Entre autres tragiques nouvelles qui nous parviennent chaque jour du monde musulman, la pire peut-être est l’assassinat à Benghazi de Salwa Bugaighis le 25 juin dernier.
Pour tous ceux qui ont eu la liberté de la Libye au cœur et ont soutenu le combat des rebelles contre le régime et les armées de Kadhafi, Salwa Bugaighis était un symbole, outre, en ce qui nous concerne, Bernard-Henri Lévy, moi-même et bien d’autres témoins venus sur place soutenir la révolution libyenne, une amie.
Cette femme de 51 ans, juriste, a été assassinée à son domicile de douze balles dans le corps, en rentrant du bureau de vote pour les élections législatives. Elle était revenue spécialement de Jordanie où étudient ses enfants, pour y participer, malgré les menaces qui pesaient sur elle de la part des milices islamistes toujours infiltrées en ville.
Salwa Bugaighis était une cible de choix. Avocate, elle et son mari furent aux premiers jours et aux premiers rangs du renversement du régime de Kadhafi à Benghazi et de la libération de la ville, en février 2011. Nous l’avions rencontrée fin février, à peine rendus  à Benghazi, dans les bureaux du Palais de Justice, sur la Corniche. Membre du CNT, le Conseil national de transition, militante féministe, arborant fièrement sa belle tête nue, elle incarnait l’esprit des lois, les lumières de la démocratie, un islam tolérant et ouvert. C’est elle qui nous fit rencontrer le soir-même de notre arrivée le chef du CNT, à qui Lévy proposa d’envoyer une délégation à Paris, en vue de la reconnaissance par la France de la Révolution libyenne. On connaît la suite. Plus tard, elle organisa une imposante manifestation sur la Place de la Liberté agitée de drapeaux tricolores, où Lévy prit la parole et assura la foule du soutien de la France.
A l’heure où les barbares islamistes triomphent en Irak, à l’heure où pour la première fois dans la chronique contemporaine du Mal des hommes se revendiquent hautement comme tels à coups de massacres et d’égorgements quotidiens quasi en direct sur la Toile, l’assassinat de Salwa Bugaighis, après celui de deux grands libéraux tunisiens l’an dernier, sonne comme un nouveau présage. Tous les démocrates, tous les défenseurs des libertés et des droits humains sont, plus que jamais, des cibles, au sud de la Méditerranée et ailleurs dans le monde musulman.
Le peuple de Benghazi est en deuil. Nous nous souviendrons longtemps de Salwa Bugaighis, de son beau sourire, de sa foi en l’avènement de la démocratie dans son pays après quarante ans de dictature et de désert de l’esprit. Qui prendra sa relève, à Benghazi, à Tripoli, ailleurs ? Qui, au prix peut-être de sa vie ?