Les fanatiques qui ont assassiné hier à Benghazi l’ambassadeur américain en Libye, Christopher Stevens, ne sont pas seulement des criminels, ce sont des imbéciles.

Cet homme jeune, brillant diplomate en même temps qu’homme de terrain courageux, était l’un des meilleurs amis de la Libye et l’un des artisans secrets de sa libération.

Dans ce combat commun, de Paris à Benghazi puis Washington, nos routes se sont plusieurs fois croisées.

Cela a commencé à Paris, le 14 mars 2011. Les troupes de Kadhafi marchaient sur Benghazi, promise à des rivières de sang. La France semblait bien seule dans son soutien aux révolutionnaires libyens. Et tout semblait perdu quand j’ai prié Mahmoud Jibril, l’envoyé du CNT qui avait négocié avec Sarkozy, quelques jours plus tôt, la reconnaissance de la Libye libre de revenir de toute urgence à Paris pour y rencontrer Hillary Clinton qui venait, elle, pour un G 8. Christopher Stevens assiste à l’entretien. Tout jeune conseiller diplomatique mais bouleversé, il me le confiera plus tard, par le plaidoyer de Jibril, il est de ceux qui poussent Hillary à appeler sans tarder Obama et à relayer ainsi le SOS dont il vient d’être le témoin. On connaît la suite.

Un mois plus tard, le 9 avril et ensuite, nous nous retrouvons à Benghazi où il est, non pas encore l’ambassadeur, mais le Haut représentant des États-Unis en Libye libre. Il a pris le dossier à bras le corps. Il est de ceux qui poussent à un engagement accru de son pays, dans les airs et, via les premières forces spéciales, sur le terrain. Je me souviens d’un matin où nous découvrons ensemble, dans un éclat de rire partagé, que nous avons rendez-vous, tous deux, au même moment, avec le Président d’un CNT alors peu à cheval sur le protocole. Je me souviens de discussions vives mais franches, et toujours dans la bonne humeur, sur la perspective d’un Dayton libyen qui semblait avoir sa faveur et qui consistait à parier sur une Libye divisée et confédérée. Je me souviens de son élégance, de son sourire éclatant et de ce jour, sur la route de Brega, où il s’était livré à un vibrant, très littéraire et, en ce lieu, assez incongru éloge de San Francisco.

Et puis je le revois, un an plus tard encore, à Washington DC. L’histoire touche à sa fin. Je suis venu interviewer Hillary Clinton sur cette guerre de libération où nos deux pays se sont retrouvés au coude à coude. Et Christopher Stevens est à nouveau là, croisé dans un ascenseur, accolade, embrassades, puis longue conversation à la cafeteria du même Département d’État où il m’annonce sa nomination au poste d’ambassadeur de plein droit. Il a le même air juvénile. La même gaieté communicative. Il est persuadé qu’une nouvelle page s’est ouverte dans la longue histoire des relations des États-Unis avec un monde arabe qui les a vus, cette fois, comme les amis, non des dictateurs, mais des peuples. Et il a bien l’intention, cette page, de contribuer à l’écrire et à l’embellir.

Ce pays qu’il a tant défendu, cette ville de Benghazi qu’il a contribué à sauver et qu’il aimait, lui auront été fatals. Dix ans après Daniel Pearl, cet autre Américain respectueux, lui aussi, des peuples arabes et musulmans et admirateur, tout comme lui, des lumières de l’islam, il aura été victime du même fanatisme, du même aveuglement barbare et tragique. Les Américains ont perdu un ambassadeur. Les Libyens ont perdu un compagnon et un ami. Les imbéciles ont gagné.

Un commentaire

  1. Le simple fait que vous soyez des infidèles fait de vous aux yeux des djihadistes les porteurs du plus bas opprobre et du plus haut blasphème. Ils choisiront de vous frapper pour ça et uniquement pour ça, au moment et à l’endroit qui leur conviendront selon des modalités opératoires qui leur appartiendront. S’ils prennent pour prétexte ici une caricature danoise, là une vidéo satirique postée sur YouTube par un admirateur copto-californien des Monty Python, c’est toujours à dessein d’érafler le cœur des Occidentaux, les sachant attachés au principe de tolérance et de respect de la diversité des cultes; une diversité qu’ils exècrent par-dessus tout. Ceci n’est qu’une guerre de communication, une propagande voilée visant à obtenir un soutien de la part d’une opinion auprès de laquelle ces fous d’Allah (qu’il ne faut pas confondre avec l’immense majorité des musulmans) cherchent à se faire passer pour les victimes du Grand Satan. Vous êtes ce diable dévoyé au sens où c’est l’humanité et non plus l’homme qu’il diviserait en deux, espèce dualiste pour une part composée des sectateurs du bien (les vrais musulmans), pour l’autre ayant opté pour le culte du mal (les faux musulmans et vrais infidèles), mais aussi reconfiguré, se prenant la queue dans son sens défiguré, un diable masqué ou plutôt un masque du diable, c’est ça, accroché au visage de l’Establishment responsable de toutes vos misères, et vous le savez bien, puisque c’est vous qui l’avez inventé celui-là, le diable pour les intelligents, diablogique, diablectique, diablyse dont la méthode d’infection du sang recourt à une membrane corrompue, en somme, ils n’auront jamais fait que se défendre, comme vous, à chaque étape du processus de salvation universelle impliquant selon eux, oui, c’est là que ça diffère… votre extermination. Derrière ce géant imbécile du fait de sa perte de connaissance, idiot malgré lui, ce géant qui se fait rouler, qui roule sans en être conscient jusque sur l’ambassade des États-Unis d’Amérique, le géant comme un tapis géant, comme un rouleau de printemps arabe roulé dans la farine, rouleau compresseur vu sa taille, géant momentanément sans âme à l’instar d’un tapis ne volant plus que la vie des autres, derrière ce tapis roulant sans marchand ni marcheur, des pieds, ceux des rouleurs du peuple, des pieds avec leur coup en traître. Le géant compresseur ne sait pas plus qu’il roule que sur qui. Mais pour ce qui est de ceux qui l’on roulé, c’est une toute autre histoire… Ceux-là sont loin d’être des imbéciles. Le géant ne supporterait pas qu’on lui manque de respect. Les rouleurs ne supporteraient pas qu’on témoigne à leur roulure de peuple des marques de respect. Ça, on peut dire que ça les mettrait en pétard. Ça leur donnerait envie de s’en rouler un mégagéant et de le balancer sur le coin de la figure qui se serait figurée qu’elle pourrait, comme ça (claquement de doigts), faire amie-amie avec son chien de peuple. Un chien, ça ne se partage pas. Christopher Stevens est mort pour avoir eu le malheur de montrer aux Libyens qu’il les aimait. L’amour commence et finit dans le sang.