On parle, depuis hier, exclusivement du Front national.

Les éditorialistes, sensationnalistes et paresseux, en profitent pour clamer – ou dénoncer, on ne sait plus très bien – le fait que le FN, qui a obtenu moins d’élus et de maires aux municipales que l’UMP, le PS, le FDG, l’UDI et le Modem, serait soudainement devenu, en considération d’une unique élection qui a, par deux fois, célébré Philippe de Villiers au-dessus de 10% et qui a permis à Bernard Tapie d’effleurer les socialistes, le premier parti de France. Ils profitent aussi de l’opportunité pour pointer que les politiques et les médias se trompaient depuis le début, que la diabolisation et la décrédibilisation du FN sont des armes bien inefficaces, et qu’il faut donc cesser de les utiliser – discours répété depuis bien longtemps, discours qui n’est d’ailleurs jamais suivi d’effets, discours qui est même odieusement simpliste et prétentieux, tant il y a réellement à dire sur la haine et l’incompétence du Front national aujourd’hui, tant ce genre de débat n’a aucun sens : est-il si pénible de montrer le Front national tel qu’il est, avec l’objectivité nécessaire et l’indignation inévitable, plutôt que de le dénoncer a priori, sans jamais le révéler ?

L’élection européenne, pourtant, ne se réduit pas au score certes frappant du FN – score d’autant plus frappant qu’il ne frappe justement plus la société, qu’il continue de nous secouer en tant qu’individus, mais plus en tant qu’individus politiques –, au score certes historiquement bas du PS et à celui certes presque divisé par deux des écologistes. L’élection ne se réduit pas non plus aux difficiles additions que propose Copé pour le score de l’UMP et des centristes, même si ceux-ci, réunis, obtiennent un score supérieur d’un seul pour-cent au seul Modem en 2009 ; ou à celles que Copé suggère pour les comptes de l’UMP depuis ce lundi.

L’élection européenne se résume encore moins aux débats sur la construction européenne – bien trop épuisants, qui ne méritent que d’être caricaturés en : pour ou contre l’Europe ; pour ou contre l’euro ; pour ou contre Schengen –, qui lui sont, on l’a bien vu, complètement étrangers. Elle ne concerne pas davantage les résultats européens, dont personne ne semble se soucier.

L’élection européenne est surtout, pour celui qui cherche un peu de gaieté – ce qui, en prenant en compte le nombre des seuls abstentionnistes, représente pas mal de monde – l’élection à laquelle se présente plusieurs petits mouvements, qui ont le mérite d’entretenir une démocratie peut-être enlisée, sclérosée, distante, mais toujours en vie, qui permet aux 32 heures de Nouvelle Donne et à Cannabis sans Frontières de se présenter aux élections, à Christine Boutin – soutenue dans certaines circonscriptions par le Parti de la France de Carl Lang, qui a quitté le Front national à cause de Marine Le Pen et de la ligne mariniste du Front, qu’il jugeait trop modérée –, aux défenseurs de la langue espéranto et de la démocratie très directe, du vote blanc et de la décroissance, d’un baccalauréat européen et de la monarchie, de se candidater de même.

Ces listes et ces partis, dont certains ont une pensée, un programme construits quand d’autres restent amateurs, s’ils ont souvent étés ignorés dans les médias alors que ceux-ci n’hésitent pas à dénoncer des débats trop figés, ont cependant, pour chacun d’entre eux, le mérite de nous rappeler la vitalité de l’Europe, des idées qu’elle engendre, et, pour un certain nombre, de nous apporter un peu d’amusement et même d’humour, comme le Pffft.