Qui êtes-vous Fatym Layachi ? Quel est votre parcours ?

Je suis une actrice marocaine, j’ai fait le Cours Florent ainsi que des études de Lettres à Paris. J’ai ensuite voyagé puis je suis revenue au théâtre avec le metteur en scène Jaouad Essounani. Récemment, les sollicitations se sont enchainées entre la France et le Maroc.

Par deux fois au moins, vous avez défrayé la chronique en posant habillée en homme en une d’un magazine masculin marocain puis en vous affichant, allongée dans une décharge, pour protester contre les désirs d’encadrement de l’Art par le parti islamiste PJD. Racontez-nous…

En ce qui concerne la photo pour le magazine masculin, il n’y a rien de bien méchant à la base. Nous avons discuté avec Othman Zine, le photographe, pour jouer sur la dualité masculin-féminin. A la sortie du magazine en kiosques, il y a eu plusieurs réactions énervées sur Internet. Cela me surprend toujours…

Et l’épisode de la décharge[1] ?

Là, c’est en réaction à une « charmante » déclaration de l’un de nos ministres qui expliquait qu’il était en faveur de l’expression d’un art et d’une culture propre, chose que nous sommes nombreux à avoir trouvé absolument aberrant. C’est grave, cela rappelle de tristes heures de l’histoire. L’art propre sous-entend qu’il y aurait un art sale. On est proche de la notion hitlérienne d’art dégénéré. D’où la réaction du photographe Othman Zine, un projet de six photos mettant en scène des artistes autour de la notion d’Art sale. J’avais adoré ce projet qui, pour le coup, est important, non seulement en tant qu’artiste mais surtout en tant que citoyenne[2]. L’idée ici est proche d’une phrase de Brecht lue il y a quinze ans, tagguée sur un mur : «Si tu ne participes à la lutte, tu participes à la défaite». Quinze ans après, je la trouve toujours aussi vraie…

 

Quel regard portez-vous sur la société marocaine d’aujourd’hui ? N’assiste-t-on pas, depuis quelques mois, à un sursaut démocratique ?

Si il y a bien une chose qui a changé avec ce que les médiaux occidentaux nomment le «Printemps Arabe», c’est que le mur de la peur a été ébréché. On le voyait lors des manifestations du 20 février et on l’a par la suite constaté pendant l’été : c’est au nom de la dignité que les gens sortent désormais dans la rue. L’affaire de la grâce accordée au pédophile Daniel Galvan, horrible affaire, est intéressante : les marocains n’ont rien lâché. Le Roi a pris acte de la contestation populaire, c’est un fait inédit, une des premières fois que nos voix sont écoutées…

Propos recueillis par Laurent-David Samama


[1] http://www.lemag.ma/Fatym-Layachi-s-allonge-dans-la-crasse-pour-denoncer-l-art-propre-prone-par-le-PJD_a61413.html

[2] On peut lire le manifeste « La Culture est libre et doit le rester » du collectif Culture Libre ici