[Neuf  films documentaires  sur l’oeuvre de Fernando Arrabal, chacun de  70′:

« Arrabal; el genio y la locura » (2015, 1h 10′) de Javier Esteban]

 

Les Poètes et La Folie, Numéro 15.

Les poètes Arrabal et Butor et la folie


Fernando Arrabal  :  « Le palmarès des poètes » (« Le  calvaire du trucidé »)

La règle du jeu,  janvier 2017 n° 62 , 26 année

 

(Le Monde 23.10.2016)

Dans toute ma vie, malheureusement, je n’ai connu que très peu de poètes. J’ai surtout fréquenté des joueurs d’échecs. Les boxeurs non violents enfilent des gants en chewing-gum.

… dans toute ma vie je n’ai connu aucun poète qui ait pu vivre de sa plume. Avec code-barres.

… dans toute ma vie je n’ai pas connu de poètes riches ou de famille fortunée. Comme Roussel, Proust, ou, à son époque, Chateaubriand.

… dans toute ma vie je n’ai connu aucun poète qui aurait pu figurer dans un « palmarès ». Ni sur la liste des personnes les plus « populaires ». Ni sur la liste des personnes « les plus riches ». Ni sur celle des « plus célèbres ». Sur la liste des personnes les plus « influentes » n’apparaissent jamais de poètes que je connais. Mais presque tous les ans on y voit les noms d’Ophrah Winfrey, Kim-Jong-un, George Clooney ou Lionel Messi.

… dans toute ma vie je n’ai connu aucun poète secondé par un secrétaire. Les plus aisés avaient ou ont un collaborateur. C’est-à-dire un ami. Un intime qui bénévolement, à la « mère Teresa », l’aide. Avec du tact même une taupe parvient à ce qu’un hippopotame se trouve comme chez lui dans son terrier.

… dans toute ma vie je n’ai connu aucun poète obligé de se protéger. Par l’exclusivité. Étendue aux droits mondiaux. Pour tous et chacun de ses écrits. Dans toutes les langues. Même en volapük pour canaris. Pendant que je réalisais mon dernier film avec Borges (« Une vie de poésie »), quelqu’un lui demanda spontanément : « Comment vous protégez-vous des éditeurs pirates ? ». « Me protéger ? C’est un si grand plaisir et si inespéré d’être édité ici ou là… »

… dans toute ma vie je n’ai connu aucun poète en ayant « jusque-là » de répondre aux « mille et une » interviews. Ou de préfacer des ouvrages. Ou d’écrire des articles. Ou de prononcer des conférences. Les psychiatres muets sont parfaits pour les boas à dentier.

… dans toute ma vie la plupart des poètes que j’ai eu la chance imméritée de connaître ou d’avoir connus vivent ou vivaient dans des conditions précaires. Pendant ses cinquante dernières années, André Breton a vécu à Paris dans un minuscule entresol. Entre deux étages. Il n’habitait ni un deuxième ni un troisième étage. Mais une sorte de studio entre les deux. Lorsque j’allais le voir, je devais adapter mon corps à sa table. Elle occupait presque toute la pièce. Boulevard de Port-Royal, Alfred Jarry a aussi connu un minuscule studio. Le sien. Si semblable. Egalement entre un deuxième et troisième étage. Il l’avait baptisé « le calvaire du trucidé ».

… dans toute ma vie je n’ai connu que des poètes n’ayant eu aucun problème avec des paradis fiscaux. La plupart sont morts couverts de dettes. Pour leur plus grand mérite. Aujourd’hui, nous savons (par de récentes études médicales) qu’Alfred Jarry est « mort de faim ».

… dans toute ma vie pas un seul de mes amis poètes ne s’est plaint de sa situation. Indigne ?

… dans toute ma vie j’ai vu les meilleurs d’entre eux finir leurs jours poursuivis par des huissiers. Ou harcelés pour des impôts microscopiques. Grâce à cela (ou malgré cela) Alfred Jarry a écrit « Gestes et Opinions du docteur Faustroll, pataphysicien ». Un livre exemplaire. Un monument.

… dans toute ma vie les poètes que j’ai connus détestaient ou ne supportaient pas la provocation. Pour eux elle a toujours été une horrible excroissance : aléatoire, inespérée, rotatoire, et surtout incontrôlable.

… dans toute ma vie les poètes que j’ai connus ne se sont considérés ni visionnaires ni prophètes. Ils se disaient, comme leurs ancêtres grecs, « hacedores ».

… dans toute ma vie les poètes que j’ai connus ont adopté avec humour l’écriture comme qui entre en religion. Sans point d’appui. Penchés au-dessus du vide.

