On pourrait se lasser mais la rage l’emporte.

Si nous ne gagnons pas ce combat, nous périrons. Alors oui, répéter sans cesse les mêmes choses, comme le vieux Caton le faisait chaque matin au Sénat : un jour, cela paiera peut-être. Ne rien lâcher car en face on ne lâche rien non plus.

Un an après Charlie, un peu plus de deux mois après les massacres du 13 novembre, la même insupportable rengaine : « padamalgam ». La même arrogance aussi, de la part de gens dont on attendrait plutôt qu’ils fassent profil bas.

Quatre faits récents, apparemment sans lien, m’interpellent et me poussent à écrire à nouveau sur un sujet à la vérité bien désagréable. La présence d’un islamiste dans une émission télévisée de grande écoute aux côtés d’une ministre de l’Education prise au piège, auquel ce goujat revendique de ne pas serrer la main. La grossière interpellation d’Alain Finkielkraut, écrivain et académicien, par une jeune femme qui se prétend neutre et que l’on découvre membre d’un groupuscule fasciste, le prétendu « Parti des Indigènes de la République », qui veut terroriser les esprits libres de notre pays au nom de la culpabilité coloniale. La visite du président iranien, de passage à Rome pour quelque affaire de gros sous (on parle de dix-sept milliards d’euros), au Capitole, visite pour laquelle il exigea que fussent voilées les statues de femmes nues. Le silence enfin face au meurtre sauvage d’une Israélienne de vingt-trois ans, comme si la haine qu’il a fallu pour enfoncer sans trembler un couteau de cuisine dans la pauvre chair de Shlomit Krigman, avait quoi que ce soit à envier à celle des barbares du 13 novembre.

Ces quatre faits ont un lien. Ces quatre faits signent le triomphe, de moins en moins modeste, de l’islamisme et de ses alliés.

Un homme dont l’association « fait de l’humanitaire en Syrie » et qui se présente en barbe et survêtement à la télévision, nous déclare dans un français moranesque qu’il ne veut pas condamner Daesh, qu’il ne comprend même pas qu’on le lui demande. C’est sûr, Daesh n’a rien à voir avec l’islam, c’est bien connu. Ni avec la Syrie d’ailleurs. Ni avec ceux qui vont y faire de l’humanitaire. Ni avec les barbus qui refusent de toucher une femme et qui, pour se défendre, invoquent le Grand Rabbin de Paris avant d’admettre qu’ils ont probablement une fiche S. Si l’on me permet ce cliché, on marche sur la tête.

Un homme qui semble avoir quelques problèmes avec les Juifs, soit dit en passant, puisqu’il les invoque à deux reprises. Intéressant, d’ailleurs, car à chaque fois on a échoué à lui répondre comme il convenait.

En effet, il est vrai que certains Juifs orthodoxes, et non seulement certains rabbins comme il le dit, ne touchent pas les membres du sexe opposé. Non pas pour des raisons liées à l’« impureté » comme on le croit parfois, mais tout simplement au désir qu’un tel contact pourrait inspirer : ce principe a pour nom negi’a. Je dois dire que pour ma part, je ne l’aime pas beaucoup plus chez les Juifs que dans l’Islam, et déteste même les dérives absolument grotesques, et même dangereuses, auxquelles il a récemment donné lieu, par exemple lorsque des Juifs ultra-orthodoxes ont cru bon de mettre leur avion sens dessus dessous pour éviter d’être assis à côté de femmes. Je suis pour une condamnation très ferme de ces comportements et pour qu’on interdise définitivement de vol ce genre d’énergumènes. Serait-ce trop demander que de vouloir le même tarif appliqué au barbu du Supplément ? Connaissant un peu le problème, j’aimerais quand même apporter une nuance qu’apparemment personne n’a cru bon d’opposer à ce dernier : le principe de negi’a, loin d’être respecté dans sa version stricte par l’ensemble des Juifs orthodoxes – pour ne rien dire des autres – est aussi sujet à de multiples allègements pour ceux-là mêmes qui le respectent ou du moins pour la plupart d’entre eux. Les dérives que je viens d’évoquer existent bel et bien, progressent d’ailleurs mais restent marginales, les néophytes qui refuseront quoi qu’il arrive de toucher une femme existent également mais la vérité est que rares sont les Juifs pieux qui laisseront une main féminine tendue sans y répondre, à plus forte raison d’ailleurs si cette main est celle d’une femme non-juive que l’on peut supposer ignorante des us et coutumes orthodoxes : le principe de darkhei shalom, des « voies de la paix », l’emporte sur celui de la séparation lui-même respecté, j’y insiste, avec un niveau de rigueur qui n’atteint que rarement l’épouvantable bigoterie de notre philanthrope, lequel n’a rien à voir avec l’Islam, pardon, avec Daesh.

