Paolo Sorrentino fait de « beaux films ». Ce que l’on retient de ses films, avant tout, avant l’histoire même, c’est leur élégance absolue, mêlée de quelques pointes de kitsch, voire de vulgarité. Malencontreusement, si l’élégance y est souvent l’attribut des hommes (de vieux beaux sur le retour), les personnages féminins, eux, ne sont pas élaborés avec la plus grande des finesses… Youth, montré en Sélection officielle à Cannes, semble en être la preuve.

Le réalisateur nous vend l’histoire de deux amis de 80 ans, l’un chef d’orchestre mondialement célèbre, à la retraite, et l’autre réalisateur en panne sèche. Ils passent l’été dans un luxueux hôtel, entre la maison de retraite et la cure de désintox, où l’on croise un Maradona obèse et à bout de souffle, ou encore un ersatz de Johnny Deep.

Le film est une ode à la vieillesse, ponctuée d’un humour mordant (si l’on en croit la salle hilare). Le casting est impressionnant : Michael Caine et Harvey Keitel incarnent le duo principal, auquel s’ajoutent Rachel Weisz et Jane Fonda (qui, pour les trois minutes où elle apparaît dans le film, a été bien gentille de s’être déplacée jusqu’à Cannes…)

Comme La Grande Bellezza, Youth évolue sans véritable scénario. Les deux films partagent ce personnage d’homme âgé qui, face à la vacuité, s’interroge sur son passé glorieux. Or, dans le précédent film de Sorrentino, la beauté de Rome et le cynisme du personnage principal sauvaient largement les meubles. Avec Youth, se voulant plus léger, les anecdotes se déroulent les unes à côté des autres et ne parviennent pas tout à fait à nous passionner. Sont abordées des thématiques sur lesquelles nous ne nous attarderons pas ici : la vieillesse, la fuite du temps et des souvenirs, l’amitié, la célébrité…

D’autant qu’il est bien difficile de se passionner pour les petits soucis de prostate de ces messieurs, quand on subit, tout au long du film, une atmosphère phallocrate des plus agaçantes. Le seul personnage féminin que l’on voit plus de deux scènes, la fille de Michael Caine interprétée par Rachel Weisz, se fait quitter par son mari (parti avec une chanteuse de variétoche inconsistante) parce qu’elle n’était « pas assez bonne au lit ». Dans cette épreuve, elle ne peut pas compter sur son père, qui a lui-même accumulé les maîtresses toute sa vie. Il semble alors que le mécanisme de l’épouse victime et trompée se reproduise de mère en fille.

Parmi les autres femmes vivant à l’hôtel, on trouve pêle-mêle une très jeune prostituée qui fait des clins d’œil désespérés au vieux Harvey Keitel, des clientes en niqab, une masseuse qui confesse : « Je n’ai jamais rien à dire »… La cerise sur ce gâteau étouffant est la nouvelle pensionnaire de l’hôtel, Miss Univers (!), qui n’apparaît qu’à deux reprises : une fois pour nous montrer qu’elle est inculte, puis une deuxième fois pour être exhibée nue devant les deux vieillards transis à la piscine.

Paolo Sorrentino a encore une fois produit un « beau film », abordant avec grâce le passage du temps. Mais sous cet élégant vernis, les personnages féminins sont envisagés comme de simples divertissements des sens, esprit bunga-bunga.

Qualifié de « macho-gériatrique » par The Guardian, le film affiche une complaisance avec des hommes âgés qui ont exercé une position de pouvoir toute leur vie et souhaitent simplement « se rincer l’œil », sous prétexte de profiter de leur fin de vie en appréciant les belles choses…

Cependant, avec un Michael Caine pince-sans-rire, jouant avec brio la partition de l’auto-dérision, et un titre aussi ironique (« youth » signifie « jeunesse »), nous espérons que cette perception des femmes d’un autre temps ne soit qu’un rouage de plus dans la machinerie second degré du réalisateur.

Malgré quelques sifflements en projection presse, le film a cependant de sérieuses chances d’obtenir la Palme d’or.


youth-affiche Youth (La Giovinezza)
Réalisé par Paolo Sorrentino
Avec Michael Caine, Harvey Keitel, Rachel Weisz, Jane Fonda
Date de sortie : septembre 2015