« Fando et Lis » de Fernando Arrabal

mise en scène de Hélène Hazaël à Nice

auprès d’Henri Legendre au Théâtre de l’Alphabet.

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Note d’intention:

« Il va de soi que tout ceci ne peut finir que par la mort, et la beauté des romans vient aussi de ce que cette mort n’apparaît qu’au terme d’une très longue vie d’amour. » Boris Vian

Ma rencontre avec Fando et Lis fut un coup de foudre et un grand hasard car les nouvelles générations d’acteurs entendent très peu parler d’Arrabal.
Impossible de sortir indemne de cette oeuvre. Ecrite depuis plus d’un demi – siècle, elle n’a rien perdu de son actualité et de son intensité. L’univers onirique, infantile et cruel de l’auteur m’a séduit ; un monde de confusion où se côtoient « l’homme – enfant – sadique », « le sacré et le blasphématoire », « la mère et la putain ».

L’histoire est une épopée : le périple initiatique d’un couple – vagabond à la recherche d’un improbable paradis terrestre, Tar.
Lis est paralysée des jambes et se fait conduire par Fando dans une voiture d’enfant. Ils s’aiment d’un amour sincère. Or, Tar est un rêve, une utopie car personne ne sait comment l’atteindre. Fando, incapable d’assumer ses échecs et ses responsabilités s’éloigne de la réalité, contrairement à Lis, plus lucide. La dépendance des deux personnages se renforce : Lis, ne peut vivre sans Fando et celui – ci ne peut faire face à sa propre solitude. La violence physique de Fando et l’abandon de Lis les conduiront vers une fin tragique : la mort de l’un et le suicide probable de l’autre.
Seule la poussette restera comme témoin de leur histoire panique et éphémère.

Le trouble, l’invention et le génie d’Arrabal nous sont gracieusement offerts par l’arrivée de trois curieux personnages : Namur, Mitaro et Toso.
Dandys absurdes, génialement paradoxaux, témoins de l’incertitude, des angoisses et de la division du monde occidental.
Sous l’apparence d’augures ou de passeurs, viennent – ils apporter un message ? Burlesques et grandiloquents lorsque la situation touche au tragique, ou, au contraire, rationnels et méthodiques si trop de confusion ; ils sont les détenteurs du code arrabalien.
Ils planent sur la pièce, tels de vieux amis, et sont libres de toute interprétation.

De part son allure baroque, monter cette pièce nécessite une mise scène en constante évolution : construire et détruire pour distiller l’essentiel. Révéler l’authenticité des comédiens. Mettre en valeur la tenue du corps par le soin qu’ils apportent à leur rôle.
L’acteur, par le respect de la didascalie et de la prosodie, intègre l’essence du texte comme s’il s’agissait d’une partition afin de pénétrer la pensée de l’auteur et la dynamique des personnages qui en découle.

J’ai fait le choix d’une scénographie épurée pour servir un spectacle où se mêlent poésie et cruauté. L’intemporalité des costumes, l’énergie des maquillages et le jeu des éclairages ambres, azurs ou rouges, nous révèlent la saveur toute méditerranéenne.

Fando et Lis sont des vagabonds… Une petite voiture, un tambour… Ils s’imaginent et se racontent. Sales, fatigués…. c’est de leur misère que naissent le rêve, la beauté et la folie.

Pierre Berçot