L’autre occurrence du signifiant juif dans son discours, c’est l’inévitable comparaison entre Israël et cette organisation qu’il refuse de condamner. Inévitable et pourtant inadmissible. Me demanderait-on si j’étais le Grand Rabbin de Paris, de condamner les agissements d’Israël de la même manière qu’on me demande, musulman, de condamner ceux de l’Etat Islamique : voilà ce que, traduit en français, a demandé l’invité d’Ali Baddou. Et son interlocuteur de lui répondre… que oui, et que le Grand Rabbin de Paris les a d’ailleurs condamnés !!!

C’est à devenir fou. On se frotte les yeux, on se pince. Je ne sache pas, pour ma part, qu’un important rabbin français ait condamné les agissements supposément daeshiens d’Israël, et cela vaut mieux. S’il s’agit des crimes racistes ou homophobes de l’été dernier, du terrorisme juif sur lequel j’ai moi-même écrit à plusieurs reprises, ce fut certes le cas, par exemple, du Grand Rabbin de France, Haïm Korsia, mais c’est un autre problème que celui de la politique d’Israël et ni aucun rabbin ni aucun Juif n’a à accepter que cet Etat soit comparé aux hordes de barbares génocidaires qui ravagent aujourd’hui la Syrie et l’Irak. Je le dis malgré les franches réserves que j’ai à l’égard de Netanyahu et en dépit de mon acceptation de la critique antisioniste (eh oui !) ou des sentiments qui peuvent être les miens quant aux bombardements de Gaza. Il y a des hiérarchies et des distinctions à faire, et bombarder un territoire parce qu’on est attaqué quotidiennement par ses habitants n’est pas, ne sera jamais la même chose que de se livrer à un génocide, voilà tout. Bon Dieu, mais quand aura-t-on le courage de dire ces choses, qui relèvent pourtant du bon sens, de les dire clairement sans avoir besoin de s’appeler Manuel Valls ou d’être juif soi-même ?! Je me souviens d’un texte remarquable d’Erri de Luca sur ces questions : serait-il la dernière conscience de la gauche européenne ?

Le silence face au meurtre de Shlomit Krigman et à tous les autres relève de la même confusion. Bien sûr qu’on ne demande pas aux gouvernements de « condamner » chaque crime qui se commet. Pour ma part, ces flots de « condamnations » présidentielles ou ministérielles me fatiguent d’ailleurs plutôt qu’autre chose et je crois que le gouvernement français et les autres font leur travail de ce côté. Je suis en revanche absolument certain que les sentiments d’un très grand nombre de Français face à ces meurtres est qu’ils relèvent au mieux de la banalité la plus ennuyeuse, au pire d’une juste rétribution, Israël n’étant qu’un Etat de colons et d’assassins. Cette indifférence me scandalise. On vit en Israël dans la peur des couteaux comme à Paris, des couteaux et des bombes. Ces crimes sont injustes et ne signent que la haine crasse, bestiale, de ceux qui les perpètrent : ils n’ont rien d’actes politiques, encore moins d’actes de résistance. Et, en attendant, une innocente de vingt-trois a perdu la vie.

Antisémitisme ? C’est peut-être à la désormais célèbre interlocutrice d’Alain Finkielkraut et Daniel Cohn-Bendit qu’il faudrait le demander. On s’interroge en effet : pourquoi cette femme a-t-elle dit que les trois intellectuels responsables de la montée du racisme en France étaient Alain Finkielkraut lui-même, Bernard-Henri Lévy et Eric Zemmour ? Quel est le point commun de ces trois hommes ? Pensent-ils la même chose ? Je ne le crois pas et pour ne prendre que le cas d’Alain Finkielkraut et de Bernard-Henri Lévy, ils s’entendent sur Israël – dont ils ont plutôt tendance à critiquer la politique actuelle, ayant été les premiers signataires de JCall – mais leurs opinions sur la France, l’Europe, les Etats-Unis, l’immigration, l’identité, etc., sont aujourd’hui on ne peut plus contrastées. Inutile aussi d’insister sur les différences opposant Alain Finkielkraut et Eric Zemmour (que ce soit lorsqu’ils parlent des réfugiés ou de la kippa), ou sur la haine que le journaliste de droite voue à toutes les idées de Bernard-Henri Lévy ou à peu près.

Alors, que reste-t-il ? Quel est-il, ce point commun qui ferait que trois hommes aux idées différentes, notamment sur l’immigration ou le métissage, feraient monter le racisme ? Je vous laisse répondre, madame la professeure d’anglais neutre et apolitique mais j’ai, moi, mon idée.

