Le festival cannois a pris une dimension politique ce mardi après-midi lors de la projection d’Aquarius, le seul film brésilien en sélection officielle. En montant les marches du Palais des festivals de Cannes, le réalisateur brésilien Kleber Mendonça Filho et l’équipe du film ont brandit des feuilles où on lisait : « Le Brésil n’est plus une démocratie », « Nous résisterons », « Un coup d’Etat a eu lieu au Brésil », « Stop au coup d’État au Brésil ». A l’intérieur de la salle de projection, l’équipe d’Aquarius a continué d’agiter des banderoles afin de protester contre la destitution de Dilma Rousseff, la présidente brésilienne.

Formidablement interprété par Sonia Braga – qui a déjà défendu à Cannes Le baiser de la femme araignée d’Hector Babenco et Milagro de Robert Redford –, le film est une intelligente chronique d’une société en pleine mutation. Il met en scène Clara, une ancienne critique musicale issue d’un milieu bourgeois, à Recife, ville côtière du Nord-Est du pays où se situait également Les Bruits de Recife, le premier long-métrage de Kleber Mendonça Filho. La protagoniste vit dans un immeuble singulier de la hupée Avenida Boa Viagem, face à la mer. Construit dans les années 40, la résidence Aquarius, dont le titre du film emprunte le nom, a eu presque tous ses appartements rachetés par un promoteur. Seule Clara refuse de vendre le sien. Elle s’accroche avec entêtement à un bien remplit de souvenirs au sein d’un immeuble déserté. Une situation allégorique qui soulève de nombreuses questions sur les contradictions de la société brésilienne actuelle et notamment la corruption et la tendresse paternaliste avec les employés de maison.

Des questions qui ne sont pas sans rapport avec les tensions actuelles au Brésil où la politique d’inclusion sociale du gouvernement du PT (parti des travailleurs, de gauche) n’a pas fait l’unanimité auprès de l’élite économique du pays et où les scandales de corruption touchent divers partis et notamment les acteurs ayant oeuvré pour la chute de la présidente – une opération que nombreux intellectuels et artistes brésiliens dénoncent comme un « coup d’État institutionnalisé ».

Dilma Rousseff a été suspendue de ses fonctions le jeudi 12 mai à l’issue d’une procédure de destitution controversée pour un délai maximum de six mois, en attendant le jugement final des sénateurs. Elle est accusée par l’opposition d’avoir maquillé les comptes publics en 2014. Une pratique utilisée par ses prédécesseurs et qui ne relève pas d’un « crime de responsabilité » (seule raison prévue dans la constitution brésilienne pour la destitution d’un président). Ses chances de revenir au pouvoir sont quasi-nulles, plus de deux tiers des sénateurs ayant approuvé l’ouverture de son procès.

Son vice-président, Michel Temer, 75 ans, est désormais le président par intérim. L’ ex-allié avait opportunément rompu avec la présidente quelques semaines avant le début du processus d’impeachment. Le Parti des travailleurs de Lula et de Dilma Rousseff a appelé à la mobilisation contre Temer. Une mobilisation qui s’avère active sur les réseaux sociaux, dans les rues des villes brésiliennes et même au Festival de Cannes.

Aquarius et sa protagoniste sont de sérieux candidats à la Palme d’or. Pour ce qui est de l’avenir politique du Brésil, les pronostics sont plus sombres.

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Les comédiennes brésiliennes Maeve Jinkings et Sonia Braga, la productrice française Emilie Lesclaux et le réalisateur brésilien Kleber Mendonça Filho protestent contre la destitution de Dilma Rousseff. Le 17 mai 2017.
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L'équipe du film brésilien "Aquarius" brandit des pancartes lors de la montée des marches pour protester contre la destitution de la présidente brésilienne, Dilma Rousseff, le 17 mai 2016 à Cannes.
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L'équipe du film brésilien "Aquarius" brandit des pancartes lors de la montée des marches pour protester contre la destitution de la présidente brésilienne, Dilma Rousseff, le 17 mai 2016 à Cannes.
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L'équipe du film brésilien "Aquarius" dénonce un "Coup d'État" en cours, le 17 mai 2016 à Cannes.
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L'équipe du film brésilien "Aquarius" dénonce un "Coup d'État" en cours, le 17 mai 2016 à Cannes.

AQUARIUS
De Kleber Mendonça Filho
Avec : Sonia Braga, Humberto Carrão, Irandhir Santos
Genres : Drame, Thriller
Pays : Brésil

6 Commentaires

  1. Les artistes brésiliens n’ont pas pleuré pour 11 millions de chômeurs la fermeture d’hôpitaux, la corruption active du parti, la aupérisation et chute de l’économie brésilienne car ils ont  » la loi rouanet  » qui leur permet de toucher comme ceux de Cannes
    des sommes 10 à 100 fois ce qu’un petit artisan ou jeune entrepreneur pourrait jamais toucher pour faire vivre une entreprise.

  2. Certains artistes brésiliens sont énervés du au fait que Temer a, heureusement , fusionné le ministère de la culture avec celui de l’éducation. En France que les hôpitaux publics ainsi que les écoles sont beaucoup mieux que au Brésil, le ministère de la culture est fusionné avec celui de la communication et je ne vois pas les artistes français se plaindre de cela.
    Certains artistes brésiliens pro Dilma, sont égoïstes car ils ne pensent que à leurs portefeuilles qui ont été bien rempli pendant le gouvernement Lula/Dilma au détriment des services publics Brésiliens qui sont surtout utilisés pour les plus pauvres.

    Les acteurs du filme brésilien Aquarius se sont manifesté à Cannes en affirmant que Temer est illégitime et on sait bien pourquoi ils ont décidé d’attaquer le gouvernement de Temer. C’est facile de se manifester sur un tapis rouge en buvant du champagne juste parce que leurs portefeuilles sont touché. Difficile c’est de manifester en faveur des pauvres Brésiliens qui meurent dans les couloirs de hôpitaux tous les jours. Je suis sûre que ces artistes du filme Aquarius ont le moyen de payer des hôpitaux privés pour assuré,avec qualité, leurs santé.

  3. Où est la démocracie quand on maquille les comptes à outrance dans un période pré-électorale? Du jamais vu. Ça pourrait être plus proche d’un coup d’état

  4. Comment peut affirmer le journaliste qu’il ne s’agit pas d’un crime de responsabilité fiscale? Sur quelle base juridique?
    Le Supréme Tribunal Féderal dont les membres actuels ont été pratiquement tous nommés par les Gouvernements Lulla et Dilma va juger la question. Pas les journalistes non avisés ou avisés par une propaganda ostensive et diffamatoire des processus prévus dans la Constitution brésilienne.

  5. Un geste magnifique. Le tapis rouge devrait être plus souvent le lieu de revendications politiques ! Bravo à toute l’équipe de ce film.

  6. Bravo à eux et merci de saisir cette occasion pour attirer l’attention des Français (et du monde entier) sur le sort du Brésil.