Il y a encore quelques mois personne ou presque n’avait entendu parler, en France, de Hassan Rohani. En Iran non plus. L’homme est pourtant sorti vainqueur dès le premier tour, avec 50,68 % des voix, de l’élection présidentielle qui vient d’avoir lieu. La constitution iranienne interdisait à Ahmadinejad, le président sortant ultra-conservateur, de se représenter au terme de deux mandats. Le pays est au moins débarrassé d’un fou furieux mystique qui niait la Shoah et avait trouvé ici de solides alliés en la personne du négationniste Faurisson et de son compère Dieudonné (ainsi que dans une bonne partie de la pire extrême droite française), d’un conspirationniste délirant qui avait affirmé que les Occidentaux vidaient de leur gouttes de pluie les nuages survolant le territoire national afin d’y provoquer la sécheresse.

La dictature des mollah a ceci de particulier qu’elle est sous l’autorité institutionnelle d’un Guide suprême non élu, en l’occurrence Ali Khamenei, mais qu’elle autorise des élections. Lesquelles peuvent être truquées si nécessaire, comme ce fut le cas en 2009 afin d’assurer la réélection d’Ahmadinejad contre son principal rival, Mir Hossein Moussavi, qui avait cristallisé les voix d’une majorité aspirant à la fin du régime théocratique. Ce vol électoral avait déclenché plusieurs mois de contestation, avec des millions de manifestants affrontant courageusement une répression d’une rare brutalité : le Mouvement vert annonçait à sa façon le Printemps arabe qui allait bientôt éclore en Tunisie puis au Moyen-Orient.

La présidentielle qui vient de donner une victoire inattendue à Hassan Rohani témoigne de la persistance de l’opposition à la mollahcratie. La jeunesse et les classes moyennes urbaines éduquées se sont saisies de sa candidature afin d’exprimer leur rejet d’un pouvoir étouffant, obscurantiste et incapable d’assurer un développement économique équilibré. Les autres candidats considérés comme modérés ou réformateurs n’ayant pu se présenter – car récusés par le Conseil des gardiens de la Constitution – ou s’étant retirés, l’ancien négociateur en chef du dossier nucléaire iranien avec l’Union européenne s’est retrouvé, peut-être malgré lui, l’expression des votes d’opposition.

Celui qui occupera officiellement la fonction présidentielle à partir du 3 août est pourtant loin d’être un contestataire. Il est considéré comme un «conservateur modéré», ce qui doit se décoder comme : fidèle au Guide suprême mais conscient de la nécessité de réformes. Mais de quelle latitude jouira-t-il sur les dossiers majeurs auxquels est confrontée la grande puissance régionale dont il ne sera que le numéro 2 derrière Ali Khamenei ? Il sait que les sanctions occidentales prises pour contrer la marche iranienne vers l’arme atomique plombent l’économie nationale. Il vient cependant d’annoncer qu’il ne serait pas question de renoncer aux «droits nucléaires» de son pays. Conviction politique ou concession tactique face aux durs du régime ? Rohani avait obtenu en 2003 du numéro 1 l’arrêt de l’enrichissement d’uranium, ce qui l’avait fait apprécier des négociateurs occidentaux. S’il est réellement hostile à la construction de l’arme nucléaire, il lui faudra habilement manœuvrer pour ne pas se retrouver en contradiction frontale avec le Guide suprême.

Autre sujet chaud, la Syrie. Le nouveau président maintiendra-t-il le dispendieux soutien total iranien à Bachar al-Assad ? L’aide financière apportée au régime sanglant qui tente d’écraser depuis 25 mois une insurrection en passe de tomber sous la coupe des intégristes sunnites se chiffre en milliards de dollars. L’Iran a besoin de conserver la Syrie dans sa zone d’influence. Mais la défense absolue de la dictature Assad n’est pas que coûteuse financièrement : elle a valu à Téhéran de perdre le leadership islamiste sur le monde arabo-musulman, leadership bâti depuis Khomeni en dépit de la fracture entre chiisme et sunnisme. L’affrontement entre les deux principales branches de l’islam est désormais devenu une guerre ouverte sur le territoire syrien. L’internationale anti-occidentale sous la houlette de la Russie mise sur la victoire d’Assad, appuyé militairement par le Hezbollah, force chiite libanaise aux ordres de l’Iran. Mais rien n’est moins sûr. Le sort de la révolution syrienne n’est pas scellé : si l’appui militaire occidental promis finit enfin par se concrétiser, elle peut s’avérer victorieuse. Hassan Rohani poursuivra-t-il le soutien jusqu’au boutiste de son prédécesseur à un allié menacé dont la chute nuirait gravement à la santé politique de la grande puissance chiite ? Mais là encore, quoi que souhaite le président, il lui faudra faire avec les décisions du Guide suprême.

