3 heures du matin, heure française. Le deuxième débat entre les candidats de l’élection présidentielle américaine commence. Suite à sa timide première performance, on attendait Barack Obama, au tournant. Les premières minutes ont immédiatement rassuré le camp démocrate. Allure combative et voix portant loin dans l’auditorium où n’était rassemblée qu’une centaine de spectateurs triés sur le volet, le candidat du parti de l’âne a tenu à envoyer des signaux forts à l’Amérique. On sait en la matière combien le langage du corps compte au moins autant que les discours. Dans une configuration originale qui voyait les deux candidats assis sur des tabourets donnant face au public, c’est un Obama mobile, n’hésitant pas à s’approcher du modérateur ou de son adversaire républicain, qui s’est montré.

Pendant plus d’une heure et demie de débat, les questions du public et de la modératrice se sont enchaînées. On attaqua ainsi immédiatement sur une salve d’interrogations autour de l’avenir des jeunes diplômés craignant pour leurs carrières. Les deux candidats se voulurent rassurants. Très vite, deux stratégies sont clairement apparues à l’écran. D’un coté, Romney pariait sur son élection prochaine à la tête des USA et n’hésitait pas à parler de son passé pour illustrer ses différents propos. Il faut dire qu’une large frange de l’électorat américain admire le parcours professionnel du candidat républicain riche à millions. De son coté, Obama étaya ses interventions d’exemples à chaque fois concrets, issus de son bilan et de ses diverses rencontres avec la nation américaine.

L’on pourra évidemment reconnaître à Mitt Romney une certaine aisance discursive. Pour autant, lorsque Barack Obama retrouve son niveau de 2008, il s’avère difficile de contrer sa puissance persuasive. Un exemple parmi d’autres illustre cette dernière idée, celui de l’indépendance énergétique. Obama attaqua durement Romney sur son manque de réflexion autour de l’idée d’énergies propres, mettant à jour ses hésitations en la matière.
C’est à partir de ce moment que l’échange entre les candidats commença à être vif. Envoyée spéciale de Canal+ aux États-Unis, la journaliste Laurence Haim twittait ainsi, sur le vif : « Romney à Obama :  » Vous aurez votre chance dans un moment. Je parle !» Violence verbale et tension incroyable entre les deux candidats. » Le véritable enjeu de la soirée fut sans conteste la middle class. Cela ne surprendra personne. En temps de crise, il serait de mauvais ton de donner à l’opinion le sentiment de caresser exagérément les plus riches dans le sens du poil. Tout en bas de l’échelle, on trouve les plus démunis qui ne cessent de s’appauvrir. Pour autant, venir à leur secours est périlleux : l’on a vite fait, outre Atlantique, de passer pour un socialiste ! À cela, le magazine Ebony, titre historique de la presse afro-américaine, réplique un peu déprimé : « Les pauvres aussi auraient bien besoin que l’on s’intéresse à leurs situations seulement personne ici ne semble s’intéresser à eux…» Voilà donc Obama et Romney renvoyés dos à dos par l’Amérique du bas. Le débat n’eut quant à lui jamais le temps de marquer de quelconques coups d’arrêt. Sentant le besoin impérieux de lancer immédiatement un slogan efficace, Mitt Romney exprimait sa crainte qu’Obama ne « conduise l’Amérique sur le chemin de la Grèce ». L’expression fit son petit effet sur Twitter. Et Romney enchaîna fort : « Moi je sais ce que c’est d’équilibrer un budget, j’ai fait cela toute ma vie». Le camp démocrate accuse alors le coup. Le public. Une question du public sauva alors le Président sortant. On demanda en effet à Romney ce qui le distingue aujourd’hui de GW Bush. La question, si elle paraît simple de prime abord, est un fait un véritable casse-tête a résoudre pour le candidat républicain. Il fallu en effet ménager le courant néo-conservateur toujours bien implanté dans les consciences de la droite américaine tout en prenant bien soin de montrer que les erreurs commises par Bush fils ne seront pas réitérées. Les solutions de Mitt Romney furent alors les suivantes : soutien aux small businesses contre les grands groupes hier alliés de G.W. Bush mais aussi développement du commerce international avec l’Amérique du Sud, l’Asie et des accords de libre-échange.