J’ai mon idée et je commence à être las, car c’est la République qu’on veut mettre à genoux, la République française, la conscience européenne, l’esprit de liberté et d’égalité… Sous couvert de critiquer le passé colonial de la France et le racisme qui s’y donne aujourd’hui libre cours. Ce racisme, je le condamne, ma famille en a d’ailleurs fait les frais mais voyez-vous, je n’oublie pas que les Noirs furent esclaves du monde arabe – qui ne demandera jamais pardon, lui, pour ce crime contre l’humanité –, je n’oublie pas non plus comment il traita ses Juifs, ou que la femme occidentale qui s’aventurerait sur la place Tahrir de toutes les libertés, gazelle délurée et méprisable parce qu’ « infidèle », n’est bonne aux yeux de ces mâles que les droits humains passionnent assez peu, qu’à subir les pires outrages de leur merdique frustration. Je n’oublie pas que le racisme est partout et qu’il n’en est aucun qui soit préférable.

Enfin je n’oublie pas non plus qu’en Occident on s’est battu. Qu’on a abandonné la prosternation et que des hommes veulent aujourd’hui nous y ramener, nous mettre à genoux. Rohani au Capitole. J’en tremble de rage. Là encore, invoquera-t-on les rabbins ? Eh bien tant pis, je le dis ! Je n’apprécie pas davantage la pudibonderie juive que l’islamique, le refus d’écouter la « voix de la femme », codifié par le Shoulhan Aroukh (quoique là encore, relativement peu suivi dans les faits), que la condamnation de la musique par les salafistes. Je l’ai déjà dit, je le redis, et je me battrai le moment venu contre cela. Reste qu’aucun rabbin n’a jamais fait voiler des statues qui choquaient sa piété ! Les musées israéliens sont d’ailleurs pleins de Juifs religieux – tout comme ceux de New York – et les visions qu’on y a ne sont pourtant pas des plus kasher. Je rappelle d’ailleurs que le Rav Kook (1865-1935), le fondateur du sionisme religieux, peu suspect d’hérésie, racontait sa visite enthousiaste de la National Gallery du temps où il vivait à Londres. Il évoquait en particulier les Rembrandt : ceux qui connaissent cette admirable collection savent qu’il s’y trouve un portrait d’Hendrickje Stoffels, la concubine du Maître hollandais, retroussant sa jupe au bain. Il semble que l’austère rabbin fut davantage captivé par la lumière et l’ombre de Rembrandt qu’offensé par la nudité de son aimée. Comme quoi…

Enfin, des Rohani juifs, il y en a, bien sûr. J’ai même lu que certains haredim refusaient de visiter le Yad Vashem pour éviter les images de femmes déportées un peu trop dénudées. Sans aller jusqu’à un si répugnant extrémisme, tout le monde se souvient de ce journal ultra-orthodoxe qui supprima le portrait d’Angela Merkel de la photo du 11 janvier pour ne pas déroger à son principe : pas de visages féminins. Reste là encore que l’acte du président iranien ne vise pas seulement ses frères en bigoterie mais est consciemment dirigé vers l’Occident : c’est un signe politique, et des plus terrifiants. Cet homme s’est comporté en colon, en colon de cette Europe qu’il va bientôt vouloir se partager avec le Qatari et le Saoudien, le Daeshien peut-être. Je suis ici chez moi, a-t-il voulu nous faire comprendre, et vos femmes n’ont qu’à bien se tenir.

Tiens, on n’entend d’ailleurs pas tellement les féministes. Serait-ce qu’au fond la statuaire gréco-romaine, « male gaze » comme on dit sur les campus américains, n’est qu’un fantasme masculin, machiste ? Mais qu’aurait dit Caroline de Haas si je ne sais quel cureton avait fait la même demande que Rohani ? Notons au passage que le Vatican a plutôt pris soin de conserver les hommages antiques à la beauté féminine : les papes de la Renaissance étaient moins pudibonds que ce potentat du XXIe siècle.

Un potentat qui a voulu voiler Phryné, tout simplement. Sous les yeux de l’Europe qui, honteuse peut-être de sa liberté, a baissé les yeux.

Eh bien ! Ces beautés antiques, ces belles immortelles ne lui disent qu’une chose : rentre chez toi, tartuffe, assassin, rentre chez toi et laisse-nous donc. Et lui lanceraient si elles le pouvaient, lanceraient à tous les moines soldats de l’islamisme, ces vers du merveilleux Omar Khayyam, que je regrette, moi, de ne pouvoir lire dans leur langue d’origine : « Seigneur, Ô Seigneur, réponds-nous ! Tu nous as donné des yeux, et tu as permis que la beauté de tes créatures nous éblouisse… Tu nous as donné la faculté d’être heureux, et tu voudrais que nous renoncions à jouir des biens de ce monde ? Mais cela nous est aussi impossible que de renverser une coupe sans répandre le vin qu’elle contient ! »

4 Commentaires

  1. Je suis d’accord avec tout l’article, d’accord avec le fait que pour beaucoup , le juif est toujours le coupable ideal. Mais aller comparer les palestiniens qui essayent tant bien que mal de défendre une terre colonisée avec l’autre con de barbu est extrêmement malhonnête.
    La pauvre femme assassinée se trouvait dans une colonie installée dans le mépris de toutes les conventions internationales, dans une totale illégalité et poussé par une idéologie plus que douteuse. En s’installant là elle a contribué a cette injustice et a fait prendre de gros risque a sa famille comme à elle même.
    Le barbu illuminé qui veut convertir ou exploser le monde n’a RIEN a voir avec le palestinien qui tue un colon Israélien.

