Florian Philippot, le numéro 2 du Front national, a voulu faire son malin, ce samedi soir 1er avril, sur le plateau de l’émission «On n’est pas couché». Excédé par Yann Moix qui lui avait cité une liste de responsables de son parti impliqués dans des affaires de violences, il a cru pouvoir mettre le chroniqueur en difficulté en usant de l’un des coups bas préférés de l’extrême droite : la désinformation calomnieuse. Il a ainsi lancé à celui qui pointait la quantité de cadres de la formation fondée par Jean-Marie Le Pen ayant eu maille à partir avec la justice : «Oui mais moi je ne préfacerais jamais un livre interdit par la loi.» Un peu plus tôt, Philippot avait déjà fait, avec un sous-entendu fielleux, une référence à ce livre : «Mais vous savez, il y a même des journalistes qui sont sur le service public et qui ont préfacé des livres épouvantables.» Et il en avait donné le titre : «Anthologie des propos contre les Juifs, le judaïsme et le sionisme.» Yann Moix a en effet écrit la préface de cet ouvrage. L’objectif de Philippot était évidemment de faire croire au public que l’écrivain et cinéaste auquel il répondait s’était fendu d’un texte antisémite. C’est d’ailleurs ce que la fachosphère s’emploie à faire croire depuis des années en espérant ainsi disqualifier un homme qui est l’un des plus déterminés pourfendeurs de l’antisémitisme. Il suffit d’ailleurs de lire cette fameuse, cette magnifique et impeccable préface – publiée sur le site de La Règle du Jeu – pour en avoir le cœur net.

 

Il est tout d’abord assez cocasse de voir les milieux où la haine des Juifs est la chose du monde la mieux partagée s’efforcer de discréditer Yann Moix en jouant aux consciences offusquées par l’antisémitisme – qu’ils lui inventent pour l’occasion. Il est ensuite tristement révélateur de constater qu’un responsable politique, considéré par certains comme sérieux, nourrisse son argumentaire avec ce que l’on trouve dans les poubelles nauséabondes d’une ultra-droite productrice en chaîne de fakes, d’intox, de désinformation.

 

Mais puisque Florian Philippot a feint de démasquer en Yann Moix l’auteur d’un texte antisémite, puisqu’il semble ainsi se vouloir, ce sous-chef d’un parti que créa un ramassis d’anciens collabos et de nostalgiques de Pétain et dont le fondateur estimait que les chambres à gaz n’étaient qu’un «détail de l’Histoire», puisque Florian Philippot, donc, nous révèle soudainement une facette jusque-là peu connue de ses engagements politiques en posant au noble débusqueur de l’antisémitisme, qu’il soit un peu cohérent : que ne fait-il distribuer massivement la préface en question à tous les adhérents et sympathisante du FN? Ils auraient de la sorte l’occasion, sans doute très inhabituelle pour eux, de lire ceci :

 

«On pourrait passer des heures, des milliers d’heures, des centaines (et des centaines) de milliers d’heures à tenter de définir le plus précisément, le plus exhaustivement possible ce qu’est l’antisémitisme à l’heure où j’écris ces lignes (mai 2007). Mais je me demande si la meilleure définition du mot « antisémite » n’est pas l’ensemble de citations qui composent cette troublante anthologie […].

On pourrait en tenter une autre, qui serait la suivante : l’antisémitisme consiste à mettre systématiquement le mot « juif » dans chaque pensée, phrase, propos, texte, où la raison humaine défaille, l’intelligence renonce, la colère l’emporte, l’aigreur commande, la haine décide et la folie aveugle.

Luttons contre.»

 

Et puisque encore M. Philippot s’est présenté en légaliste sourcilleux, qu’il soit rassuré : cette préface n’a jamais fait l’objet de la moindre interdiction. Ce qui fut interdit, à juste titre, fut la tentative de réédition du livre, mais cette fois sans la préface. Car l’éditeur n’était autre que le national-socialiste Alain Soral, comme par hasard ancien membre du parti aujourd’hui dirigé par Marine Le Pen, qui espérait ainsi trouver dans cette anthologie une justification à l’antisémitisme. Tout l’inverse du but recherché par Yann Moix qui de son côté entendait souligner auprès des lecteurs que la passion crasse qu’est la haine des Juifs n’avait hélas pas épargné quantité de figures célébrées de l’histoire française.

 

Si le chef en second du Front national souhaite convaincre qu’il s’oppose à l’antisémitisme, s’il veut sincèrement «dédiaboliser» son organisation où pullulent les négationnistes et les «antisionistes» [voir par exemple ce lien], il est plus que temps que, de la base au sommet, on y organise une solide formation sur ce qu’est l’horreur antisémite. Il y a quantité d’écrits et de conférences de Yann Moix qui constitueraient un efficace support à cet enseignement.