Depuis des mois la campagne de vaccination proposée par les Nations-Unies qui vise 165 000 enfants de moins de cinq ans contre la terrible maladie est bloquée au Sud-Kordofan et au Nil Bleu. Le 5 décembre dernier le représentant de la France au Conseil de Sécurité a alerté sur cette situation.

De nombreux cas ont été détectés ces derniers mois dans différents pays de la Corne de l’Afrique. L’OMS et l’UNICEF s’inquiètent à juste titre d’une flambée épidémique dans la région.

La poliomyélite est une maladie virale très contagieuse qui s’attaque aux motoneurones de la corne antérieure de la moelle. Elle paralyse définitivement les muscles et peut entraîner la mort ou des séquelles graves. Le virus touche surtout les jeunes enfants mais une vaccination précoce peut éviter la maladie.

Pour qu’un programme de vaccination soit bien mené, il faut que les vaccinateurs se déplacent de maison en maison et administrent quatre doses à chaque enfant sur une période de six à douze mois. Or pour que les agents de santé puissent atteindre les enfants, il faut un minimum de sécurité pour leurs déplacements. Comment circuler sous les bombardements ? Impossible de se mettre à l’abri longtemps car pour garder l’efficacité des vaccins, il faut absolument maintenir la chaîne du froid.

Le communiqué des Nations-Unies laisse entendre que la responsabilité de cette situation est partagée entre les deux camps ennemis. On comprend bien que l’ONU qui a besoin de la coopération de Khartoum pour ses programmes ne puisse lancer une accusation frontale à son encontre. Mais depuis qu’en 2011 a commencé le conflit entre le gouvernement soudanais et les opposants du SPLM*, l’aide humanitaire est interdite au Sud-Kordofan et au Nil Bleu. Khartoum se refuse en effet à laisser passer toute forme de secours aux civils. Et ce malgré les bons offices de l’ONU, de l’Union Africaine et de la Ligue Arabe qui se sont portées garantes de la destinée uniquement civile de la nourriture et des médicaments. Le harcèlement et l’entrave de l’aide fait partie de la stratégie militaire du régime pour épuiser les populations dans l’espoir qu’elles rejettent les rebelles. Au Darfour cela fait plus de dix ans que cette option échoue… Au fond la vie des enfants soudanais importe peu aux gouvernants soudanais. D’ailleurs les plus éminents d’entre eux, en premier le président Omar El Béchir, sont poursuivis par la Cour Pénale Internationale pour les atrocités qu’ils ont fait subir à leurs compatriotes habitant le Darfour. Quelle pitié !

Dr Jacky Mamou, pédiatre, président du Collectif Urgence Darfour

*Sudan People Liberation Movement