On ne détruira ces ennemis du genre humain ni avec des crayons ni avec des protestations, fussent-elles semblables à celle du 11 janvier. Pourtant il faut les détruire. Il le faut ou ce sont eux qui nous détruiront, et ils n’attendront pas.

L’esprit du 11 janvier eut sa nécessité et son temps. Ce jour-là, la France s’est réunie pour ne pas exploser. Seulement, comme le disait un vieux sceptique d’Orient, il y a un temps pour tout sous le soleil. Il y a un temps pour aimer, certes, mais il y a aussi un temps pour haïr.

En vérité, on eût même dû haïr plus tôt et pour ma part, je ne comprends pas qu’on nous parle maintenant seulement de perquisitions de masse, nous laissant entendre qu’en un an, on a laissé les ennemis de la liberté, de l’égalité, de la joie, de la jeunesse, de la vie, poursuivre leur œuvre de mort comme s’il ne s’était rien passé, comme si nous n’étions pas en guerre. Qu’on les haïsse donc, qu’on ostracise, qu’on enferme, qu’on enterre vivants les prêcheurs de mort dans quelque bagne, qu’on demande des comptes et peut-être des informations à ces imams qui traitent les « mangeurs de porc » de porcs, à ceux qui crachent publiquement à la face du pays, de sa culture, de ses valeurs. Qu’on détruise, qu’on démolisse les lieux où la haine s’enseigne, que l’on sache enfin ce qu’est la guerre. La guerre est sur le sol même de la France, notre milice et notre gestapo ne sont autres que les mosquées qu’on appelle pudiquement « radicales » : qu’elles disparaissent !

Ce n’est pas la société de surveillance généralisée que nous prônons, au contraire : je ne parle pas ici de voleurs, ni même d’assassins mais d’ennemis. Il s’agit donc, pour les seuls ennemis de la liberté, pour cette seule situation, exceptionnelle puisqu’elle constitue, à la différence des délits ou crimes ordinaires, un état de guerre au sein de la société civile, pour les ennemis de la patrie, pour ceux qui nous font la guerre, d’employer tous les moyens de la guerre. Tous. La guerre change de visage, que ceux qui veulent vivre en tirent les conséquences, qu’ils se défendent.

La semaine du 7 janvier fut celle d’une tentative de putsch. « On a tué Charlie Hebdo », disaient ces démons. Charlie Hebdo, c’était la France, la France libre, la France espiègle, la France qui ne se prosterne devant aucun néant. Eh bien ! La France, après ce putsch, vient d’avoir son Guernica.

Il y a un temps pour haïr. Un temps pour détruire les destructeurs. Un temps pour déraciner le mal. Un temps où l’on n’attend pas, où l’on ne tergiverse pas, où l’on cesse d’être petit, de penser à son électorat, à son confort intellectuel, à ses petites catégories de pensée, un temps, en un mot, où l’on tue ceux qui veulent nous tuer – et si ce n’est pour nous, du moins pour ceux que nous aimons : oui, c’est aussi cela, la fraternité.

Ces ennemis de la liberté ont souffert, me direz-vous ? Ce sont des victimes du système ? D’abord on n’en sait rien et la Syrie est aujourd’hui pleine de Français « de souche », convertis à l’islam et que ne déterminait à la violence et au fanatisme ni une quelconque origine ni une quelconque précarité sociale : ne soyons donc pas si « essentialistes », ne soyons pas si condescendants. Traitons ces criminels comme des adultes, comme nos égaux. Or, quand un adulte est enragé, quand un adulte veut vous tuer, est prêt à tout pour vous supprimer, y compris à mourir, vous n’avez qu’une chose à faire : le neutraliser d’abord.

D’autre part, il s’agit là de fanatisme religieux, et du fanatisme d’une religion en particulier, contrairement à ce qu’a cru bon de dire un homme politique qui faisait encore de la politique. C’est de ce côté qu’il faut chercher les sources de ce mal, de ce côté qu’on doit s’interroger, et vomir les criminels qui ont peut-être, allez savoir, bel et bien lu les textes qu’ils citent. Ca ne veut pas dire, loin s’en faut, que tous les musulmans soient des terroristes ou des terroristes potentiels – mais plutôt qu’ils doivent hurler leur haine comme je le fais, et sans nous dire que ces crimes « ne sont pas l’islam ». Que ceux qui croient que ça n’est pas l’islam l’illustrent.

En outre, je connais des gens qui ont su la misère, et la faim, et la peur, qu’on a marqués pour ce qu’ils étaient, j’en ai autour de moi, dans ma famille si vous voyez ce que je veux dire, et ces gens n’ont jamais haï les innocents, ces gens n’ont ni tué ni blessé, ces gens se sont relevés, ces gens ont construit, ces gens ont aimé. Et quand je vois ce qu’ils ont fait, je me dis qu’on a raison de haïr ceux qui, soumis au destin, nous font payer leur bassesse.

Haïssons-les et méprisons les angéliques, les bons, les compatissants. Et n’oublions pas que l’histoire, qui ne pardonne pas, elle, les jugera comme elle a jugé la racaille de Munich et tous ceux qui pleurnichaient sur les humiliations de la malheureuse Allemagne. Elle jugera ceux qui parlent pour ne rien dire, ceux qui n’osent pas appeler un chat un chat, ceux qui, à nouveau, réclament qu’on ne fasse pas d’amalgame – comme si là était la question.

Non, les crayons ne suffisent pas, ô manifestants du 11 janvier : j’espère que vous le savez désormais. Contre les kalachnikovs, des tanks. Contre les bombes des ennemis de l’humanité, les bombes de ceux qui la chérissent. Se battre pour la vie, se battre pour le monde. Et ne pas oublier qu’il est bien un temps pour haïr.

