Le 2 décembre 2015

Fernando Arrabal
DOCTEUR HONORIS CAUSA  Université de Toulouse – Le Mirail

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Le poète Serge Pey remettra aussi  à Fernando Arrabal

le 2 Arena 143 de l’E ‘P , S. Doublemain, idéologue

le bâton pataphysique  chez le provéditeur et RHSM, Thieri Foulc.

Serge Pey est né en 1950 dans une famille ouvrière du quartier de la cité de l’Hers à Toulouse. Enfant de l’immigration et de la guerre civile espagnole, son adolescence libertaire fut traversée par la lutte antifranquiste et les mouvements révolutionnaires qui secouèrent la planète. Militant contre la guerre du Vietnam, il participa activement aux événements de mai et juin 1968.
Parallèlement à son engagement politique, il découvrit très tôt la poésie et les voix de fondation qui transformèrent sa vie. De Lorca à Whitman, de Machado à Rimbaud, de Villon à Baudelaire, de Yannis Rítsos à Elytis, d’Alfred Jarry à Tristan Tzara, des troubadours à Antonin Artaud, des poésies chamaniques à celle des poésies visuelles et dadaïstes… Il commence alors la traversée d’une histoire de la poésie contre la dominance française des écritures de son époque. C’est au début des années soixante-dix que Serge Pey inaugure son travail de poésie d’action et expérimente, dans toutes ses formes, l’espace oral de la poésie. En 1975 il fonde Émeute puis en 1981 les éditions Tribu.
Coopérative d’édition à la distribution nomade, Tribu a publié sous sa direction des auteurs comme Bernard Manciet, Jean-Luc Parant, Gaston Puel, Rafaël Alberti, Dominique Pham Cong Thien, le Sixième Dalaï Lama, Allen Ginsberg, Ernesto Cardenal, Armand Gatti, Henri Miller… Il fut l’éditeur de Jaroslav Seifert, prix Nobel de littérature en 1984. Dans Les funambules de Prague, réalisé avec son ami Karel Bartocek, il donna à lire en France des auteurs comme le philosophe Karel Kosik ou Vaclav Havel.

Homme de plusieurs exils, son œuvre française est traversée par les langues de son enfance comme l’Espagnol ou l’Occitan. Nihil et Consolamentum, ou encore L’Evangile du serpent, sont les versants de la spiritualité occitane de l’œuvre de Serge Pey. Définissant la poésie comme une traduction permanente, à travers la langue occitane, il questionne dans ces deux ensembles la problématique du « Nihil » posée par la théologie du catharisme et aussi celle de l’Histoire. Dans ces deux ouvrages, traduits par Alem Sure Garcia et par Eric Fraj, il souligne que le poète est toujours un traducteur du monde et que sa relation avec le langage est aussi un devoir d’Histoire.
Marqué par son aventure mexicaine, dans laquelle il rencontra Jean Clarence Lambert, il rédigea un ouvrage sur Octavio Paz qu’il rencontra en 1977, autour d’une vingtaine de lettres posthumes à partir des arcanes majeurs du tarot.
Nierika ou les mémoires du cinquième soleil, son livre mythique sur le peyotl et les Indiens huichols, parmi lesquels il séjourna, retrace l’expérience visionnaire d’une littérature de l’extase.
Le livre immédiat de Tepoztlan, village dans lequel il habita durant de longues années, est le témoignage d’une des expériences les plus singulières d’un happening de poésie contemporaine en Amérique latine.
Du latin au basque, de l’alphabet ogham aux langues secrètes des étrusques, des glyphes de l’île de Pâques, de l’américain de Ginsberg aux langues secrète des oiseaux, Serge Pey révèle la magie des langues.
Dans les années quatre-vingt il créa une éphémère Internationale de la poésie acrylique dans laquelle il publia l’écriture secrète des « panchitos » de Mexico.

Serge Pey est un des représentants déterminants de la poésie d’action et de la présence du poème au sein de la performance. Son art singulier mêle à la fois certains aspects du happening, de la poésie sonore, de l’installation, de l’agit-prop et de l’art-action…
Connu par l’utilisation du bâton de pluie qu’il introduisit en Europe, ses scansions chamaniques, le rythme des pieds qui accompagnent son dire halluciné, les tomates et les divers objets qu’il utilise dans ses récitals actions (barricades d’adhésif, lampe à souder, plaques de verre…) il est un créateur de situations et déplace le poème hors du livre jusqu’à ses plus ultimes conséquences.
Avec ses compagnons de route comme Allen Ginsberg, Esther Ferrer, Richard Martel, Boris Nieslosny, Seiji Shimoda, Tokio Marumaya, Bartolomé Ferrando, Valentin Torrens, Jerome Rothemberg, Julien Blaine, Marcos Kurktykz…Serge Pey est un poète hors limite qui brise les frontières qui bordent le monde de l’art.
Au début des années quatre-vingt, il lance le mouvement de la philosophie directe. Rompant avec les cloisonnements qui cantonnent le poème uniquement dans un travail sur le langage, il ouvre son espace dans une quête radicale de l’inconnu. Il donne en ce sens une nouvelle définition de la performance, face à son éclosion actuelle sous forme de divertissement.
La pensée du poème se faisant acte, il fait remonter le courant qu’il représente au mouvement des cyniques grecs, les premiers inventeurs pour lui du happening et de la poésie directe.
Il est le fondateur et l’initiateur du mouvement des marches internationales de la Poésie et des remontées de fleuve, depuis 1981.
Concepteur du premier livre immédiat du Monde à Mexico, en 1984, il est aussi un des principaux acteurs du groupe international de la poésie directe.
En France ses performances ont été présentées de nombreuses fois : Polyphonix , Centre Georges Pompidou, Marché de la poésie à Paris, Odéon, Mutualité, Bouffes du Nord, Maison de la poésie de Paris. A l’étranger des lieux prestigieux lui ont ouvert ses portes : le Lincoln Center de New York, les Abattoirs de Rome, le Lieu à Québec, le NIPAF de Tokyo, les terrasses de la Havane, les squats de Berlin, les clandestinités d’Alger et de Santiago du Chili, le Paraiso d’Amsterdam, la place Saint Marc à Venise, la maison refuge des écrivains de Mexico, la Casa del Lago de Chapultepec, les tomates de Broadway à New-York, les tubes de plastiques de Pékin, la maison de Rimbaud à Aden…
Son engagement singulier dans la poésie contemporaine l’a conduit à approfondir les phénomènes de possession et de dépossession dans la pratique orale de la poésie directe.
Il est le cofondateur du groupe de poésie d’action-Flamenco, Los « Afiladores ».
En 2009, il a fondé un nouveau groupe  reprenant le titre d’un poème de Maiakovski : Le Nuage en pantalon, mouvement des arts intranquilles.