  2. Je partage beaucoup de ce qui est dit dans l’article mais pas le deux poids deux mesures trop subtil qui consiste à dire : un juif qui ne sert pas les mains c’est moins grave qu’un musulman car, « lui il pourra s’adapter face à une non juive. J’ai eu les deux cas quand j’étais chef d’entreprise, les deux religieux ont refusé de serrer les mains. je n’ai accepté aucun des deux

  3. comme vous avez raison , mais nos politiques manquent de courage , ils sont lâches devant les  » contrats  » possibles et se soumettent aux demandes des islamistes . Un jour ils paieront leur forfaiture , car c’est une forfaiture de s’abaisser à ces demandes . Le drame , je ne vois aucun politique capable de s’opposer à ces demandes .

  4. Très en pointe dans la bataille pour faire éclater au grand jour le « syndrome de Cologne » (qui fait la Une du Causeur du mois de février 2016), l’association « Femme et Libre » de Yaël Mellul revient à la charge à l’occasion de la visite en France du président iranien Hassan Rohani ce jeudi. Les militantes de l’association contre les violentes faites aux femmes n’entendent pas laisser la moindre chance à François Hollande de passer à côté de la dignité des femmes – elles supposent donc que Valérie Trierweiler ne fût qu’une exception à la règle. Relayons donc à l’envi le message de ces militantes pugnaces : « Monsieur Hollande parlera-t-il des 63 femmes exécutées par pendaison ? »

    Dans le communiqué de l’association, aucune chance n’est laissée à François Hollande : « Le Président de La République a affirmé, avec force : “La France est opposée à la peine de mort”, “La Liberté et la dignité des femmes, ce n’est pas l’engagement d’une journée, ce n’est pas même celui d’une année, c’est celui de tout mandat exercé au nom du peuple français”. » Combo gagnant. François Hollande est contre la peine de mort, et combat chaque jour avec ardeur la digité des femmes. Parfait.

    On en vient ensuite au portrait peu flatteur de la République islamique d’Iran : légalité du mariage entre un enfant mature (9 ans selon la loi iranienne), et son tuteur légal. « Femme et Libre » clarifie immédiatement : « La République islamique d’Iran légalise ainsi la pédophilie. »

    Continuons le florilège des atrocités du pays : « L’article 638 du Code pénal islamique prévoit que “les femmes qui apparaissent sans hijab en public seront condamnées à un emprisonnement de 10 jours à deux mois ou au paiement de 50.000 à 500.000 rials” (1 euro = 32000 rials, 1 Kg de riz coûte 80000 rials). Des attaques sont provoquées par des imams qui s’insurgent faussement contre les “mal voilées”, provocations conduisant à d’horribles agressions à l’acide contre des femmes. Le même article autorise les juges à condamner quiconque viole la charia à 74 coups de fouet. » Faut-il seulement ajouter un mot ?

    On en passe, et des meilleures. Bilan du « musulman modéré » Rohani – tel qu’il aime à se décrire lui-même : « L’Iran est descendu en 5e position dans le classement mondial des pires pays pour l’inégalité des sexes – il est classé 141e sur 145 (chiffres en augmentation par rapport à 2014), dans le Global Gender Gap Report 2015, publié par le Forum économique mondial. Le rapport indique qu’il n’y a « aucune amélioration dans aucune catégorie depuis 2006 », mais qu’il y a eu des « régressions. »

    Mais, pour la France, pétrie de nobles valeurs, il y a un hic. Ou plutôt 114, nombre équivalent aux Airbus qui pourraient être livrés à l’Iran si le contrat finalisé était signé jeudi.

    Comment ne pas à nouveau laisser la parole aux militantes de « Femme et Libre » ?

    « Que les promesses soient tenues. Que le choix soit fait de respecter nos principes républicains plutôt que de normaliser nos relations avec un Etat qui n’est ni “normal“ ni “modéré“.

    Une république sociale comme la France se doit d’accompagner les démocrates iraniens qui se battent quotidiennement et au péril de leur vie.

    La France s’honorerait à ne pas cautionner un régime qui martyrise, violente, fouette, lapide, brûle à l’acide, et tue par pendaison des femmes.