Il y a des gens comme ça : « Bigger than life ». Plus grands que la vie, plus grands que les hommes, plus grands que le monde. Ils emportent tout sur leur passage. De vraies tornades. Zlatan Ibrahimovic est de cette catégorie-là et peut-être même au-delà des catégories, un fuoriclasse. Sa trajectoire est à l’image de son influence sur les terrains de football : hors-norme. Enfant du quartier sinistré de Rosengard, à Malmö – « le pire de Suède » de l’aveu même de ses habitants – Ibrahimovic est issu d’un mariage arrangé entre une mère, croate et catholique, et un père, bosniaque et musulman. L’idylle entre ses parents ne dure pas. Le foyer se déchire, la demi-sœur du joueur est mêlée à un trafic de drogue, sa mère arrêtée pour dissimulation d’objets volés. A l’adolescence, les deux enfants trouvent refuge sous le toit de leur géniteur. Ce dernier, porté sur la bouteille, les délaisse. Pour Ibrahimovic qui n’est alors pas encore Zlatan, l’existence est pénible. Son cadre de vie se résume d’abord et surtout au gris. Le gris de la cité, celui des barres d’immeubles et du macadam sur lequel le grand dadais tâte le cuir et apprend à se faire respecter. Que représente alors le football dans l’esprit du gamin adroit ? Evidemment bien plus qu’un sport : une échappatoire, la possibilité de rêver mais surtout, surtout, la probabilité de se sortir de la misère…

Avance rapide. Après avoir été couvé par les entraîneurs du club local, Ibrahimovic tape dans l’œil des recruteurs : il est mûr pour aller exprimer son talent à l’étranger. En 2001, il part à Amsterdam, dribble, marque, brille, prend ensuite la direction de la Juventus de Turin, y empile les buts. On le retrouve plus tard à Milan puis à Barcelone et une nouvelle fois à Milan, cette fois dans le club détenu par Silvio Berlusconi. Avec ses allures et sa morgue d’empereur romain, Ibra régale chaque week-end le public italien. Depuis 2013, l’attaquant officie à Paris. Il est la vedette du club, son étendard, le produit de luxe de la direction qatarie. Ses années passées au PSG, les voici résumées, en trois lignes, par le quotidien L’Equipe : « Zlatan a marqué l’histoire du club de la capitale. Il a notamment été élu trois fois meilleur joueur de la L1 (2013, 2014, 2016). Quadruple champion de France, il a également terminé trois fois meilleur buteur du Championnat. Cette saison, il a été décisif à 59 reprises (46 buts, 13 passes) en 48 rencontres. ». Indispensable.

Un physique hors-normes

Étonnamment, Ibrahimovic ne se résume pas qu’à ses statistiques, le facteur humain entre également en ligne de compte. Le joueur a ainsi ses forces et ses faiblesses. L’autre jour, je dressais ici même un parallèle entre JoeyStarr et l’Antigone d’Anouilh et de Sophocle. Si il fallait jouer à nouveau au jeu des analogies – un jeu intéressant en ce qu’il permet de re-contextualiser les idoles de notre époque – eh bien on pourrait certainement assimiler Zlatan à Goliath ! Plusieurs raisons à cela. La première est physique, évidemment. Dans l’Ancien Testament, le géant philistin mesure « six coudées et un empan », quasiment trois mètres. Sa seule tête, si l’on en croit les trois tableaux que lui consacre le Caravage au XVIIème siècle, est aussi imposante que le buste de David. Monstrueux. Toutes proportions humaines gardées, le suédois possède ce physique hors du commun : un bon 47 de pointure, 1m95 sous la toise, plus de 100 kilos sur le pèse-personne. Zlatan domine le commun des joueurs de football, il impressionne. Cette saison, lorsqu’il inscrit son but surprenant, en Ligue des Champions, face à Manchester City, le gardien de but adverse semble sonné. Il peine d’ailleurs à expliquer la scène aux journalistes : «Je ne sais pas trop… Je donne le ballon à Fernando, il a l’opportunité de faire une passe à l’intérieur et le grand est arrivé avec son pied taille 50 et il l’a contré…», a déclaré le portier des Citizens, comme groggy.

