Allons bon ! « Sarkozy m’a tuer ! » se serait écrié Kadhafi au bord de la mort, entouré d’une meute vengeresse, le 20 octobre 2011, alors qu’il fuyait, vaincu, sa ville natale de Syrte.

Telle est, à peine exagérée, la dernière version en date de la fin tragique du tyran libyen, colportée par deux journaux non moindres que le Corriere della Sera et le Daily Telegraph britannique.

« L’info » en question repose, selon le quotidien italien, sur des sources diplomatiques européennes à Tripoli ainsi qu’un récent entretien de l’ex-premier ministre libyen par interim Mahmoud Jibril à une chaîne égyptienne, affirmant « qu’un agent étranger intégré aux brigades révolutionnaires a tué Kadhafi ». Suivez mon regard, instantanément.

Bon sang, mais c’est bien sûr ! L’instigateur dans l’ombre ? Nicolas Sarkozy, naturellement !

L’ingratissime Président-français-élu-en-2007-avec-l’argent-secret-de-Kadhafi, dixit urbi et orbi en mars 2011 le fils du dictateur au bord du gouffre, aurait, après lui avoir livré une guerre sans merci, fait taire son ex-bienfaiteur d’une balle dans la tête, pour solde de tout compte. Boum, boum !

Et les esprits de s’emballer, de faire de la mort ignominieuse de Kadfhafi  — au terme, jusqu’à preuve du contraire, d’un lynchage pur et simple par des rebelles déchaînés — un acte de froid assassinat par une puissance étrangère violant les lois de la guerre.

Staline et Mao exceptés, les dictateurs modernes mouraient rarement dans leur lit. Tels sont les risques du métier. La justice, le droit et la vérité historique étaient perdants. Les temps commençant de changer, la conscience universelle se forgeant cahin-caha, le droit évoluant, quelques-uns désormais ont atterri au Tribunal de la Haye : Milosevic, Karadzic, Charles Taylor ; demain peut-être le syrien Bachar El Assad, le soudanais El Béchir pour le génocide au Darfour.

Kadhafi n’a pas eu cette chance, et le peuple libyen pas davantage de savoir en toute lumière qui était le dictateur qui l’avait si longtemps opprimé, ainsi que l’étendue de ses crimes.

De là à faire du meurtre de Khadafi un remake au rabais de l’assassinat de Kennedy — par, pour les uns, les services de Castro, les autres le KGB — et d’en faire porter l’opprobre sur un homme dont la politique d’intervention en faveur du peuple libyen fit honneur à la France, jusqu’à preuves du contraire (il se pourrait qu’on les attende longtemps…) on laissera aux émules au petit pied de Graham Greene leurs supputations expéditives.