J’ai connu Allen Ginsberg et Andy Warhol… dans la préhistoire. C’est-à-dire en 1959. Dès qu’il m’a vu, Ginsberg m’a invité dans sa soupente. Le soir même. Il m’a reçu avec son ami Pierre, qui était nu et en train de déféquer. Cette année-là, la Fondation Ford (Institute International of Education) a proposé à six novices européens (« qui atteindraient un jour la célébrité » !) de connaître les USA. Malgré une telle pirouette du dieu Pan, la Fondation devina juste de façon quasi magique. En choisissant Günter Grass pour l’Allemagne, Italo Calvino pour l’Italie, Hugo Claus pour la Belgique, Tomlinson pour l’Angleterre. Et tutti quanti. Ils ne se trompèrent que pour l’Espagne : car c’était moi l’heureux élu. Invisibles, nous aurions été encore plus évanescents.

Marcel Duchamp aux Etats-Unis réalisa « Etant donné ». Son gigantesque et décisif projet. Qui ne se trouvait alors que dans son carnet. Il donnait des leçons de français pour payer sa misérable chambre d’hôtel. Le transcendant Simon Leys a dû émigrer en Australie. A Paris, Man Ray, dans son « atelier » mal protégé de la pluie… Et pis encore Magritte. Ou Giacometti.

Pour mourir, Roland Topor s’est occulté dans une loge de gardien. Ionesco a passé des dizaines d’années dans une autre du même genre. Beckett a vécu un demi-siècle rue des Favorites. Dans une chambre de service. Comme tant de ses collègues aujourd’hui. Comme ce philosophe qui, jusqu’à son dernier jour, a partagé avec Simone dix mètres carrés.

Une fois occultés soudain, et de façon inattendue, après tant de privations, les disparus connaissent enfin « la gloire ». Comme un prix ironique qu’ils reçoivent des limbes.

Pourtant, les meilleurs d’entre eux ont changé constamment la vie. Et le monde, et même la simple géographie politique. Avec leurs fractales, leur incompatibilité, ou leur tohu-bohu.

Aucune civilisation n’a été capable d’engendrer un tel nombre d’évidences. La confusion est-elle le bon programme pour se perpétuer ? Tous les poètes ont-ils vécu à la sueur de leurs indisciplines ? A la fois ici et en marge ?

Oui, les « poètes vivants » ne le sont qu’après le moment de s’occulter. Définitivement.

Fernando Arrabal


Fernando Arrabal:   “El palmarés de poetas » (El calvario del fulminado)

Tercera de ABC

A lo largo de mi vida, desgraciadamente, he conocido a muy pocos poetas. Sobre todo me he relacionado con ajedrecistas. Los boxeadores no-violentos se calzan guantes de chicle.

…a lo largo de mi vida no he conocido a ningún escritor o poeta que viviera de su pluma. Con código de barras.

…a lo largo de mi vida No conocí a poetas de postín ni de familia rica. Como, en su día, Raymond Roussel, Marcel Proust o el Marqués de Santillana.

… a lo largo de mi vida no conocí a ningún poeta que hubiera podido figurar en un “palmarés”. Ni en la lista de personas más populares. Ni en la de los más acaudalados. Ni en la de los más célebres. Precisamente en la lista de personas “más influyentes” no vienen nunca escritores o poetas. Pero casi todos los años Oprah Winfrey, Beyoncé, Jing-Jong-un, George Clooney o Lionel Messi.

…a lo largo de mi vida no conocí a ningún    poeta que tuviera secretario. Los más afortunados tenían o tienen colaborador. Es decir a un amigo. A un íntimo que benévolamente, a lo “madre Teresa”, ayuda al escritor. Con tacto incluso un topo consigue que un hipopótamo se encuentre en la madriguera como en su casa.

…a lo largo de mi vida no conocí a ningún poeta que tuviera que protegerse. En exclusiva. Con derechos mundiales. Para todos y cada uno de sus escritos. En todas las lenguas. Hasta en volapuk para canarios. Mientras realizaba mi último película con Borges, un espontáneo le preguntó . “¿Cómo se protege contra los editores piratas?”. Jorge-Luis Borges respondió: “¡¿protegerme?! es un placer tan grande y tan inesperado que a uno le editen aquí o allá”…

…a lo largo de mi vida no conocí a ningún poeta que estuviera “hasta la coronilla” respondiendo a las “mil y una” entrevistas. O redactando prefacios. O escribiendo artículos. O impartiendo conferencias. Los psiquiatras mudos son ideales para boas con dentadura postiza.

…a lo largo de mi vida la mayoría de los poetas que tuve o tengo la inmerecida suerte de conocer o de haber conocido viven o vivían en condiciones precarias. Durante sus últimos cincuenta años de vida André Breton (fundador y creador del surrealismo) vivía en un minúsculo entresuelo. Entre dos pisos. No habitaba ni en un segundo ni en un tercer piso. Sino en una especie de cacho entre los dos. Al que algunos hoy llaman “estudio”. Cuando iba a verle tenía que adaptarme a su mesa. El mueble ocupaba hasta el borde todo el cuarto. En el Boulevard de Port-Royal Alfred Jarry tuvo otro “cacho”. El suyo. Tan similar. También entre un segundo y un tercer piso. Jarry lo bautizó “el calvario del fulminado”.

