J’avais laissé Sihem Habchi en Présidente contestée de Ni Putes Ni soumises ; je l’ai retrouvée deux ans plus tard, lors d’un séminaire consacré à la situation en Tunisie un dimanche matin de mars à La Règle du Jeu.

Sihem Habchi venait nous parler de la place du combat féministe au lendemain des révolutions arabes. J’ai été très marqué par son discours inspiré ce matin-là*. Il m’a donné envie de lire son livre au titre trop étudié « Toutes libres », Rebelles et insoumises, exigeons l’impossible. En sortant, je lui ai promis, sans qu’elle ne me demande rien, d’en faire une recension. C’est chose faite.

Cet ouvrage, publié en début de mois chez Pygmalion, est en fait un manifeste renouvelé pour un féminisme des quartiers.

Puisant dans son parcours personnel, elle nous parle avec pudeur du poids des traditions, du patriarcat, et de la manière de s’en émanciper. De son éveil politique lors des premiers débats sur le voile en France en 1989, et de la montée du FIS en Algérie, dont elle est originaire. Des souffrances individuelles que Ni Putes Ni Soumises a su transformer en combat collectif.

Le féminisme de Sihem est avant tout une matrice pour combattre l’islamisme, qu’il prenne les habits du gender djihad iranien, des crimes d’honneur au Pakistan, des attaques contre le film Ni Allah ni Maître de Nadia El Fani en Tunisie, ou des violences subies par ces femmes qui tapaient à la porte de l’association en France. De chacune de ces femmes, elle rappelle le nom et l’histoire, comme pour répéter la nécessité de ce combat, et offrir aux lectrices soumises aux mêmes pressions aujourd’hui, l’écho de quelques témoignages personnels.

L’autre mérite de ce livre est de retracer l’histoire d’un féminisme géographiquement situé, le féminisme en pays arabe. Bochra Belhadj Hmida, Nawal el Saadawhi, Lubna Al Hussein, Nojoud Ali ; Dans tous les pays arabes où l’islamisme s’est établi, des femmes, parfois des jeunes filles, se sont élevées pour le combattre. Alors qu’Amina en écrit une nouvelle page en Tunisie, Sihem rappelle que c’est toujours par l’action symbolique et la revendication du droit à disposer de son corps, que s’est faite l’histoire du féminisme arabe.

C’est enfin un ouvrage qui dit les errements collectifs français, « d’une gauche lâche et d’une droite en voie de lepénisation », sur les questions de laïcité et de mixité. A l’heure où le féminisme se fait prioritairement combat politique international, Sihem plaide pour un féminisme d’urgence, un travail de terrain, en France.

NPNS, aujourd’hui présidée par Asma Guénifi, vient de fêter ses dix ans. Ce livre est une bonne manière de rappeler le soutien décisif de l’association à nombre de femmes brisées, et tout le travail mené en une décennie pour faire émerger ces problématiques dans le débat public. Bon anniversaire NPNS !

Informations complémentaires

toutes-libresSihem Habchi, Toutes libres, Rebelles et insoumises, exigeons l’impossible, Pygmalion, mars 2013, 236 p.







* Retrouvez la vidéo du séminaire consacré à la Tunisie, auquel a participé Sihem Habchi, le 17 mars 2013 :