Les quolibets fusent de partout sur cette foire d’empoigne concernant les résultats entre François Fillon et Jean-François Copé et leur prétention respective à être le vainqueur.
Je ne trouve pas ce combat particulièrement ridicule, et encore moins nouveau.

La politique, depuis toujours, est une guerre sans merci entre rivaux d’un même camp pour emporter  les suffrages des mêmes fidèles. On ne se bat pas d’abord contre le camp d’en face mais, avant toute chose, contre les prétendants et ses alter ego dans son propre camp. Et l’emporter chez soi, à domicile, est la première et la plus dure des batailles. On se bat avec les siens contre les siens. Ce feu premier est la mère de toutes les batailles. Celles extérieures à venir, entre adversaires dûment tranchés, seront, en comparaison, un sport réglé et « dans les clous », avec leurs combats et leur ballet dûment codifiés par les institutions, où les rapports de force sont clairement pesés, la réciprocité admise. Là, au contraire, c’est la guerre de tranchées, toutes les armes sont bonnes et tous les coups permis. Car il n’y a pas de second tour, de seconde chance. L’Histoire, ici, ne repasse pas les plats, le verdict est sans appel. Tout se joue en une fois. Au perdant, ne restent que l’amertume et l’espoir d’une mythique revanche. Au mieux la dissidence, au pire la trahison, ou à défaut, pire encore, l’oubli.

La partie à chaud n’en est que plus roborative. La politique, une fois les chefs en place et la lice définie, est une guerre en dentelles. Mais auparavant, en amont, quand les places sont à prendre, c’est une guerre tout court. Dans ce dernier avatar qu’est le match Fillon-Copé, la politique, tant est ainsi sa vraie nature, reprend ses couleurs rouge sang, les passions se déchaînent, les couteaux sont tirés, et, serait-ce sous le masque du vaudeville, Shakespeare n’est pas très loin.
Pour mémoire, dans la longue liste des frères ennemis, César a éliminé Pompée, Louis XIV Condé, Staline Trotsky, Hitler Roehm, Thorez Doriot, De Gaulle l’amiral Muselier puis le général Giraud, Chirac Chaban-Delmas puis Giscard d’Estaing, Mitterrand Rocard, Chirac encore Balladur, Sarkozy Villepin, j’en passe et des meilleurs. De la peau de banane à l’anathème, des baisers Lamourette au persiflage, des rumeurs infamantes, des truquages, des alliances à revers aux longs couteaux, la panoplie est immense. La variante, version « civilisée » pour société démocratique sous l’œil des medias, que nous sert en médiocre allegro ma non troppo le duo Fillon-Copé, ne doit pas faire illusion. Nous ne sommes certes plus aux beaux temps des Borgia, mais dans des époques pas si reculées, l’issue de la bataille ne se serait pas réglée, comme ici, à coup d’huissiers benoîtement requis de vérifier urnes et inscrits, mais « au finish » et mano a mano. Rien ne dit que demain il n’en ira d’ailleurs pas ainsi…
Quand la victoire se joue à ce point sur le fil du rasoir, Il faudrait, certes, être de marbre ou incroyablement beau joueur pour ne pas se battre jusqu’au bout, serait-ce comme des chiffonniers pour nos protagonistes jumeaux. (Jumeaux mais pas siamois : Fillon, politiquement fréquentable, ne parle pas de racisme anti-blanc ni de pain au chocolat arraché par des mains islamistes par temps de ramadan ; en revanche, les anti-corps, chez Copé, fonctionnent de plus en plus mal, par temps de campagne en tous cas). Peu importent la mesquinerie des actes, la petitesse des deux catcheurs improvisés et de leurs suiveurs, peu importent les ricanements de la galerie médiatique. L’Histoire oubliera vite que la naissance fut tout sauf glorieuse, pour ne retenir que l’avènement d’un destin. Qui se souvient du 18 Brumaire et des balbutiements affligeants pour s’emparer du pouvoir, d’un homme qui, bientôt, s’appellerait Napoléon ?

La situation est d’autant plus « shakespearienne », stratégiquement parlant, que le vaincu, après comptes et recomptes, ne se reconnaîtra nullement défait, sinon du bout du bout des lèvres, et que le vainqueur, en juste conséquence, devra le tuer une seconde et bonne fois pour toutes, et non sans tarder, pour s’éviter tout retour de bâton et les ferments d’une haine complotiste prenant son long cours.