… a lo largo de mi vida los poetas no tuvieron problemas con paraísos prohibidos. La mayoría murieron cubiertos de deudas. Para su honor. Hoy sabemos (por recientes estudios médicos) que Alfred Jarry “murió de hambre”.

… a lo largo de mi vida ninguno de mis amigos poetas se quejó de su situación. ¿Indigna?

… a lo largo de mi vida los mejores poetas terminaron su vida perseguidos por ujieres.   O atosigados por impuestos microscópicos. Gracias a ello (o a pesar de ello) Alfred Jarry escribió “Gestos y opiniones del doctor Faustroll, patafísico”. Un libro ejemplar. Un monumento.

… a lo largo de mi vida los poetas que he conocido detestaban o no soportaban la provocación. Para ellos es o era una horrible excrecencia: aleatoria, inesperada , rotatoria y sobre todo incontrolable.

… a lo largo de mi vida los poetas que he conocido no se consideraban ni visionarios ni profetas. Estimaban, como sus antepasados griegos, ser “hacedores”.

… a lo largo de sus vidas los poetas adoptaron, con humor, escribir como quien entra en religión. Sin punto de apoyo. Reclinándose en el vacío.

Conocí a Allen Ginsberg y Andy Warhol …durante la prehistoria. Es decir en 1959. Allen Ginsberg en cuanto me vio me invitó a su tabuco. Me recibió con su amante Pierre desnudo y defecando. Ese año la Fondation Ford (Institute International of Education) nos había invitado a conocer USA. A seis “noveles europeos que un día llegarían a la celebridad”. A pesar de semejante pirueta del tohu-bohu acertaron de forma cuasi mágica. Con Günter Grass para Alemania. Con Italo Calvino para Italia. Con Hugo Claus para Bélgica. Tomlinson para Inglaterra. Y tutti quanti. Solo fallaron con España: pues fui yo el elegido. Invisibles, aún hubiéramos sido más esfumados.

Marcel Duchamp en los Estados Unidos realizó “Etant donné”. Su gigantesco y decisivo proyecto. Entonces solo estaba en su cuaderno. Daba clases de francés para pagarse su chamizo en un hotel. En París Man Ray estaba mal protegido contra la lluvia. El trascendente sátrapa Simon Leys tuvo que emigrar a Australia. Y aún peor Magritte. O Giacometi.

Para morir Topor se ocultó en una portería. Ionesco pasó años en otra parecida. Beckett vivió medio siglo en la calle des Favorites en una « buhardilla para el servicio ». Como tantos de sus colegas hoy. Como aquel filósofo, que hasta su último día, compartió con Simone diez metros cuadrados.

Una vez ocultados, , inesperadamente después de tantas estrecheces , conocerán al fin la “gloria”. Como, el único e irónico premio que reciben desde el limbo.

Ninguna civilización fue capaz de desarrollar tal afluencia de evidencias. La confusión ¿es un programa para perpetuarse? Todos crecieron con el sudor de sus indisciplinas. A la vez aquí y al margen.

Sí; “los poetas vivos” únicamente lo son en el momento de ocultarse. Definitivamente.


詩人的得獎名單
一一寫在諾貝爾文學獎揭曉之後

費南度.阿拉巴爾(Fernando Arrabal)

