Au surlendemain des 130 assassinats commis le 13 novembre dernier par les terroristes islamistes, le journal Libération publiait un bref appel intitulé «Nous sommes unis». Etrange appel, en vérité, et pour deux raisons. La première était son contenu. Exhortant à rester unis afin de déjouer le «piège» tendu par le terrorisme, il se gardait cependant de qualifier la nature de ce dernier : c’était du terrorisme en général, pas du terrorisme islamiste ni du djihadisme. Et quel était plus précisément le fameux «piège» ? Quelques lignes, en apparence plutôt énigmatiques, le précisaient :  «La division, la délation, la stigmatisation sont au cœur de ce piège sournois. Chaque fois que nous tentons hâtivement de désigner des responsables de ce crime dont seuls les auteurs sont coupables, nous tombons dans le piège d’une division programmée et orchestrée.» En termes plus clairs, il s’agissait du classique «pas d’amalgame», au nom duquel certains courants, qu’ils soient islamistes, d’extrême gauche ou bruns-rouges, s’acharnent à occulter la menace que constitue l’islam politique radical et violent. Mais fidèle à son infinie prudence, ou plutôt à son procédé… sournois, le texte n’allait tout de même pas jusqu’à expliciter qui risquait de devenir la victime de cette «délation» ou de la «stigmatisation», pas plus qu’il ne précisait qui pouvait bien être à la manœuvre pour programmer et orchestrer le «piège» de la «division». Bref, cet appel, tel qu’il était rédigé, exhalait par ses non-dits le parfum nauséeux que dégage habituellement la prose d’un Tariq Ramadan ou d’un Edwy Plenel. La véritable victime du terrorisme ? Les musulmans, pardi !

La seconde raison qui provoquait la perplexité était la liste des signataires. Certes on y trouvait plusieurs personnalités respectables (dont on peut espérer, à leur décharge, qu’ils n’avaient pas dû étudier le texte de près), figures de premier plan des cultes catholique, protestant, musulman et juif ou de la franc-maçonnerie, des journalistes, le président du Conseil économique, social et environnemental… Mais, ainsi que la journaliste Isabelle Kersimon le releva et le dénonça rapidement dans un article titré «Face à la barbarie, oui à l’union, mais pas avec les Frères musulmans !», d’autres signatures créaient un sérieux malaise : en particulier celles du rappeur «anti-laïcard» Médine et du porte-parole du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) – dont des rapports bidonnés ont été mis en lumière à plusieurs reprises, notamment dans le livre «Islamophobie, la contre-enquête», de Jean-Christophe Moreau et Isabelle Kersimon – et quelques-unes encore comme le président d’un certain Club Hessel, dénomination choisie en hommage à Stéphane Hessel, l’homme qui s’indignait surtout contre Israël…

Mais une signature méritait tout particulièrement qu’on s’y arrête : Nabil Ennasri. Présenté dans l’appel comme président du Collectif des musulmans de France (généralement considéré comme proche du Qatar), ce personnage est un élément central du noyau islamiste dur en France. Il a ainsi été l’un des activistes engagés contre les «ABCD de l’égalité» à l’école, ce manuel destiné à favoriser l’égalité entre filles et garçons combattu par l’extrême droite tant intégriste catholique que fondamentaliste musulmane. Lors d’un débat, filmé dans le cadre du Salon du Bourget qu’organise annuellement l’UOIF (très proche des Frères musulmans), il dénonçait avec véhémence ce qu’il appelait la «promotion de l’homosexualité» et la «valorisation des pratiques LGBT». Il menaçait au passage de retirer une journée ses enfants de leur établissement scolaire. Ce  qui n’était pas exactement un hasard puisque cela correspondait très exactement à la campagne initiée par sa comparse Farida Belghoul (dont nous avions à l’époque évoqué le profil) laquelle s’était rapprochée du national-socialiste Alain Soral. Cette enseignante avait mobilisé à deux reprises en 2014 des parents d’élèves, essentiellement de culture musulmane, par le biais d’informations mensongères afin qu’ils suivent ses exhortations à des  «Journées de retrait de l’école» censées protéger les enfants contre des cours de masturbation et autres inventions délirantes de sa part – dont bien entendu la pseudo «théorie du genre». Elle fut finalement sanctionnée par l’Education nationale, non sans s’en être auparavant violemment prise, diffamation à l’appui, à la ministre Najat Vallaud-Belkacem. Farida Belgoul et Nabil Ennasri s’entendaient comme larrons en foire comme on peut le constater sur diverses vidéos et ont abreuvé le Net, en 2014, de leurs calomnies et délires paranoïaques contre l’Education nationale.