On le sait depuis André Siegfried et René Rémond, les enjeux de pouvoir recouvrent à gauche des différences idéologiques, quand à droite ils recouvrent des luttes de personnes et de « caractères » que, sur le plan des idées, peu de choses, sur le fond, séparent. La distance était plus grande, les sensibilités politiques respectives plus accentuées, entre Martine Aubry et François Hollande qu’entre François Fillon et Jean-François Copé, pain au chocolat, encore une fois, mis à part (Tiens, ces messieurs se prénomment tous François…)
Alors cette pure guerre des chefs va-t-elle déboucher, puisque promise en théorie à un second round, sur une guerre interne à l’UMP ? La Droite républicaine serait-elle promise à implosion ?
Rien n’est moins sûr. Car fort souvent dans ce genre de situation, quand une guerre à fleurets non mouchetés vient épuiser deux adversaires irréductibles qui se détruisent mutuellement et dont la légitimité ne dépasse plus, à force d’excommunications réciproques, le cercle de leurs affidiés, dans ce genre de situation ainsi que nous l’enseigne, fable après fable, ce bon Jean de la Fontaine, un troisième larron, que nul n’attendait, surgit sur ce champ de ruines et tire les marrons du feu à la barbe des combattants exsangues. Il s’appelle ici, on l’aura deviné sans mal, Nicolas Sarkozy.
Cet homme qui, au lendemain de sa défaite du printemps, avait hautement déserté, urbi et orbi, la politique, ce vaincu qui s’était vaincu tout seul (sans que les pâles candidats d’aujourd’hui à sa succession, à l’encontre d’un Chirac en 1981 avec Giscard d’Estaing, lui aient en rien savonné la planche) est redevenu, sans avoir même levé le petit doigt ni esquissé quelque come back, l’homme providentiel, celui qui, seul, peut sauver l’avenir à droite. Le match perdu Fillon-Copé est la revanche de Sarkozy sur sa défaite face à Hollande. Un tel retournement, et si rapide, est sans précédent. L’abstention, l’abstinence même, lui auront, une fois n’est pas coutume, réussi à merveille.
Que va faire notre revenant régnant sur ce théâtre d’ombres, maintenant que le plateau est vide et que les seconds rôles qui occupaient maladroitement la scène de leur piteux spectacle, sont tombés l’un par l’autre dans la fosse d’orchestre ? Quel rôle, quel scénario va choisir ce spectre bien vivant ? Va-t-il attendre que la situation « mûrisse » encore, pourrisse un peu plus ? Que l’un des deux seconds couteaux finisse par l’emporter ? Va-t-il au contraire, du haut de son nouveau piédestal, signifier la fin du combat, séparer de gré ou de force des combattants à terre qui ne s’avoueraient pas vaincus ? Va-t-il continuer sa traversée du désert, cette fois non plus subie mais voulue, pour mieux faire monter les enchères et, quand les luttes délétères pour sa succession auront mis par terre tout le monde jusqu’au dernier, céder aux appels désespérés des survivants pour sauver la vieille Maison ? Ou va-t-il saisir hic et nunc les rênes qui se tendent à lui par défaut, jugeant l’occasion trop belle et que, la nature politique ayant très vite horreur du vide, pareille opportunité ne se représentera pas deux fois ?
N’étant pas devin, qui vivra verra.

Mais, vu de gauche, et dans l’intérêt du pacte républicain face au F.N. ouvertement en embuscade pour récupérer les vaincus revanchards de la lutte fratricide qui menace l’UMP, un Sarkozy est un meilleur rempart qu’un Fillon dans les cordes, sorti groggy de son match raté avec un Copé dont on ne saurait sous-estimer la dangerosité virtuelle. Nécessité ici fait loi, ou encore la théorie du moindre mal. On ne saurait, certes, passer pour peccadilles que Sarkozy fut l’homme du discours de Grenoble, l’inventeur du ministère de l’identité nationale et sous le règne de qui les rafles de Roms se multiplièrent. Sans oublier le vaticinateur du discours de Dakar sur l’homme africain non encore entré dans l’Histoire.On pourrait, non moins,voir en Copé le continuateur, en plus décomplexé, de son mentor sarkoziste. Reste que l’argument sous-jacent de Copé, qu’il empêche, par sa proximité langagière avec Marine le Pen, une partie de l’UMP de passer avec armes et bagages à l’extrême-droite, tient moins que jamais. Le score de Marine le Pen au premier tour des Présidentielles en a administré abondamment la preuve. Le seul barrage à cette tentation mortifère et, bien entendu, suicidaire, réside dans la reprise en main des troupes de droite déboussolées et privées de recours, par un chef, un vrai, dont il se trouve que l’homme qui a le profil ad hoc, aurait-il été souvent « limite » durant son quinquennat, doit sa défaite du printemps dernier moins à François Hollande qu’aux abstentionnistes lepénistes, et qui, peut-on raisonnablement penser, s’y reprendrait à deux fois avant d’aller chasser  de nouveau – et en vain – sur ces terres pareillement mal famées et pareillement ingrates, quelles que soient les séductions préalablement déployées.

Telle est la Droite telle qu’en elle-même son ADN ne change, que sa direction, et plus encore en temps de crise idéologique doublée d’une crise de leadership, suppose un coup de force, une prise de pouvoir à la hussarde. Pas une élection. Les élections, la démocratie, c’est bon pour la gauche. Fi, pour ceux qui se réclament des mânes du général de Gaulle, de se diviser en comités Théodule adverses et de singer l’adversaire : la Droite a toujours pour elle-même procédé à l’abordage, pour ne pas dire au canon. Encore faut-il qu’elle en ait un, de service ou en réserve et, non moins, qu’elle se résolve à en user. Est-ce  le cas ? Nous verrons.

Une droite forte et responsable est nécessaire à la République. Peu importent, à cette aune, quand elles tournent au fiasco, les procédures internes de désignation. L’important est quel nom sort du chapeau. Ceci étant, on peut supposer qu’en cas de soumission au suffrage des militants tous confondus, l’homme fort qu’est redevenu Sarkozy du fait de la faiblesse des deux prétendants en lice, connaîtrait, à coup sûr, une élection de maréchal.

Un commentaire

  1. Bonjour,

     » Il ne servira de rien à monsieur Copé de fuir l’étranger, le test génétique n’est pas seulement recevable en France ou à Toulouse, le coupable est prévenu « .

    JPWK

    François Hollande ps: à chacun son indulgence.