Critique de 24 jours, la vérité sur l’affaire Ilan Halimi, le film d’Alexandre Arcady, dont l’avant-première aura lieu le dimanche 6 avril à 10h45 au cinéma Saint-Germain-des-Prés.

On va voir ce film avec appréhension, on en ressort bouleversé. Mais bientôt, cette émotion laisse place à une forme de sérénité, comme si ce film permettait de clore enfin le deuil d’un pote, le deuil d’un frère. Avec 24 jours, la vérité sur l’affaire Ilan Halimi, Alexandre Arcady (servi par la retenue de Zabou Breitman qui porte ce film de bout en bout), nous offre un rare moment de cinéma, de ceux qui permettent de penser et de panser.

Au-delà de la volonté de rendre compte de l’horreur qu’a constitué ce crime et de l’impuissance de la brigade criminelle à l’en empêcher, 24 jours, adapté du livre d’Emilie Frèche et de Ruth Halimi, constitue une invitation à regarder sans détour la réalité de l’antisémitisme dans la France du XXIe siècle.

Premier constat cruel : dans notre pays, l’antisémitisme tue désormais régulièrement. Au lendemain de l’assassinat d’Ilan, on a pu croire, espérer, qu’au-delà du drame, il ne s’agissait que d’une illustration ponctuelle et paroxystique de l’antisémitisme des petites gens qui s’était installé depuis le début des années 2000. Mais il y eut Toulouse et ses enfants juifs exécutés au pied de leur école en 2012. Et cela nous a contraints à relier les évènements, à analyser différemment la décennie écoulée. L’assassinat d’Ilan Halimi n’était donc pas un fait isolé ; il était vraisemblablement le premier crime antisémite, annonciateur d’autres à venir et dont il faut craindre aujourd’hui qu’il ne frappe encore ; comme l’évoque justement le SPCJ dans son rapport annuel : « L’antisémitisme en France ne peut plus être considéré comme un phénomène conjoncturel lié aux évènements et conflits du Proche-Orient ». L’enlèvement, la torture et l’assassinat d’Ilan Halimi sont le résultat d’un antisémitisme virulent qu’on a laissé se développer et qui prolifère encore. Pour rappel, on a dénombré 423 actes antisémites en 2013.

Deuxième évidence, statistique, et dont personne ne veut encore prendre la mesure : la première chose qu’un acte antisémite provoque, c’est encore plus d’actes antisémites. On a vu dans les semaines qui ont suivi l’assassinat d’Ilan ou l’attentat contre l’école juive de Toulouse des dizaines d’actes se multiplier partout sur le territoire. A côté de l’indignation sincère mais trop passive d’une partie de l’opinion publique, ces actes ont constitué une invitation pour certains à « casser du juif » en faisant référence à Fofana ou à Merah.

Ce sont là deux réalités simples et terribles, dont il convient de prendre toute la mesure.

Face à cela, la sécurisation des lieux communautaires juifs reste une solution efficace mais un désaveu intolérable au vivre-ensemble. On ne peut se résoudre à vivre dans un pays où les synagogues doivent être indéfiniment gardées par des policiers, mitrailleuses à la main. Il faut que pour chaque euro investi dans la sécurisation d’un lieu communautaire, un euro aille à des programmes civiques en faveur de la lutte contre l’antisémitisme. Construisons des ponts en même temps que nous bâtissons des murs, car ces murs protègent les Juifs de France en même temps qu’ils les retranchent du reste de population. Luttons inlassablement et résolument contre l’antisémitisme : c’est la seule manière de rendre hommage à Ilan Halimi et aux victimes de Mohamed Merah.

 

4 Commentaires

  1. Très bel appel. Aujourd’hui l’antisémitisme se proclame à nouveau, sous couvert à peine voilé d’un anti-sionisme qui n’a d’autres soubassements que la haine des juifs. Cette haine recrute bien au-delà des couches traditionnelles de l’ultra droite. L’appel au sacrifice expiatoire résonne de toutes parts, a droite, mais aussi à gauche, dans les milieux populaires déboussolés mais aussi parmi l’élite. Oui, il faut lutter. C’est un combat désespérant, car on ne sait comment attaquer ce qui ressemble bien à une croyance folle, à une foi dans le meurtre. Votre appel me fait penser aux pages sublimes d’Ethy Hillesum quand en 1942, à Amsterdam, se sachant condamnée, avec un courage de lucidité magnifique, la jeune fille tentait de préserver son regard humain pour le présenter à la face de chaque homme.

  2. On entend en effet que l’antisémitisme explose en France.
    On susurre également qu’il est principalement le fait de musulmans – islamISTES ou non.
    Pourquoi cette réalité n’est-elle jamais précisément écrite – ou dite ?

  3. je ne sais pas si je vais avoir le courage d’aller voir le film,mais jamais je n’oublierai cette mort abominable ce crime qui a boulversé toute la france.Pourquoi cet antissemitisme aggravé je n’en sais rien…….cher monsieur ma famille et moi nous le vivons au quotidien depuis 5ans..j’ai une page le combat d’une maman juive ou il y a plus 900 personnes qui me lisent et zero association qui m’ont tendu la main pour demenager….ils attendent peut etre un drame!!!!
    j(espere que ce film fera grand bruit et reveillera les consciences