Reste la question d’Israël. Il y a quelques jours, le Hamas, branche palestinienne des Frères musulmans (sunnites), rappelait publiquement au Hezbollah que sa tâche principale se devait d’être le combat contre «l’entité sioniste» plutôt que l’intervention contre les rebelles syriens. La République islamique d’Iran a tellement de fers au feu qu’elle a du mal a se maintenir sur tous les fronts. Si Rohani est avant tout préoccupé, comme il l’a plusieurs fois laissé entendre, de permettre à son pays de retrouver une place au sein la communauté internationale, il peut tenter de l’engager sur la voie d’un relatif apaisement avec l’Etat hébreu. Le voudra-t-il ? Le pourra-t-il ? A Tel-Aviv on s’en tient sagement à «Wait and see». Mais tous ceux qui ont voté pour Rohani dans l’espoir d’un changement, tous ceux qui sont descendus dans la rue en 2009, tous ces Iraniens qui aspirent à la démocratie et à la liberté, voudront-ils calmement attendre pour voir ce qu’il va se passer ? Ce n’est pas certain. Le Printemps arabe va peut-être retrouver un nouvel élan… perse ! Nous l’espérons.

3 Commentaires

  1. Pour finir, c’est un roi perse qui permet aux Hébreux de retourner vivre sur la terre où s’enterre la pierre de touche du temple de cette chose énervante dans un premier temps, et qui avec le temps en devient étonnante, et puis tout de même, un tantinet fascinante, je parle évidemment de leur Dieu, qu’ils n’ont jamais vu et persistent à servir, tout en sachant qu’ils ne Le verront jamais. Le fils du Grand Roi, devenu «Grand Roi» lui-même, tardait à honorer la promesse de son père, à savoir faire acheminer à Ieroushalaïm les matériaux requis pour la construction du Second Temple, qui n’est pas la reconstruction du Premier. On ne revient pas sur ce qui a été fait. Et le Temple de Shelomo connaîtra, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus âme qui vive pour le reconnaître, la destruction de la main du Babli. Et il faudrait attendre la conquête perse de Babèl pour qu’un roi d’une autre dimension s’affranchisse de la dette qu’il avait envers une minorité dont la grandeur de sa conscience, je fais bien allusion à la conscience du roi, lui faisait estimait la valeur. N’oublions pas que la Perse, en ce temps, constitue le plus grand empire du monde connu. Ce sont donc les États-Unis d’Amérique de l’époque qui vont soutenir le retour des Hébreux sur leur terre. Comme c’est étrange? La plus puissante des nations qui non seulement ne craint pas le tout petit peuple du Livre, mais va aller jusqu’à financer la restauration de son seul lieu de culte. Il y a aussi un étrange mécanisme à l’œuvre dans la mémoire de cette Histoire. C’est au pays où Mordekhai refusait de se prosterner devant les idoles de pierre qu’Ezra et Nehèmyah feront reconnaître le droit des Hébreux à être en tant que peuple, en tant que peuple de Dieu, en tant qu’unique peuple du Dieu unique. Ainsi, la reconnaissance par les enfants du royaume juif de l’antériorité de l’allié perse sur l’allié états-unien induit à la reconnaissance par les enfants du royaume perse de l’antériorité du monothéisme hébraïque sur le monothéisme islamique. Les mots de Karol Wojtyla à un Avi Pazner incapable de dissimuler son frisson de mouton noir égaré dans l’Église d’Edôm me sont venus et me reviennent : «Vous êtes ici chez vous davantage que moi.» J’ignore si le Grand Roi eût parlé comme un pape âgé de trois mille ans. Ce que je sais en revanche, c’est qu’il agit comme tel. Oui, mes amis… Rtachschaça était sioniste. Le Grand Roi perse fut un sioniste et il fut un grand roi. Une ironie de l’iranité. Comment ça? L’humour ne serait plus l’apanage des Juifs?

  2. On peut cesser de vociférer ce que l’on continue de hurler en silence. Ne plus mot dire ne suffit pas. Les Iraniens ont beaucoup à se faire pardonner. Qu’ils commencent déjà par se tourner vers ceux desquels ils se sont détournés pleins gaz. Qu’ils répandent plus profondément que Hamân ne sut communiquer sa haine l’amour qui les unit à Mordekhaï et à Èstér. Qu’ils implorent éplorés la clémence du successeur de Marduk et d’Ishtar. Qu’ils aillent clamer et proclamer leur admiration pour ce miracle de résilience qu’on appelle Israël. Qu’ils substituent à la «tumeur par l’ethnie» la formule de «guérison par l’esprit» si chère au Rambam. Et pour lesdits hommes qui arguent que je diffame dès l’instant que je dis «les» en parlant des beaux sourires qui traînent les dents devant l’ordre qui s’intime de colmater les rayures dont on amoche le Parquet, qu’ils me démentent maintenant! Qu’ils mettent à profit les territoires de liberté que mon démon leur offre pour s’adresser à Israël et aux Juifs au nom de leur patrie! Qu’ils sauvent l’honneur et la face d’Ahashvérosh. Les Iraniens peuvent aimer la judéité. Ils l’ont déjà prouvé au moins une fois. Les Iraniens peuvent épargner aux Juifs un nouveau désastre s’ils ont été les premiers à les sauver de l’extermination. Un beau rouleau qui nous a bien roulés? Eh bien, déroulons-le aussi rouge que possible et allons y tremper nos pattes de velours. Le royaume final se rapproche de ceux qui s’en sont approchés.