Les analogies entre football et combat guerrier ne manquent pas dans l’histoire, ne serait-ce que par le vocabulaire, mais cette Coupe du Monde brésilienne, avec l’élimination précoce d’un nombre exceptionnel de têtes de série, nous renvoie à quelques fondamentaux de stratégie.
Prenons pour exemple les défaites récentes et quasi concomitantes de l’Italie et de la Côte d’Ivoire. Il suffisait à chacune de ces équipes d’un match nul pour se qualifier en huitième de finale. Or, l’une et l’autre ont perdu. Contre toute logique. Pourquoi ?
Le scénario des deux matchs est identique : qualifiées par le 0-0 au coup d’envoi, elles finissent toutes deux par prendre le but assassin dans les dix dernières minutes. L’erreur – et la démission immédiate de Cesare Prandelli en atteste – c’est d’avoir voulu préserver le score minimum nécessaire à la qualification. En faisant sortir des joueurs à vocation offensive avant la fin du match – dans un cas Drogba et Gervinho, dans l’autre Balotelli et Verratti – les coachs respectifs ont commis une faute stratégique. On ne gagne pas une bataille en se repliant. Sortir les hommes capables de porter l’estocade et les remplacer par des défenseurs c’est oublier la portée psychologique du geste. Pour l’adversaire, c’est un aveu de faiblesse. La preuve qu’on n’a pas la volonté, donc la capacité, de gagner. La conséquence, car le champ de la bataille footballistique est fait de confrontations directes, d’interactions autant que d’actions, c’est naturellement pour le faible supposé un regain de confiance inespéré, moins d’efforts à faire puisque le front de l’attaque est abandonné par le fort à la faveur d’un bloc défensif, l’idée donc que la victoire de ce « faible » est finalement possible. Ce qui advient, dans la grande majorité des cas, et l’Italie en a fait l’amer constat. Même avec un Balotelli peu inspiré, même avec un Verratti fatigué, la Squadra Azzura aurait préservé ses chances car maintenu sa menace. Et c’est vrai plus encore pour la Côte d’Ivoire avec Gervinho. L’Argentine, après des débuts poussifs, l’a bien compris. Dans leur dernier match de poule contre le Nigéria, exposés au risque de perdre leur première place – ce qui les aurait conduit à affronter des Bleus désormais redoutés – Messi et ses coéquipiers n’ont jamais renoncé à la victoire, malgré un adversaire beaucoup plus conquérant que la Grèce ou l’Uruguay. Ce faisant, ils ont obtenu ce qu’ils espéraient : la tête de leur poule et un huitième à leur portée contre la Suisse.
Malgré un dernier match laborieux et sans réussite, les Français sont parvenus au même résultat en maintenant une pression constante sur le but équatorien alors même qu’une défaite les qualifiait. C’est tout à la faveur de Didier Deschamps qui a compris depuis longtemps que le football est un sport collectif, qu’une équipe repose sur une vingtaine de joueurs qui joue ensemble et en même temps plutôt que d’attendre d’une star capricieuse et toujours vulnérable des exploits renouvelés et, enfin, qu’on ne gagne jamais sans marquer de buts. Comme le dit justement l’expression populaire : la meilleure des défenses, c’est l’attaque. Ce Mondial le prouve, et même l’Italie finira par l’admettre.

2 Commentaires

  1. Effectivement, quel dommage pour l’Italie qui dans les rares phases de jeu où elle se mit à jouer véritablement au ballon, a prouvé que ses joueurs avaient largement les capacités de faire trembler et de dominer, voire d’écraser cette pâle équipe d’Uruguay. Espérons qu’après s’en être mordu les doigts, cette défaite sonnera le renouveau du footyball italien dont les spectateurs se lassent de la stratégie défensive dite du catenaccio.

  2. Excellente analyse, Marc, qui vaut pour d’autres domaines que le foot, y compris l’action culturelle.
    OL