Enfin, il y eut le point capital et plusieurs fois remis sur la table de la réduction du déficit.
Sur le plateau, la tension était clairement palpable. Tour à tour, on a vu les deux concurrents se couper la parole et se demander des précisions l’un l’autre. Arriva le moment d’une question sur l’immigration posée par une électrice issue de la communauté hispanique. Romney s’attela le premier à exprimer ses vues sur le sujet qui scinde l’hyperpuissance américaine en deux camps très opposés. L’ex-Gouverneur du Massachusetts annonça d’emblée le fameux: «Nous sommes une nation d’immigrants». Puis enchaina directement sur les origines mexicaines de son père. Inutile de dire que pour un candidat républicain, l’argument a du poids… A l’instar de toutes les droites occidentales, le camp républicain ne veut que de l’immigration choisie et précise, aussi souvent que nécessaire, l’urgence de stopper l’immigration illégale. Barack Obama contre-attaqua fort. Le thème de la self-deportation, idée défendue par les républicains fut largement dézinguée par Obama. Pour mémoire, la self-deportation consiste en cette politique visant à offrir aux immigres illégaux les moyens de retourner volontairement dans leurs pays d’origine plutôt que d’instaurer de lourdes procédures d’identification et d’insertion des individus en question sur le sol américain.
Arriva ensuite l’inévitable question de la mort de l’ambassadeur américain survenue récemment à Benghazi. Un Romney offensif accusa alors Obama d’avoir assisté à des fundraising meetings au lendemain de la mort de l’ambassadeur américain. Obama décida alors de prendre la responsabilité du drame survenu en Libye, une défense surement attendue par toutes les composantes de l’électorat américain. Mais le locataire de la Maison Blanche profita également de la question pour mettre a mal les critiques de Romney. « En matière de politique étrangère» dit Obama, « je mets toujours un point d’honneur à tenir mes promesses de campagne». Force est de constater que sur l’Irak, l’Afghanistan et la traque de Ben Laden, le bilan du candidat du Président sortant est indiscutable.
Au cours du débat, Obama a plusieurs fois répété que l’éducation était à la base d’un mieux social aux Etats-Unis.

En guise de conclusion, Romney tapa sur la Chine qui, selon lui, «joue selon des règles mouvantes et baisse artificiellement la valeur de sa monnaie». Pour lui, la Chine triche. Obama, lui aussi paru déterminé a convaincre les Chinois de jouer selon des règles définies à l’avance. En fin de débat, Romney tenta de lancer un dernier message fort aux Américains. Son objectif annoncé est de faire de l’Amérique un vrai concurrent de la Chine en matière de couts de production. Il n’y eut aucun doute possible sur sa ferme intention de faire repartir le secteur industriel à l’intérieur même des frontières américaines.

Les conclusions à tirer de ce débat:
• Suivant l’exemple de son colistier Joe Biden, Obama est apparu bien plus offensif que lors du premier débat.
• Une majeure partie de la presse américaine donne le candidat démocrate vainqueur du débat qui s’est tenu cette nuit.
• Même si on le perçoit peu vu de France, Mitt Romney séduit l’électorat américain et pourrait convaincre une bonne partie des indécis. Il s’agit ici d’un candidat mieux préparé que John McCain en 2008.
• Après deux débats, ces mêmes indécis n’ont globalement toujours pas choisi entre Obama et Romney.
• Le troisième débat sera certainement décisif en vue de la course à la Maison Blanche.

Un commentaire

  1. On a tendance à tenir pour acquise l’Alliance nord-atlantique. L’Europe semble culturellement indissociable des États-Unis à tel point qu’une politique extérieure américaine se pencherait plus volontiers sur le cas du dôme de Tharsis que vers ce qu’elle ressent comme partie intégrante de son propre corps. Il faut donc se rappeler ces liens qui s’étaient distendus à une époque récente, alors qu’un usager du fauteuil de bureau ovale s’imaginait qu’à un continent intrinsèquement constitué pour qu’on lui sauve le cul l’on pouvait indéfiniment se passer de demander son avis. Certains d’entre nous l’ont mal pris. Et les Alliés ont pu constater par eux-mêmes qu’il n’est pas bon que l’Europe soit en froid avec son plus grand ami. J’ajouterai qu’il est toujours mortel de laisser l’un de ses membres geler à petit feu. L’élection d’Obama nous a renversés. Du coup, la température de nos corps est remontée. Le corps de chaque Européen peut témoigner de ce transport de joie, de cette translation de l’entrelacement des fils d’esclaves et d’esclavagistes vers le butoir de notre étourdissement pour une nation décidemment magique, un pays éclaireur, une démocratie sœur, petite sœur dont les performances ébahissent l’ombre d’une aînée vers laquelle il faut parfois savoir se retourner, et dire merci pour les progrès que l’on effectua durant ces longues heures où nous lui courions après à quatre pattes. Car si l’élève a vocation à dépasser le maître, il n’oubliera jamais d’où il tira sa science par delà son effort personnel et son génie propre. Les Européens oublient çà et là qui ils sont. Qu’ils se regardent en face, dans les Américains! Ces cadets magnifiques avec lesquels ils se réconcilieront toujours après une bonne dérouillée. Ce sont probablement eux qu’ils ont le plus admirés dans ce miracle de la propulsion d’un Noir à la Maison Blanche. Le président Obama peut leur passer le message, il peut, en personne, les applaudir de notre part, car nous les admirons, et nous savons qu’il n’y aura pas de Barack à french fries avant que l’internationalisme européen n’ait dans une certaine mesure et démesure certaine emboîté le pas au fédéralisme américain. Obama sut restaurer ce lien fraternel de la première puissance mondiale avec un tout frais prix Nobel de la paix. Une toujours jeune UE dont l’inexistence anéantirait les USA en moins de deux. L’Europe est l’autre jambe de l’Occident.