Fernando Arrabal a vu Hôtel Europe. Le jeu de Jacques Weber fait resurgir de grandioses souvenirs théâtraux chez le célèbre dramaturge.

En voyant et en écoutant Weber à l’Atelier je me suis souvenu de la sublime truie incarnée à Tokyo par l’académicien du Kabuki,

et de Madeleine Renaud enterrée, à Paris, jusqu’au cou dans «Oh les beaux jours» de Beckett,

et de Nuria entendant le cri de «Viva la muerte»,

et de María-Jesús Valdès interprétant seule sur scène «Lettre d’amour», accomplissant le miracle,

et d’Helena Brecht plumant un coq vivant, plume à plume, jambes à l’air, sur un tabouret à trois pieds,

et d’Orna Porat à l’Habimah de Tel-Aviv, et au National de Bucarest, « Lettre d’amour »,

et de Victoria Cocias, messagère roumaine de l’amour pour ma propre mère,

de Grotowski constant avec le prince,

et de Carmelo Bene parmi ses caprices de dame des anges,

et de Tom O’Horgan sur l’île de la Mama entre l’architecte et l’empereur,

et de Victor García à genoux avant de finir d’accoucher,

et de Kantor faisant la classe aux morts,

et de Ronconi avec ses chars dans les nuages et le cerveau,

et de Miwa travesti par Mishima et mon «Grand Cérémonial»,

et de Mariangela Melato et sa furie avec Orlando,

et de Ruth Escobar au balcon de ma «Tour de Babel»,

et du derviche sans sourd-muet mais avec Bob Wilson qui à sept heures du matin nous avait secoué la tête et l’imagination à Spring Street,

Weber, avec les clefs du château, s’empare de l’espace, du temps, du silence, de l’air, du son, de l’odeur, de la lumière, de l’eau, du rythme, du firmament, du puits, de l’infini, du hasard, de l’art, des images et de l’image. Dans les méandres ondoyants et divers. Dans la rigueur mathématique de la confusion.

Après le spectacle on a fait les présentations. Jacques Weber m’a dit:
— Vous êtes Fernando Arrabal?
— C’est mon grand-père, ai-je répondu en souriant.
— Savez-vous que lorsque j’étais un gamin nous nous sommes vus et serré la main. Il y a quatre cent vingt-sept ans et des poussières. Vous m’avez flanqué une vraie raclée. En jouant aux échecs en simultanée contre trente adversaires.

Si j’avais été un ami de Weber, bien entendu je n’aurais pas écrit ce dithyrambe. Si mérité.

HOTEL EUROPE

De Bernard-Henri Lévy
Avec Jacques Weber
Mise en scène : Dino Mustafic

Jusqu’au 3 janvier 2015

MARDI AU SAMEDI 20h30
DIMANCHE – MATINÉE 15H30
Durée de la représentation : 1h45

Au Théâtre de l’Atelier
1, place Charles Dullin
75018 Paris

RÉSERVATIONS : 01 46 06 49 24

www.theatre-atelier.com