Mettre en forme la controverse

La perspective d’une légalisation du mariage et de l’adoption pour les couples de même sexe a suscité ces derniers mois des réactions parfois viscérales, d’autant plus dommageables que la réforme engage des institutions sociales fondamentales de notre société. Les questions légitimes qu’elle soulève ne doivent être ni éludées ni instrumentalisées. Car il ne suffit pas de brandir le Code civil, encore faut-il le connaître.

Est-il exact que la redéfinition du mariage civil « abolira » la différence des sexes et plus largement la distinction masculin/féminin ? Est-il vrai que les mots de père et de mère vont disparaître de notre droit ? Enfin, peut-on soutenir que l’enfant adopté par un couple de même sexe sera victime d’un « mensonge » sur sa conception et d’une manipulation de sa filiation ?

Les sciences sociales peuvent contribuer à un débat démocratique, informé et serein. À notre sens, elles le doivent.

C’est pourquoi une rencontre-débat s’est tenue au sein de l’EHESS le mercredi 16 janvier 2013. Y ont été développés trois grands objectifs, que vous pouvez retrouver dans le document d’analyse qui a nourri cet échange :

1. Présenter le contexte international en matière de droits des couples de même sexe et replacer le projet de loi dans la perspective du temps long de l’histoire du mariage et de la filiation en France ;

2. Examiner les points du texte qui font l’objet de controverses ainsi que les principaux amendements annoncés (PMA pour les couples de femmes, adoption pour les couples non mariés…) ;

3. Débattre des alternatives au projet de loi qui ont été proposées (union civile, statut du tiers etc.), et analyser la façon dont ce projet s’inscrit, ou devrait s’inscrire, dans une réforme plus globale de la filiation contemporaine.

Ce document d’analyse a été rédigé par un ensemble de chercheurs, juristes, politistes, sociologues et anthropologues. Ils ne prétendent certainement pas être d’accord sur tout. Sur certains points, ils n’ont pas pris les mêmes positions dans le débat de ces derniers mois. Mais cela ne les empêche pas de vouloir en commun contribuer à faire comprendre pourquoi l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe ne détruira ni le mariage, ni la famille, ni la différence des sexes, ni l’état civil.

Ces chercheurs et juristes ne  présentent évidemment pas un improbable « point de vue des sciences sociales » sur le projet de loi, et pas davantage celui de l’École des hautes études en sciences sociales, qui n’a pas à  prendre position en tant que telle. Les contributions n’engagent, comme c’est l’usage, que leurs signataires.

L’Union nationale des associations familiales (Unaf) a publié le 29 octobre 2012 un dossier d’analyse intitulé Les questions du mariage, de la filiation et de l’autorité parentale pour les couples de même sexe qui mérite de retenir l’attention à la fois à cause des responsabilités qui sont celles de l’Unaf, partenaire officiel des pouvoirs publics censé représenter « toutes les familles », par ses qualités intrinsèques de ton et d’argumentation, et enfin parce qu’il propose des analyses et énonce des prises de positions avec lesquelles on peut être, pour l’essentiel, en désaccord. En un mot, l’Unaf s’oppose majoritairement au projet de loi sur le mariage de même sexe et l’adoption, alors qu’au contraire les auteurs de ce document le soutiennent.


Le document d’analyse signé par Laurence BRUNET, Jérôme COURDURIÈS, Agnès FINE, Martine GROSS, Anne-Marie LEROYER, Jennifer MERCHANT, Serge PORTELLI et Irène THÉRY, est téléchargeable ici.