Décidément les Benghaziotes ne manquent pas d’air : ils ont eu le culot de descendre dans la rue par milliers la semaine dernière pour célébrer le deuxième anniversaire de leur insurrection. Oui, cette insurrection qui s’est étendue à l’ensemble de la Libye et qui a abouti à la chute de Kadhafi. Cette insurrection qui aurait été écrasée sans l’intervention de la France dont les avions, arrivés juste à temps comme la cavalerie dans les westerns, ont pilonné les colonnes envoyées par le tyran sanguinaire et cinglé pour noyer Benghazi dans un bain de sang. Cette insurrection devenue révolution et qui, contrairement à celles de la Tunisie et de l’Egypte, n’a pas porté au pouvoir les islamistes.

Quelle impudence, vraiment, car, quand même, c’est à cause de leur victoire qu’on a tous ces ennuis au Mali. Car, on l’a lu sous la plume d’experts, journalistes et politiciens, en faisant tomber le Roi des rois d’Afrique, ils n’ont même pas pensé que ses arsenaux allaient être pillés et que des tonnes d’armes allaient se retrouver entre les mains des fous de Dieu. Se sont-ils seulement préoccupés du fait que ses mercenaires touareg allaient se retrouver démobilisés et qu’ils rentreraient prendre les villes du Nord-Mali ? Ils s’en moquaient bien, ces irresponsables uniquement acharnés à combattre leur dictateur, l’un des plus dangereux de la planète. Et ils n’ont seulement pas été fichus de prévoir que les djihadistes d’Aqmi et du Mujao ainsi que les fondamentalistes d’Ansar Eddine allaient balayer les autonomistes touareg du MNLA et faire régner la charia en lapidant et coupant mains et pieds. De bien piètres géopoliticiens, ces révoltés de Benghazi !

Et quel exemple pour le monde arabe d’avoir acclamé Bernard-Henri Lévy ! Une foule immense applaudissant au discours d’un Français, et juif par-dessus le marché, le remerciant d’avoir obtenu l’envoi des forces de son gouvernement pour sauver leur ville d’un massacre annoncé. D’ailleurs, c’est bien simple, que ce soit chez les Frères musulmans ou chez les nationalistes pan-arabistes, tout le monde a catégoriquement refusé que les Occidentaux apportent un appui à la Syrie rebelle en prenant exemple sur la Libye. « BHL épargnez-nous votre soutien » avait cru bon de lancer le nain politique qui présida quelque temps le Conseil national syrien », instance d’opposition dominée par les islamistes. La formule avait suavement résonné aux oreilles des pro-Bachar et sans doute encore plus à celles des dirigeants occidentaux peu désireux de s’engager concrètement aux côtés de la révolution syrienne. On voit le résultat : après deux ans d’insurrection, on en est à plus de 70 000 morts, des centaines et des centaines de milliers de déplacés et réfugiés, des villes dévastées et des dizaines de bataillons de djihadistes dont le poids croissant met en péril l’avenir démocratique qu’une majorité de la population souhaitait et souhaite toujours pour son pays.

Au fond, ces Benghaziotes ressemblent un peu à ces habitants de Tombouctou ou Gao qui eux aussi ont fait la fête aux troupes françaises. Ils ne voient plus dans l’ancienne puissance coloniale la source de tous leurs maux mais l’honorent pour son rôle de défenseur des droits de l’homme face à des tueurs barbares. Ils font la sourde oreille aux sirènes de l’extrême droite, de la gauche radicale et de l’islamisme qui dénoncent la main de l’impérialisme américano-sioniste derrière chaque engagement des grandes nations occidentales en faveur de la démocratie en Afrique ou au Moyen-Orient.

Oui, décidément, les gens de Benghazi ont un beau culot. En se révoltant contre le Guide suprême ils ont eu l’audace d’ouvrir la voie à une ère nouvelle où les mondes arabe et musulman peuvent découvrir en l’Occident un allié contre les dictatures prédatrices. La capitale de la Cyrénaïque et plus généralement la Libye ont assurément encore beaucoup de graves problèmes à affronter. Mais pour ce deuxième anniversaire nous disons aux Benghaziotes : « Bravo pour ce que vous avez fait, nous vous souhaitons de continuer sur la voie de la démocratie. »