C’est donc aux côtés de ce fondamentaliste de l’islam politique (sans doute le plus radical des islamistes co-signataires) que les personnalités évoquées plus haut ont apposé leurs noms. Si ces dernières l’ont vraisemblablement fait en ignorant avec qui elles se retrouveraient à co-signer l’appel, il est difficile de croire que deux d’entre elles étaient d’innocents naïfs. Il s’agit de Jean-Louis Bianco, président du très officiel Observatoire de la laïcité, organisme placé sous l’autorité du Premier ministre, et de Nicolas Cadène, rapporteur général de l’Observatoire qui a tout récemment eu le culot d’accuser Elisabeth Badinter de saborder les efforts en faveur de la laïcité. Ces deux hommes sont en principe parmi les mieux placés en France pour savoir qui sont les ennemis de la laïcité. Alors de deux choses l’une : soient ils ignoraient qui était Nabil Ennasri, et dans ce cas il est grand temps qu’ils quittent leurs fonctions pour prendre quelques cours sur le milieu de l’islamisme et de l’intégrisme musulman ; soit ils connaissaient le pedigree de leur co-signataire, et dans ce cas leur conception de la laïcité est hautement inquiétante.

C’est bien pourquoi nous ne pouvons qu’appuyer les défenseurs de la laïcité qui, à l’instar de Patrick Kessel (président du Comité laïcité républicaine), du député PS Jean Glavany, de la sénatrice PRG Françoise Laborde, de Caroline Fourest ou encore Mohamed Sifaoui, s’insurgent contre le maintien de Bianco et Cadène à la direction de l’Observatoire de la laïcité. Et nous approuvons totalement le ferme rappel à l’ordre adressé à Jean-Louis Bianco et Nicolas Cadène par Manuel Valls lundi 18 janvier lors d’un débat organisé par les Amis du CRIF. S’acoquiner avec des figures militantes de l’islam politique non seulement dévoie la laïcité mais contribue aussi à faire de l’ensemble des musulmans, qui n’ont rien demandé de la sorte, des otages de la constante avancée non pas de l’islam mais bien de l’islamisme, ce dévoiement totalitaire de la religion musulmane.                     

12 Commentaires

  1. Que pensez-vous de la pétition lancée par Mohamed Sifaoui appelant à la démission de JL Bianco ?

  2. C’est la guerre entre la paire Nicolas Cadene et Jean-Louis Bianco, et Manuel Valls ! Ils ne vont pas faire long feu à leurs postes !

  3. L’observatoire national de la laïcité ne fait qu’encourager le repli identitaire au lieu de rééllement prendre en compte les nécessités et spécificités de chaque religion…

  4. La laïcité ne doit pas être « accomodante », sinon elle se vide de son sens…

  5. Des membres de l’Observatoire eux-mêmes s’opposent à Jean-Louis Bianco et le dénoncent…

  6. Comment définit-on la laïcité ? Doit-elle avoir toujours le même sens que par le passé ? Alors que la situation a tant changé ?

  7. Il est primordial, aujourd’hui, d’avoir des gens compétents aux postes ayant un imapct sur le traitement des religions et l’application de la laïcité dans notre Etat. Il s’agit d’être cohérent avec la lutte contre la radicalisation etc. Tout cela fait partie d’un même tout.

  8. Faut-il virer JLB ou tout simplement supprimer cet Observatoire qui n’a jamais montré grande utilité ?!