Hier, à l’appel du CRIF, s’est tenu un rassemblement contre la haine au Trocadéro. Il était temps.
Il y a peu, les rues de Paris, soixante dix ans plus tard, retentissaient de nouveau des cris ignobles de la canaille, de ceux qui n’aiment pas les Juifs. Cinq mille imbéciles doublés de salauds s’apprêtaient un soir de janvier dernier, à Nantes, à hurler de rire aux sanies antisémites d’un homme qui inocule à tous vents le virus de la haine. Des stigmates nauséabonds montent des quartiers en déshérence de la République contre les « Feujs », tenus hier pour frères des Beurs. Par centaines, des jeunes Français s’enrôlent pour le jihad en Syrie, auprès des succursales d‘Al Quaïda. D’ores et déjà les autorités françaises s’alarment que les mêmes, de retour de Syrie, se livrent d’aventure au jihad à domicile, à l’instar d’un Merah, érigé en martyr un peu partout sur la Toile. Sans parler de ce bon vieux FN qui, sous des dehors moins abrupts, n’a, moins que jamais, viré sa cuti vichyssoise.
Ce n’est pas « l’enfer qui recommence », comme le prophétisait Joseph Roth à l’aube des années 30, mais les signes sont là. Et le travail doit recommencer, qui n’avait jamais cessé, pour rehausser les digues contre la boue qui resurgit quand la mémoire s’efface, quand la Crise s’enkyste et que le malaise, de plus belle, s’installe dans la civilisation. En ces temps de déprime morale et sociale, la recherche du bouc émissaire n’est jamais bien loin.
Comme n’a cessé de le rappeler Bernard-Henri Lévy aux avant-postes, depuis vingt ans, depuis Vitrolle et autres lieux où le FN commençait sa marche municipale et répandait son venin d’un fascisme soft à la française, trois fantômes bien vivants se dressent contre nous, Juifs, contre nous, démocrates et Français.
Le fantôme du négationnisme. On le tenait pour mort et quasi-enterré. Son cadavre bouge encore. Il a repris du service, connu un coup de jeunesse, s’exhibe, obscène et sans retenue, sur les tréteaux publics, en pyjama rayé, attend son heure, que les derniers rescapés, témoins de la Shoah, ne soient plus là. Contre lui, pas de quartier. Les contournerait-il par de nouvelles inventions sémantiques, des sous-entendus gestuels qui ne trompent que ceux qui ne veulent ni voir ni entendre, les lois sont là. Elles n’empêcheront jamais totalement la saloperie de se dire par des voies détournées, des biais nouveaux. Mais elles sont là, ces justes, ces saines lois, lois Gayssot et autres. Et elles doivent être renforcées.
L’anti-sionisme, ou soit disant tel. Nous savons bien que, sauf  chez quelques esprits honnêtes mais abusés, il est le masque de l’anti-Israël, de la négation de l’Etat juif, au prétexte de la question palestinienne et de l’occupation de la Cisjordanie, toujours non réglées. Mais imaginons cette question enfin réglée. Quid de l’anti-sionisme ? Disparaîtrait-il par enchantement ? les anti-sionistes deviendraient-ils enfin les amis d’Israël ? Je vous laisse la réponse. Car le sionisme, ce n’est pas l’expansionnisme, contrairement aux amalgames du mensonge. C’est, ni plus, ni moins, le droit du peuple juif d’avoir un Etat, de vivre dans une nation qui soit la sienne. L’anti-sionisme, à la lettre, nie ce droit. On ne peut donc transiger sur l’anti-sionisme. La question palestinienne n’implique en rien la négation de l’existence d’Israël.
Les partisans sincères d’un Etat palestinien pacifique doivent, plus que jamais, se démarquer de l’anti-sionisme, qui reste le masque de l’anti-Israël et, au-delà, en vérité, d’un antisémitisme qui ne dit pas son nom.
Troisième fantôme, le plus dangereux peut-être. La concurrence des victimes. Les Juifs, entend-on chez leurs détracteurs et les falsificateurs patentés, se seraient arrogés le monopole de la souffrance humaine et du martyr. C’est, faut-il le dire, une ignominie que de leur prêter cela. L’unicité de la Shoah ne signifie en rien que la barbarie des hommes soit devenue l’apanage, si l’on peut dire, des camps de la mort, qu’Auschwitz résume seul toute l’horreur du Mal. Là encore, le même fantasme d’appropriation,  d’exclusivisme, de complot est à l’œuvre. La même haine jalouse. Toute la perversité du mimétisme. En quoi la Shoah ferait-elle de l’ombre à la traite africaine ? Faut-il rappeler aux trafiquants d’Histoire que le Code Noir, sous Louis XIV, excluait du commerce d’ébène, de la traite des esclaves et du commerce triangulaire, les Juifs ? On voit mal un certain M’Bala Bala rappeler cela.
Et pourtant :
Les Polonais ont fini par se convaincre et dire aujourd’hui tout haut que la Shoah ne minorait en rien le martyr du peuple polonais pendant la guerre. Juifs et Arméniens commémorent fraternellement la mémoire des deux génocides du siècle passé, sans en nier les spécificités. La même chose, le même esprit de reconnaissance mutuelle et de partage des mémoires finira-t-il par venir à bout des incendiaires de la mémoire qui, pour l’heure, triomphent à bon marché ?
La vérité est un long chemin. L’opprobre, la haine, de prime abord, sont moins coûteux. Les nouveaux haïsseurs des Juifs en seront pour leur frais. Mais quand ? A quelle échéance ? Pour l’heure, ne les laissons pas déverser leur marchandise dans les cerveaux fragiles des laissés pour compte de notre Histoire coloniale. Une grande campagne devrait être engagée en ce sens. La Shoah ne doit pas devenir le bouc émissaire des oubliés et des frustrés de l’Histoire.

Un commentaire

  1. La LDJ présente pendant ce rassemblement, n’ est-ce pas un problème ?