Certes les foyers de contestation restent encore concentrés dans les grandes villes, et certes aucune grève importante n’a été annoncée, il n’empêche que la Russie n’avait plus connu de telles manifestations depuis la chute de l’Union soviétique, autrement dit depuis vingt ans. Suite à la “victoire” du parti de Vladimir Poutine, Russie Unie, aux élections législatives du 4 décembre, ce sont en effet des milliers de russes (120 000 manifestants selon l’opposition, 29 000 selon la police) qui défilèrent ce samedi 24 décembre dans les rues de Moscou pour exprimer leur indignation et leur ras-le-bol face au système autoritaire et corrompu de Poutine.

Les fraudes qui eurent lieu durant ces élections législatives, filmées et mises en ligne par les opposants, ont très puissamment mobilisé la population contre « le parti des escrocs et des voleurs ». L’ampleur du phénomène est si grande que la télévision russe a, pour la premières fois, relayée ces informations. Il est vrai que le gouvernement n’a pas fait dans la dentelle : plusieurs bureaux de vote ont ainsi comptabilisé 130% de votants, les « fraudeurs » n’ayant même pas pris la peine d’amputer les votes favorables aux autres partis politiques.

Les revendications des manifestants dépassent cependant ces événements. Le véritable malaise s’est révélé le 24 septembre lors de l’annonce de la candidature de Vladimir Poutine – fort de deux mandats présidentiels, et d’un troisième à la fonction de Premier ministre – aux élections présidentielles du 4 mars 2012. Les slogans scandés par les manifestants – « Poutine démission », « Russie sans Poutine » – montrent leur volonté de lutter contre cette élection programmée.

A croire que la propagande visant à magnifier le personnage Poutine est rattrapée par la réalité : le chômage, la corruption, les tensions ethniques, la montée du sida sont également à la source de ce mécontentement général.

La pression s’intensifie autour de Vladimir Poutine. L’ancien ministre des finances Alexei Kudrin  a exprimé son soutien à plusieurs revendications des manifestants. Le milliardaire Mikhaïl Prokhorov, candidat potentiel aux élections présidentielles, s’est quant à lui joint aux rassemblements de Moscou. Pour couronner le tout, l’ancien dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev a déclaré, suite aux manifestations de samedi, à la radio Echo de Moscou : « Je conseillerais à Vladimir Vladimirovitch (Poutine) de partir maintenant. Il a déjà fait trois mandats : deux en tant que président (2000-2008), un en tant que Premier ministre – trois mandats, ça suffit ».

Sur la scène internationale, les dirigeants restent avares de commentaires. François Hollande, candidat PS à l’Elysée, a rappelé hier la nécessité pour le gouvernement Poutine de prendre en compte « l’exigence démocratique » de la population russe.
Quoi qu’il en soit, ces voix qui ont cessé de se taire semblent disposées à se faire entendre.