A la manière de Goliath avant son ultime combat, Ibrahimovic terrorise ses adversaires. Sur Youtube, il existe une vidéo très parlante intitulée « Zlatan Ibrahimovic, Angry Moments ». Il s’agit d’une compilation de ce qui fait la gloire du buteur parisien à savoir : ses pétages de plombs, coups de gueules, tacles et autres chocs sournoisement infligés à l’adversaire. David Alaba, Lars Bender, Mustapha Bayal Sall, Renato Civelli et Stéphane Ruffier s’en souviennent encore…

Sa marionnette aux Guignols

Avant de se faire boloriser, les Guignols de l’Info représentaient un formidable indicateur de tendances. Y avoir sa marionnette revenait, d’une certaine manière, à avoir une véritable influence dans le débat public. Adepte des déclarations marquantes et du discours curieusement débité à la troisième personne du singulier, Ibrahimovic n’a logiquement pas tardé à se faire parodier par l’émission de Canal+. Sa marionnette donne dans le comique de répétition. En un rien de temps, elle a marqué les esprits en imposant un nouveau verbe dans notre vocabulaire : “zlataner”. Dans un article pour les Inrockuptibles, publié en 2012, j’étais parti en quête de ses différents emplois. « Je zlatane, tu zlatanes, il zlatane… La signification est multiple et s’emploie surtout au sens figuré. Zlataner, littéralement “faire comme Zlatan Ibrahimovic”, mais aussi “tout exploser”, “feinter”, “marquer des buts”, “humilier son adversaire”. Le verbe peut s’employer comme suit : “Oh mec, comment tu viens de t’faire zlataner sans pitié à Fifa 13 !” ou bien à la façon des Guignols qui font ainsi parler la marionnette de l’attaquant parisien : “Zlatan tacle Jérémy Ménez, car Zlatan pas confiance Ménez. Ensuite, je zlatane trois défenseurs, je mets une zlatane de 30 mètres dans le but. Le gardien est zlatané. 1-0 pour Zlatan.” » Il n’en fallait pas plus pour conquérir nos esprits. Avant même de s’illustrer sur le terrain, Ibrahimovic impressionne par sa réputation. Il a colonisé notre imaginaire…

Demain, le combat de trop ?

Ce vendredi matin, par le biais d’un tweet mégalo, Zlatan a finalement annoncé qu’il quitterait le Paris-Saint-Germain à l’issue de la saison. Pour annoncer son départ, le suédois, jadis en course pour remporter l’équivalent suédois du Prix Goncourt, n’a évidemment pas choisi ses mots au hasard. « My last game tomorrow at Parc des Princes. I came like a king, left like a legend«  Je suis arrivé comme un Roi, je pars comme une légende. On dirait le récit d’une épopée qui avait pour toile de fond la capitale, sa Tour Eiffel et ses lumières. C’est un fait, Ibrahimovic se vit en héros. Sur le terrain, il réclame sans cesse le ballon, persuadé qu’il arrivera seul à faire la différence, à inverser la tendance, à faire triompher son camp. Il ne doute pas, c’est un bloc, un monstre d’égocentrisme. En Goliath moderne, il est persuadé que sa force physique et mentale lui ouvriront grand les portes de la victoire.

Voici que Zlatan nous quitte sur un tweet. Les observateurs aiment à annoncer son déclin. La saison écoulée devait ainsi être la saison de trop. Tout le monde s’est trompé. Reste que sur le terrain, Ibrahimovic court moins. Il surclasse encore ses adversaires mais son efficacité face au but décline au fil des ans. On l’annonce en partance pour la Chine, les Etats-Unis ou bien encore Manchester United. Demain, pour Ibra, un autre combat. Lui sera-t-il fatal ? Verra t-on, pour de bon, le géant terrassé ?

