Début octobre, les jurés du prix Sade récompensaient l’écrivain Christine Angot pour son livre événement, Une Semaine de Vacances. Si le court roman, point d’orgue de la rentrée littéraire 2012, méritait assurément une distinction, il nous paraissait alors odieux et révoltant de lui décerner le prix Sade, une récompense à mille lieues du propos initial du livre. Nous le disions déjà dans les colonnes de La Règle du Jeu, malgré des passages très précis, très réels, très descriptifs, la visée du livre d’Angot n’a en effet jamais été perverse et ne participait, en aucun cas, à la retranscription d’une quelconque volonté de « plaisir dans la souffrance » induite dans l’œuvre du Marquis de Sade. Pour ces diverses raisons, parce que l’octroi du prix Sade à Christine Angot constituait une véritable insulte à l’œuvre et à la biographie de l’auteur, l’écrivain a refusé le prix. Nous allons y revenir. Mais avant cela, soyons clairs ! Le débat ne porte en aucun cas sur l’utilité du Prix Sade. Dans un monde où le sadisme a imprégné, plus ou moins consciemment, tous les pans de la création artistique, il n’est pas inutile de récompenser ceux qui, en bons héritiers du marquis libertin, décrivent les tréfonds du fantasme de domination. Reste à viser juste…

Dans une lettre à Emmanuel Pierrat, président du jury, Christine Angot explique son choix de manière claire : « L’image de ce prix, qu’elle corresponde ou non à l’œuvre du Marquis de Sade, est en contradiction totale avec le livre que j’ai écrit, et ne pas refuser ce prix serait souscrire à un contresens objectif quant à ce que dit ce livre, contresens que je récuse. » Ceux qui ont ses livres le savent : malgré les apparences, le phrasé si caractéristique d’Angot et la force de ses descriptions participent sans aucune confusion possible à un rétablissement de l’ordre. Dans chacun de ses livres, l’auteur fixe un cap et des notions : le bien, le mal, un véritable sens de la morale… L’histoire de l’inceste, décrite sans cesse, par différents procédés littéraires, révèle une blessure intime, fondatrice, impossible à ignorer. Impensable dès lors d’imaginer les tranquilles visages de jurés goujats en train de remettre un godemichet ou bien un dessin sado-masochiste à l’écrivain qui réinterprète son passé.

Puisqu’un prix en quête de publicité ne doit pas brouiller le message d’une œuvre majeure, il faut se féliciter que l’auteur n’ait pas accepté le Prix Sade.