Le ton monte en Grèce comme en Espagne. Dimanche, de nombreux citoyens grecs et espagnols sont descendus dans les rues pour exprimer leur colère suite aux nouvelles réformes engagées par leur gouvernement. Si les motifs d’indignation ne sont certes pas les mêmes, c’est bien un ras-le-bol général que les peuples européens veulent faire entendre.

À Athènes, dimanche, des centaines de manifestants se sont réunis pour dénoncer les mesures d’austérité. Le nouveau plan adopté par le Parlement grec le 12 février, en vue de l’obtention d’une nouvelle aide de la troïka, prévoit, afin d’économiser 3,2 milliards euros en 2012, une réduction de 22% du salaire minimum, et de 12% des retraites supérieures à 1300 euros. Au même moment, en Espagne, des centaines de milliers de manifestants défilaient dans les deux principales villes du pays, Madrid et Barcelone, pour crier leur mécontentement face aux nouvelles coupes budgétaires dans les dépenses publiques ainsi qu’à la réforme du travail entrée en vigueur le 12 février. Si le chômage touche actuellement près de 23% de la population, et plus particulièrement 48,6% des 16-24 ans, les espagnols ont opposé un net refus à ces nouvelles mesures qui autorisent notamment les entreprises fragilisées à modifier le temps de travail, les tâches et les salaires de leurs employés tout en facilitant les licenciements. « Je crains que notre génération ait moins de droits que celle de mes parents, que nous ne vivions pas aussi bien. Je sens que l’Espagne et l’Europe retournent en arrière avec ce genre de réformes », déclarait hier un jeune manifestant.

L’Europe reste sourde à ces contestations. Preuve en est : les pays de la zone euro se sont mis d’accord, ce matin, sur un nouveau plan d’aide à la Grèce de 237 milliards d’euros. Le désespoir de la population pèse en effet peu de poids devant la menace de contagion aux autres pays de la zone. Pourtant, la colère du peuple grec pourrait bien être révélatrice de l’inefficacité des plans d’austérité à répétition qui, au lieu de permettre au pays de retrouver une économie stable, lui maintiennent la tête sous l’eau. Comble de l’ironie, la troïka ne semble pas elle-même croire à ce nouveau plan de rigueur : « la perspective pour la Grèce de retourner sur le marché dans les années qui vont suivre la fin du programme est incertaine » peut-on lire dans son rapport que s’est procuré le Financial Times. Même constat en Espagne, où le gouvernement, en place depuis seulement 60 jours, continue de défendre la réforme sur l’emploi, et ce malgré l’ampleur des manifestations de dimanche : « C’est une réforme juste, dont l’Espagne avait besoin pour cesser d’être le pays qui détruit le plus d’emplois en Europe », a affirmé Mariano Rajoy. Ici encore, donc, on continue de faire payer le peuple pour des fautes qu’il n’a pas commises, on lui ôte sa voix avec l’argument de la nécessité qui sert à justifier, soit dit en passant, la réduction de ses droits et de ses perspectives d’avenir.

Des voix commencent cependant à se faire entendre, du côté des élus, pour dénoncer ces pratiques. Mercredi 15 février, au Parlement européen, le cas de la Grèce avait largement fait débat. Daniel Cohn-Bendit, coprésident du groupe Vert, avait accusé la troïka d’exercer une « pression inacceptable » sur le peuple grec : « Si ce sont les talibans néo-libéraux qui règnent en Europe, alors c’est mal parti ! ». Guy Verhofstadt, leader du groupe libéral, avait quant à lui critiqué le fait que si l’on « demande plus d’efforts au privé, plus d’impôts, […] on ne s’attaque pas au système politique basé sur le clientélisme, les banques publiques, la corruption […]. Si on ne s’attaque pas à ces problèmes, il n’y aura pas de solutions à la clé ». Ainsi donc, les incohérences des politiques de rigueur commencent à être dénoncées. Reste seulement l’impuissance de l’Europe pour trouver des réponses à la crise, comme en témoigne la réaction de Maros Sefcovic, le vice-président de la Commission Européenne : « Oui, on a demandé une diminution des salaires et des pensions. Mais vous avez une alternative ? Le défaut ? Une faillite ? Le Parlement grec l’a très bien compris ». Et ils ne sont pas les seuls.