我這一生中,不幸地,只認識少數幾位詩人。我結交了更多的棋士;非暴力的拳手戴著口膠做成的手套。
我這一生中,我沒有認識一位能夠靠作品維生的詩人;沒有人的作品可以貼上販售的條碼。
我這一生中,我沒有認識有錢的或來自富裕家庭的詩人。像胡塞爾(Raymond Roussel)、普魯斯特或——他那個年代的一一夏多布里昂。
在 我這一生中,我沒有認識任何一位列名在「得獎名單」上的詩人。他們既不列名「最通俗」的名單,也不列名「最富有」和「最知名」的名單。在「最具影響力」的 名單上從沒出現我認識的詩人,但幾乎每一年,這個名單上我們都會看到歐普拉、金正恩、喬治.克隆尼和李奧奈爾.梅西(Lionel Messi)的名字。
我這一生中,我沒有認識一位有祕書襄助的詩人。最寬裕的充其量有一位合作夥伴。也就是一位朋友。一位親密的夥伴義務地,像「修女泰蕾莎」一樣地襄助他人,就像鼴鼠以敏銳的觸感讓河馬在地洞裡感到在家一樣自在。
我 這一生中,我沒有認識一位需要保護自己的詩人。通過排他性,延伸至放諸四海皆準的法則。無論那種語言,無論對他們全部人以及他們的任何一件作品。當我跟波 赫士拍攝我最後一部電影《詩的一生》的時候,有人自發地問他:「您怎樣保護您作品海盜版的發行?」,「保護自己?能在這裡那裡發行是這麼大又這麼讓人無法 預期的喜悅⋯⋯」
我這一生中,我沒有認識一位迄今接受過「一千零一次」訪問,或為書作序,或執筆為文,或宣講論文的詩人;寡言的心理醫師對戴著假牙的蟒蛇來說是絕對完美的。
我 這一生中,我以我不配的幸運認識的大部分詩人都生活在簡陋的條件之中。在他的最後五十年,安德烈.布列東住在巴黎一個窄小的夾層公寓,在兩層樓之間,既非 二樓亦非三樓,而是一間介於二樓和三樓之間的套房。我去看他的時候,我必須調整自己的身體來配合他那幾乎佔滿整個房間的桌子。在皇家港口大道,阿佛雷.賈 瑞(Alfred Jarry)也住在一間同樣窄小的套房,同樣位於二樓和三樓之間,他叫它「被殺者的髑髏地」。
我這一生中,我認識的詩人跟避稅天堂沒有任何牽連。他們死的時候,「罪有應得」,大部分都債台高築。今天,藉由最新的醫學研究,我們知道賈瑞是「餓死」的。
我這一生中,沒有任何一個我的詩人朋友抱怨他們的生活狀況,因為不光彩嗎?
我這一生中,我看見他們之中最傑出的幾位在生命最後被代書追債,或被數目不大的稅務糾纏。正因為生活窘境(或無視於此),賈瑞寫下了《浮士特羅爾博士,一位玄想科學家的姿態和意見》。一部典範級的著作。一座紀念碑。
我這一生中,我認識的詩人們憎恨或無法忍受挑釁的行為。對他們來說,挑釁是一種可怕的寄生物:不但是僥倖、意外、轉動的,更是無法控制的。
我這一生中,我認識的詩人並不被視為有眼光的先知。如同他們的希臘遠祖,他們只認為自己是「實幹家」(hacedores)。
我這一生中,認識的詩人都把幽默當成宗教信仰一般的寫作方式,不需支柱,傾向空無。

我 認識艾倫.金斯堡與安迪.沃荷⋯⋯是在史前時代。也就是說一九五九年。金斯堡一見到我,就邀我去他的閣樓。當天晚上,他和他一絲不掛、正在拉屎的男友皮耶 接待了我。那一年,福特基金會(國際教育組織)邀請六位歐洲文壇新人(未來某一天他們將聲名遠播!)來認識美利堅共和國。儘管牧神潘如此迴旋,基金會卻準 確下注。德國他們選擇了鈞特.葛拉斯,義大利他們選擇了伊塔羅.卡爾維諾,比利時他們選擇了雨果.克勞斯(Hugo Claus),英國他們選擇了湯姆林森(Tomlinson),等等之流,他們只在西班牙的人選上失了手:因為我就是「幸運中選之人」。如果沒有得到這樣 的注視,我們將是更短瞬是無以為繼的。
馬歇爾.杜象在美國製作了《給予:1. 瀑布,2. 照明的煤氣》,他巨大與決定性的作品;當這件作品還停留在筆記本階段的時候,他以教法文來支付小旅館的房錢。超凡的西蒙.雷伊斯(Simon Leys)必須避居澳大利亞。曼.雷在他巴黎哨雨的「工作室」,還有馬格利特或賈克梅蒂更糟的畫室。
將死的時候,托普(Roland Topor)隱身在一間大樓的門房。尤湼斯柯在另一間差不多的房間住了十幾年。如同今天他諸多的同僚,貝克特在法沃里特街(rue des Favorites)的一間傭人房住了半世紀,就像那位哲學家,直到他過世,和西蒙妮共享一間十平方尺的小房間。
突然間,不期然地,在許多次的匱乏之後,被遺忘者終獲「榮耀」。如同一個諷刺的獎項,將他們打入冥府。
然而,他們之中的佼佼者不停地變換生命型態。還有世界,甚至簡單的政治版圖。以他們的分身,他們的不融合性,或他們喧嘩的嘈雜聲。
沒有一個文明能夠招致那麼大量的明證。困惑是一個保持延續性的良好程式嗎?所有的詩人是否都活在他們散漫無章的勞動之中?在當下或在邊緣。
是的。「現存的詩人」活在他們死後。永遠如此。
一一原載法國《世界報》(Le Monde),2016年10月22日
尉任之/Yu Jen-chih 譯
pour « Le palmarès des poètes »

version aussi chinoise de YU JEN-CHIH

arrabalaiquement et cordialement, Fernando Arrabal