A l’hôpital de La Pitié Salpétrière, à la fin de l’obscur dix-neuvième siècle, retrouvons Vincent Lindon déguisé en Professeur Charcot.
Il étudie l’hystérie, cette maladie longtemps associée à la possession.
Une nouvelle patiente lui est amenée, Augustine, une domestique, qui a déjà subi plusieurs crises. Les prières de la jeune fille au Saint-Ange Gardien ne suffisent pas à endiguer son mal, qui semble surgir des plus profondes ténèbres. Charcot l’ausculte, et compte bien faire de cette fille pleine de charme un appât pour attirer le regard des Messieurs de l’Académie et obtenir ainsi des subventions. À force de déshabiller Augustine, il en tombe amoureux. Ses bras raidis, son corps devenu insensible, ses convulsions, sont une beauté qui contraste avec le visage fade et bourgeois de l’épouse du Maître.

Le film se veut un drame, celui d’un amour interdit, qui apparaît comme une maladie. Mais cette maladie n’est pas transfigurée, elle reste vile, c’est un amour vicieux, qui tient plus du désir sexuel, de la frustration mutuelle d’un bourgeois et d’une pauvre fille. Première scène : le professeur et sa patiente s’effleurent de la main en compagnie d’un singe domestiqué, tenu en laisse dans le bureau de Charcot. L’animal s’immisce entre eux, et c’est en jouant avec lui qu’ils en viennent à avoir un contact. L’amour échoue en simple désir, l’attirance du médecin pour sa patiente est somme toute assez vulgaire, se résume à une curiosité malsaine, un sentiment de domination. On est loin de Faust plongeant son regard dans les abîmes du crâne. Le désir d’Augustine est, peut-être, plus dramatique, car c’est celui de l’hystérique. Il s’enfonce au cœur de ses entrailles et la secoue de spasmes. Mais il n’est incarné que dans les crises théâtrales de la malade, exagérément impressionnantes, qui fournissent le film en émotions profondes, d’une manière assez arbitraire. On emmène le spectateur en lui faisant mal.

Il n’y a que très peu de dialogues, seulement des observations méticuleuses, les corps sont scrutés, analysés. C’est certes la qualité du film de rester discret, de ne faire passer les émotions que par sous-entendus. Les sentiments sont internes, il n’y a pas d’effusions en dehors des crises d’hystérie. Un parallèle est dressé entre la maladie et l’amour, montré comme une maladie. Mais on cherche en vain sa raison d’être. Il n’a aucune force, aucune ampleur. Rien ne semble pouvoir sauver la malade, pas même Dieu, pas même l’amour. Les deux amants sont séparés, par la fin de la maladie plus que par l’amour. Cela anéantit la portée dramatique de l’histoire.

Reste la violence infligée au spectateur, qui demeure gratuite. Le problème de la science est posé : la médecine serait une maladie. Artaud disait : « S’il n’y avait pas eu de médecins, il n’y aurait jamais eu de malades, car c’est par les médecins, et non par les malades, que la société a commencé. » Le film débute par tenir un propos sur la science et s’achève par une liaison amoureuse, comme si le premier problème était déjà résolu. L’hystérie est une vieille maladie ; son traitement dans le film est obsolète, et anecdotique.
Il eût fallu choisir entre l’amour et la maladie. L’un dans l’autre se repoussent et se discréditent.