Les événements survenus à Kiev sont terrifiants. Après plusieurs semaines de « profil bas », le président Ianoukovitch a décidé d’utiliser la force pour en finir avec la révolution populaire. Pourquoi maintenant ? Le prétexte est banal : une foule de manifestants se dirigeait dans la matinée du 18 février vers la Rada pour exiger que soient adoptés des changements constitutionnels réclamés depuis des mois par l’opposition, et la police a commencé par des actions contre cette foule.

En réalité,  il existe plusieurs indices concordants qu’il s’agit d’une opération soigneusement préparée par les forces spéciales ukrainiennes avec le concours de leurs confrères russes. Or, comme Vladimir Poutine a maintes fois déclaré que la Russie ne faisait pas d’ingérence dans les affaires de son voisin ukrainien, il a fallu que l’acheminement des spetsnaz russes aguerris dans les opérations en Tchétchénie ou en Géorgie soit discret. Apparemment, à la date du 18 février 2014, la quantité des combattants russes se trouvant sur le sol ukrainien et portant un uniforme ukrainien fut considérée  suffisante pour lancer une attaque contre le peuple du Maïdan. Plusieurs observateurs sur place pensent que les berkut (forces spéciales ukrainiennes) n’auraient jamais lancé une opération de cette envergure et de cette cruauté sans l’assistance russe.

Traduction : "Vous dites qu'ils (les assaillants armés) n'ont pas d'insignes qui permettent de les identifier? Mais on voit le petit drapeau russe sur leurs uniformes!"
Traduction : « Vous dites qu’ils (les assaillants armés) n’ont pas d’insignes qui permettent de les identifier? Mais on voit le petit drapeau russe sur leurs uniformes! »

En effet, très rapidement, le métro ainsi que des passages souterrains (pour traverser les grandes artères de la capitale) furent fermés au public à cause d’une  « menace terroriste ». On a privé donc la population de Kiev de la possibilité de se rendre au centre ville, en particulier, depuis des quartiers éloignés. Parallèlement, les forces spéciales ont demandé aux manifestants massés sur le Maïdan de se disperser, car « une opération antiterroriste » était en cours. En clair, aux yeux des autorités, les manifestants qui, depuis trois mois, réclament que l’Ukraine devienne un Etat bâti sur des valeurs européennes  et abandonne des pratiques corrompues et mafieuses du régime actuel ne sont rien d’autre que de dangereux « terroristes ».

Depuis la soirée du 18 février, la ville de Kiev est par ailleurs coupée du reste du pays, pour empêcher l’arrivée de tout renfort pour l’opposition. Près de 20 000 personnes massées sur le Maïdan se sont trouvées prises au piège. Ces gens ne peuvent plus quitter la place sans être arrêtés, blessés ou tués à la sortie. Le QG de l’opposition, la Maison des syndicats qui donne sur le Maïdan, a brûlé dans la nuit. Selon la police, le bâtiment aurait été incendié par les opposants eux-mêmes pour occulter la présence d’un entrepôt d’armes et d’explosifs.  Bien entendu, cette affirmation infondée ne sert qu’à renforcer  la thèse « terroriste ».

Les opposants résistent comme ils peuvent : des pavés, des cocktails Molotov, peut-être, quelques fusils de chasse… Ils ont contre eux des blindés, des armes et surtout, le savoir-faire des professionnels du combat contre la population civile. On compte à l’heure où j’écris ce billet 25 tués et plusieurs centaines de blessés dont beaucoup de blessés graves. Les hôpitaux de Kiev sont totalement débordés. Cela s’appelle un massacre.

Désormais, Viktor Ianoukovitch s’est engagé sur la même pente glissante qui fut celle de Saddam Hussein, de Mouammar Kadhafi et de Bachar el-Assad, à n’en nommer que quelques-uns. C’est la pente des dictateurs qui ordonnent de tirer sur leur propre peuple. Ianoukovitch a beaucoup de sang sur ses mains, il sait qu’il ira en prison pour ses crimes s’il est renversé, c’est pourquoi il se cramponnera au pouvoir à tout prix (y compris celui de vies innocentes) pour éviter le sort peu enviable d’un dictateur déchu.  Si les dirigeants européens et américains ne mettent pas en route des sanctions nominatives contre le président Ianoukovitch en personne et les responsables de la police ukrainienne, l’Ukraine va se transformer en un brasier. C’est en quelque sorte le même scénario qu’en Syrie où, à cause du véto russe, le pays s’est retrouvé plongé dans le chaos meurtrier. Ce scénario est certainement voulu par le « grand frère » russe, mais il sera catastrophique pour le peuple ukrainien. Ce peuple qui défend, au prix de la vie de ses meilleurs représentants, les valeurs morales de l’Europe mérite notre soutien.

Manifestation jeudi 20 février pour les morts et blessés en Ukraine

Le Collectif Euromaidan Paris annonce un rassemblement :

Jeudi 20 février 2014, de 17h30 à 19h00

A côté du Ministère des Affaires étrangères

A l’angle des rue de Constantine et rue de l’Université, métro Invalides