6 Commentaires

  1. Robert Ménard cherche la bouse et met le pied dans ce qu’il cherche aussi visqueusement qu’une masse corporelle ne décolle pas de son ombre, c’est ainsi qu’enlisé jusqu’au cou dans son amorphologie intellectuelle, il piaille à la mort, terrifié à l’idée que la nuit tel Black M s’éternise à quelques centimètres au-dessus de son micropays, or la nuit est une râpe à carotte pouvant s’avérer fort utile dans nos vertes prairies, ce n’est pas le petit dernier de la famille Adams qui vous dira le contraire, ceci explique peut-être que ce fils d’indigènes de la République, Aladin juif de son état, nage dans les eaux célestes avec tous les «youpins» de la rue du Doc, ceux-là mêmes qui «s’éclatent et font des magasins», — le mot, je vous l’accorde, puerait l’antisémitisme s’il ne sortait de la bouche d’un Gainsbarre négro assez vieux pour l’avoir vu (le mot) bondir tel un fauve indompté à travers les volutes de Gitanes de l’homme à tête de chou farci de facéties furibondes, d’agressions quotidiennes à sublimer sous forme slangulaire, à expulser sur la table des affres de la procréation, — youpins de Gynéco, vous êtes bénis entre toutes ces maudites paroles trempées dans le fonds solidaire des Insultés, car l’outragé porte comme des galons ses cicatrices psychiques, surpiqures fièrement arborées aux coutures de la dermotunique, rien à voir avec le genre de piqûre pouvant causer une enflure de l’espèce de Louis-Ferdinand Céline dont nul n’a oublié l’avant-bout de la nuit où un certain Robert Ménard s’était pris un verre de pureté dans la figure alors qu’il préconisait, sous le nez d’Arno le Magnifique, la réédition des torchons antijuifs de notre objet de fierté nationale au nom d’une sacrosainte liberté d’expression qui, curieusement, ne lui posait pas les mêmes problèmes de conscience lorsqu’elle servait une idéologie rance qu’il feint aujourd’hui de combattre dans l’espoir de contenir la colère des victimes du nouvel antisémitisme dans l’étau nationaliste, or l’islamofascisme n’a toujours pas réussi à chasser de nos mémoires le coup de pouce de Jaurès aux pogroms drumontistes ou le ralliement du même Jaurès au camp dreyfusard, — il est toujours possible d’être racheté par le ça après avoir vendu son âme au surmoi (1er mai 1895, dans La Dépêche de Toulouse : «Quand la France socialiste pourra libérer de la dette juive* et de toute dette les colons et les indigènes, (…) quand elle pourra associer dans ses travaux les travailleurs arabes et les travailleurs européens comme ils sont rapprochés déjà dans les travaux des ports, alors il y aura une belle civilisation algérienne.» * Jaurès ignorait-il que l’immense majorité des ex-dhimmis juifs de l’empire ottoman devait survivre en Algérie française avec moins de 40 sous par jour? Nous rappelons au légataire des fantasmes ancestraux que, sous l’Ancien Régime, si les Juifs n’étaient pas autorisés à fourrer leur truffe obscène autre part que dans l’Écu, le commerce et l’usure étant apparentés au Satan duquel l’Église se devait de préserver les âmes plus ou moins bien converties des sujets d’un royaume très chrétien, il y a pourtant une fonction éminente qu’un Juif ne pouvait pas légalement occuper, celle de surintendant des finances de l’État-c’est-moi. Et puis, nous lui apprendrons sans doute qu’au royaume d’Israël, une dime pour les pauvres avait été instaurée en sorte que le mérite ne se transformât pas en principe inhumain. Ou encore, que le premier traité d’économie dans lequel fut développée une théorie pratique de l’assistance publique est le De subventione pauperum de Juan Luis Vives, megorach de son état, et donc, 100 pour cent immigré) — l’énorme nous fait cette impression parce qu’il refonde les normes, stupéfiant davidique pas Goliath pour un sou, il est une levée de bouclier solaire inondant l’arrière-cour, le contrordre à la langue de pute qui est le propre du populisme rampant, la résistance éclairée qui est au terrorisme aveugle ce que la guerre des humanités est au crime contre l’humanité; pressentant la quenelle, je m’empresse de préciser que ma plaidoirie contre l’antiracisme d’extrême droite ne vise pas à dédiaboliser le vocabulaire raciste et antisémite mais à différencier l’exutoire empathique d’avec l’exutoire antipathique; cela m’embêterait que les fans du piètre pitre M’Bala M’Bala s’imaginent que je prends la défense de leur guru contre les garants d’un ordre moral nauséabond qui les aurait pris en chasse.

  2. Ouf !! Les médias vont enfin pouvoir parler de la ligue 1 autrement que d’après les frasques de ce grand mégalo…

  3. Ses sorties qui font réagir tout le monde vont me manquer. Avec lui au moins on se marre dans ce milieu de langue de bois !