Le jeune « écrivain surdoué » est une constante de l’édition.
« Entre Bret Easton Ellis et un Rabelais qui surferait sur Facebook », « génération perdue », « dérives de notre nouvelle société du spectacle », l’argumentaire de Grasset, bien décidé à nous vendre sa nouvelle trouvaille de 19 ans, donne envie de poser le livre avec les autres jeunes pousses vite fanées.

Erreur funeste. Baptiste Rossi est effectivement un jeune écrivain surdoué, et sa « flamboyante déclaration d’amour à la littérature » est impressionnante de talent et de maturité. On y trouve un style, une virtuosité sans vains effets, une culture classique mêlée à une connaissance des travers de l’univers numérique, un propos et l’art de raconter une histoire. Celle de Kévin, petit gars entraîné dans un jeu de télé-réalité qui le mènera à sa perte.
Avec, en démiurge dévoré de l’intérieur, Antoine, concepteur de divertissement qui repousse toujours plus loin les limites de l’acceptable. Et, en prime, le portrait hilarant et pathétique d’un animateur d’origine grecque, Michalis, cultivé, fin, dont les nobles ambitions ont été stoppées par la paresse. Si parfois certaines techniques narratives tournent au procédé dans la deuxième partie du livre, on n’en reste pas moins secoué par la beauté de certaines pages, par leur puissance d’évocation et la poésie qui s’en dégage.