Ils nous veulent, morts ou soumis. Mais les hommes libres ont des tripes, non ? Qu’ils disent donc à ces esclaves qu’ils les haïssent en retour et qu’ils sont déterminés à effacer leur mémoire de dessous la face des cieux.

Que les amants de la mort meurent comme ils le souhaitent, mais avant d’avoir pu nous détruire avec eux, comme l’ont fait, horreur, les kamikazes de vendredi – et qu’en mourant, ils aient le temps de regretter, d’avoir peur, de comprendre qu’ils n’auront rien après, qu’ils ont tout perdu, que leur misérable vie était tout ce qu’ils avaient : c’est là ce que je souhaite à nos ennemis.

Heureusement qu’on l’a su naguère, que les crayons ont leur vertu mais qu’ils ne suffisent pas, que la plume n’est pas toujours plus forte que l’épée : la France n’eût jamais été libérée sans cela. Et c’est avec leur plume que certains l’ont dit, et c’est leur voix qui nous souffle aujourd’hui qu’il faut se battre, et haïr, et détruire ceux qui nous haïssent.

Je laisse l’un de ces spectres nous parler, Pierre Emmanuel qui écrivait dans L’Honneur des poètes, « les dents serrées », ce poème de guerre, d’amour de la vie – et de sainte haine.

 

Je hais. Ne me demandez pas ce que je hais

Il y a des mondes de mutisme entre les hommes

Et le ciel veule sur l’abîme, et le mépris

Des morts. Il y a des mots entrechoqués, des lèvres

 

Sans visage, se parjurant dans les ténèbres.

Il y a l’air prostitué au mensonge, et la Voix

Souillant jusqu’au secret de l’ame

 

                                               mais il y a

le feu sanglant, la soif rageuse d’être libre

il y a des millions de sourds les dents serrées

il y a le sang qui commence à peine à couler

il y a la haine et c’est assez pour espérer.

4 Commentaires

  1. De la dignité! De la ferveur, de l’ébullition, de l’explosion même, mais de l’équilibre d’autant plus! Plutôt que de haine, c’est d’indignation que je préfère parler, l’art de savoir déchirer ses vêtements à pleines poignées quand le Mal tombe sur la terre pour se répandre ainsi qu’une normalité nouvelle. C’est le sens de l’indignation que nous avons perdu, c’est le mode d’être que nous ne voulons plus assumer. Et pourtant c’est par un mouvement indignation porté à la constance et à la hauteur de la plus intense et de la plus limpide méditation que commence le phénomène plus connu sous le nom de judaïsme. C’est par un vomissement de l’humanitude normale et normatrice qui s’habitue à de toujours pires nouvelles normales, c’est par un mouvement d’anthropoémie pour prendre l’heureux terme grec formé par Claude Lévi-Strauss (Tristes Tropiques) que le coup d’arrêt non peut-être pas total, non peut-être pas immédiat, mais décisif au regard de l’éternité est porté à l’anthropophagie, la tendance des hommes sans qualité à l’entre-dévorement. C’est par la découverte de l’immonde que le monde à venir put poindre à l’horizon. C’est par le vomissement de l’humanitude, de la barbarie à langage humain que la notion d’humanité, loin d’être battue en brèche comme clament les chiens, vint au monde. Il est des époques de merde où il ne s’agit plus que de déchirer et de détruire pour faire que la vie suive son cours et soit autre chose qu’un suicide lent.

    Qu’on ne me taxe point ici d’exclusivisme culturel : dans la haute culture sanscrite, le mantra de la prise de conscience première est « ark », racine lexicale qui signifie aussi l’électricité cosmique en général mais plus particulièrement l’électricité du système immunitaire des êtres vivants. On peut le plus légitimement penser à un arc électrique d’éclairage de feu de rampe, mettant en lumière la ténèbre même de l’espace scénique, de l’espace où évoluent les acteurs du monde au milieu de tout son bataclan, la Maya. Mais la prononciation conforme aux règles de ce mantra est bien plutôt « eeurk », le son du haut-le-coeur, ce haut-le-coeur qui seul prolongé avec la persévérance et la maîtrise voulue se fait élévation du coeur, du coeur contrôlé par la raison et pour la raison, du coeur miroir du ciel, du coeur de droite. Certes l’Univers a un moteur premier dont l’électricité est la haine, mais cette même électricité pour ne pas emporter son homme sur la trajectoire des simples bêtes féroces frustrées des fruits désirés, pour le raccorder à l’arbre fruitier même de ce moteur premier, doit se faire indignation et non plus haine. De la haine à l’indignation il y a la distance qualitative séparant le graphite des crayons vagabonds du diamant des vers éternels. L’indignation devant le spectacle insoutenable de la réalité, non pas la haine de quoi que ce soit de trop particulier dans la réalité, est la condition sine qua non de l’accès à la moindre vérité, tout comme le raccordement à l’arbre moteur et non la manducation de trop de fruits en particulier est la condition sine qua non de la gratitude pour la moindre tranche de vie. À la vie!

  2. Est-ce vraiment le moment de lancer un appel à la haine ?? Des familles sont en deuil. La France est en deuil. L’émotion est là, qu’on le veuille ou non. Les prises de décision sous le coup de l’émotion sont le plus souvent les moins fructueuses. Prenons le temps de la réflexion avant de jouer au va-t-en-guerre.

  3. Vous êtes complètement fous. Ce qu’il ne faut absolument pas faire c’est se laisser aller à une justice expéditive et sacrifier nos valeurs. Le plus grand risque est la guerre civile et les premier à enfermer sont ceux qui nous y pousse comme vous le faites.