Orient s’embrase, on entend ici en France quelques excités tout confondre et agiter bien haut l’inquiétant étendard de la guerre civile. La décision des cinémas Utopia qui retirent de l’affiche un film israélien, A 5 heures de Paris, à la suite de l’assaut sur la flottille pour Gaza participe de cette logique.

Entre Utopia et Israël, il y a décidément quelque chose qui ne passe pas. Comme une rancœur tenace. La Règle du Jeu, Yann Moix dans « Une Utopie pourrie », Bernard-Henri Lévy et moi-même dans « De la polémique au tribunal » avions prévenu le lecteur au sujet d’Utopia. Nous avions parlé de sa propension à exacerber le conflit israélo-palestinien. Nous avions parlé de cette extrême-Gauche qui utilise parfois le cache-nez de l’antisionisme pour disqualifier Israël puis les juifs. Et voilà aujourd’hui qu’Utopia remet le couvert. Voilà qu’Utopia redevient inquiétant. Voilà qu’il s’illustre par une décision stupide et prend l’Art en otage en instaurant un boycott culturel à l’endroit d’Israël.

Je n’ai jamais cru que le boycott puisse constituer un outil d’action pleinement valable. Tout bien mesuré, le boycott n’a jamais empêché une catastrophe, il n’a jamais empêché le mal de se produire. Ce n’est qu’une ré-action après-coup, une décision désespérée. Les juifs américains avaient beau jeu de boycotter les produits allemands dans les années 1930… Cela a t-il interdit le massacre de six millions de leurs coreligionnaires en Europe de l’Est ?

Je ne crois donc pas au boycott car il demande aux hommes de respecter une discipline de groupe totalitaire qui ne supporte ni le choc du temps ni celui des avis divergents. Le consommateur est un consommateur, le citoyen est un citoyen. Au boycott stupide et aveugle, on doit préférer la consom’action. Celle-ci consiste en la réunion théorisée par le mouvement de développement durable de ces deux individus, le citoyen et le consommateur. Réunis pour ne faire qu’un, ils deviennent consom’acteur. On part ici du principe que l’on « vote avec son caddie » et qu’il est dès lors possible d’infléchir l’inclinaison des industriels à employer les moyens de production les moins respectueux de l’environnement. La consom’action se veut donc consommation responsable, elle en est à ses balbutiements. Si elle est largement utopique, l’urgence environnementale pourrait en faire un moyen clé d’action des prochaines décennies. Seulement on parle ici d’écologie et pas de politique. On parle non pas d’Israël et de la Palestine, non pas d’un comptage de points enfantin entre deux frères ennemis que le monde adore voir se chamailler mais d’un danger global. Le boycott d’Israël est une ineptie car il se fait réflexe immédiat, primaire et pavlovien, la solution de ces passionarias qui n’arrangent rien à leur cause. Il est une ineptie car il fait le jeu des extrêmes en interdisant la discussion entre deux camps qui ne se parlent déjà pas assez.

Je le disais et je le répète : les Palestiniens souffrent d’une double peine ! Déjà embourbés dans un conflit interminable avec leur voisin israélien, ils sont en plus victimes de la balourdise et du machiavélisme de ceux qui croient prendre leur défense. C’est dit : la cause palestinienne a de biens piètres défenseurs. Utopia en fait radicalement partie. Anne-Marie Faucon, cofondatrice des cinémas Utopia se dit scandalisée « par l’attitude d’Israël, par sa violence » et entend « protester contre ce qui se passe ». Par un insensé effet miroir, elle répond donc à la violence du conflit israélo-palestinien par l’imbécilité d’un boycott culturel, la belle affaire…
Lorsqu’il porte sur la création, lorsqu’il pénalise ces artistes qui amènent les populations à s’interroger, le boycott atteint des summum de stupidité. Car le cinéma israélien fait œuvre d’introspection, de critique et de réflexion plus que n’importe quel autre cinéma au monde.
Soyons sérieux ! Boycotte-t-on Jafar Panahi parce qu’on s’oppose à Mahmoud Ahmadinejad ?! Cela reviendrait à tout confondre, à penser que Jafar Panahi serait seul responsable et seul complice d’une situation qu’il n’a pas choisie, cela reviendrait à penser qu’iranien est synonyme d’islamiste. Le raisonnement ne tient pas. C’est pourtant de ce genre de raisonnements qu’Utopia semble se nourrir.

Utopia n’aime pas l’art. Utopia ne sait pas ce qu’est l’Art. Sinon Utopia saurait qu’au même titre que le philosophe, l’artiste accompagne la communauté des citoyens et la tire vers le haut, qu’il est un moteur, qu’il est une solution…

2 Commentaires

  1. De la résolution du processus.

    Abimèlèkh dit :  » Voici ma terre en face de toi : habite au bien de tes yeux.  » (Genèse. 20:14)

    Patrick Klugman s’est brillamment proclamé sioniste et pro-palestinien. Que soulève une telle phrase? Elle soulève que la paix entamera l’éternité de son règne au Proche-Orient et par toutes ses ramifications sensibles, ce jour immense où tous les Juifs vont se proclamer pro-palestiniens et où tous les Arabes se seront proclamés sionistes. Que les grands leaders des nations arabes disent dès aujourd’hui leur attachement à l’existence d’un État juif aux portes des leurs, et un État palestinien sera créé le jour-même. Pourquoi, me direz-vous, serait-ce aux Arabes de faire le premier pas? Tout simplement parce qu’il ne s’agirait en aucun cas d’un premier pas, lequel a été fait dès 1947 par les fils du très très très très très très très proche voisin du très très très très très très très lointain roi de Guerar. Or, à présent qu’un successeur de ce bon roi se refuse à emboîter le bond à son aïeul mythique, il ne nous offre qu’une dernière solution… c’est maintenant à sa propre rue, et à celles qui se jettent dedans à corps perdus, de devenir sioniste, et de le faire plier.