Fils de pilote pour Air Canada, ancien colonel et pilote de chasse de l’Aviation royale canadienne, le commandant Chris Hadfield jouit d’une certaine célébrité dans son pays natal. Il est en effet le premier Canadien à avoir effectué une sortie extra-véhiculaire dans l’espace, lors de l’installation du Canadarm 2 sur la Station spatiale internationale en 2006. La Monnaie royale canadienne a d’ailleurs produit des pièces de monnaie en argent et en or afin de commémorer l’évènement historique.

Le 19 décembre 2012, il s’envole à bord du module russe Soyouz TMA-07M, pour passer cinq mois dans l’espace, au sein de la Station spatiale internationale – vaisseau en orbite autour de la Terre et occupé par l’Homme depuis 2000 – en compagnie de deux Américains et de trois Russes. En mars, c’est à son tour de prendre les commandes, et ce jusqu’à son retour sur Terre, le 14 mai.
Durant sa mission, il raconte son quotidien de spationaute sur Twitter, Facebook, Tumblr et Youtube, en dehors de ses horaires de travail, de 6h30 à 18h. Les internautes avaient la possibilité de lui poser des questions et de lui proposer des expériences grâce à son fil de publication Reddit AmA. Chris Hadfield y répondait par des vidéos de quelques minutes, drôles et ludiques, à la façon d’un Fred ou Jamy de l’espace, expliquant (et illustrant) les effets de l’apesanteur. Il a également tourné des cours et des conversations avec des étudiants, dans une démarche de vulgarisation scientifique. Enfin, il poste sur Twitter des clichés à couper le souffle pris depuis la navette, toujours agrémentés d’un mot d’esprit.

Cependant, ces petites vidéos, expliquant comment se brosser les dents ou encore comment manger un sandwich au beurre de cacahuètes dans une navette spatiale, permettent-elles vraiment de se représenter le quotidien d’un spationaute ?
Derrière tout cela semble se dessiner une stratégie de communication bien huilée.

Retour sur Terre

Pour marquer son retour sur Terre, il publie le 12 mai une vidéo d’une interprétation de la chanson Space Oddity de David Bowie. Le montage a été réalisé par son fils, Evan Hadfield, avec l’aide de la chanteuse canadienne Emm Gryner. Succès immédiat.

Un article de Radio-Canada révèle pourtant que le phénomène est loin d’être dû uniquement au charisme, certes évident, de l’astronaute. L’Agence spatiale canadienne a travaillé consciencieusement pour mettre en avant la présence d’un astronaute canadien sur la Station spatiale internationale, et son service de communication s’y est préparé deux années durant.
On apprend que les interventions de Chris Hadfield ont été soigneusement choisies et scénarisées bien à l’avance. Julie Simard, conseillère principale en communication à l’ASC, a déclaré : « On sait ce que l’on veut passer comme message, on donne des directives à Chris, et lui prend les vidéos, il enregistre ses réponses et, après, nous les envoie (…) On a quelqu’un qui s’occupe du montage vidéo, on met tout ça ensemble pour que ce soit intéressant ».
L’ASC, habituée à documenter les missions de ses astronautes afin de les rendre accessibles au public, comme ce fut le cas, par exemple, en 2009, avec Robert Thirsk qui a passé six mois dans l’espace, n’a donc pas hésité à réunir une équipe de six personnes, dont trois à temps plein, travaillant sur la stratégie de communication du séjour de Chris Hadfield. On y trouve un responsable pour le contenu web, un autre pour les médias sociaux, des professionnels de la communication et même une juriste.

Dans quel but ?

« Pour la mission de Chris, cela faisait partie de notre stratégie de faire des vidéos pour rendre l’information (…) plus accessible et de passer le contenu scientifique dans ces vidéos. Cela faisait partie de notre stratégie dès le départ », explique Mme Simard.
Sous couvert de présenter la vie dans l’espace, le fonctionnement de la station internationale et les activités scientifiques du Canada, le choix des réseaux sociaux, chers aux jeunes, pour faire la promotion des avancées scientifiques ne semble pas anodin ; l’ASC saisissant ainsi une occasion d’accroître l’intérêt des jeunes pour l’exploration spatiale, voire même de faire naître des vocations. Enfin, cette démarche répond également à une tentative de développement des financements, aujourd’hui en déclin. Marc Fricker, le vice-président de la Société spatiale canadienne, une association regroupant des professionnels et des passionnés de l’espace, dresse en effet un tableau noir : « Malheureusement, le budget de l’Agence spatiale canadienne est en baisse (…) Ses gens sont en train de partir, dans certains cas, il s’agit d’un exode de masse ». Les vidéos sur Internet représentent donc une force de frappe puissante et ciblée à bas coup, qui semble fonctionner : la page Youtube de Chris Hadfield enregistre ainsi plus de 17 millions de vues.

« Non seulement il a établi un précédent pour le Canada, en devenant le premier Canadien à prendre les commandes de la Station spatiale internationale, mais en plus, il a bien sûr été un communicateur remarquable et efficace, sur Terre », dit à la CBC le député libéral canadien et ancien astronaute Marc Garneau.
Le battage médiatique autour de Chris Hadfield ne représente néanmoins pas la seule tentative d’exploitation de l’espace dans une stratégie de communication pouvant rapporter gros sur Terre…

Big Brother intersidéral

La nouvelle a tout du canular, et pourtant, une société hollandaise, Mars One, a décidé de lancer une téléréalité depuis la planète Mars en 2022. L’annonce a été faite officiellement à New York le 22 avril dernier. Le principe de ce voyage pour les participants : il s’agit d’un aller simple vers la planète rouge !
La perspective de vivre sur Mars tout en étant filmé 24h sur 24 pour le restant de ses jours ne semble cependant pas avoir découragé les audacieux et autres illuminés… Tandis que la société recherche vingt-quatre volontaires, six groupes de quatre, qui seront envoyés sur Mars à deux ans d’intervalle, le nombre de candidatures s’élève déjà à plus de 80 000 !
Notons que, à son arrivée sur Terre, l’astronaute moustachu, qui peut se targuer d’être suivi par près d’un million d’abonnés sur Twitter, a confié s’être senti comme un « rat de laboratoire humain »…

Pour suivre Chris Hadfield…

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Sur la page Youtube de l’Agence spatiale canadienne