Je ne suis pas sûr d’avoir tout compris au sujet des Euro Bonds, de Mario Monti, de la BCE et de la TVA de délocalisation, lors du débat télévisé de ces deux Messieurs. M’ont quelque peu échappé la nature exacte des recommandations de l’Autorité de surveillance du nucléaire, s’il fallait ou non fermer les Centrales au bout de trente ans, les rénover ou les transformer en parcs naturels. Je n’ai pu trancher entre la dette française selon Nicolas Sarkozy, 500 milliards d’Euros, et la dette selon François Hollande, 200 de mieux, ni qui était responsable de ce boulet, la Crise, Nicolas Sarkozy lui-même, les Français trop dépensiers et pas assez industrieux, ou la fatalité.

De tout cela, je n’étais pas complètement à même de choisir le camp de la vérité, me méfier de celui des demi-vérités, hurler devant mon poste contre le camp carrément du mensonge (le mot fut prononcé plusieurs fois, de part et d’autre, mais de façon un peu trop polémique pour qu’on s’exclame sur le supposé menteur visé : « Ah oui, quel infâme menteur que cet homme ! »). Mais il m’a semblé qu’entre les deux messieurs si compétents et savants, qui débattaient entre eux plus que pour les Français, passablement largués, je le crains, par tant de chiffres controversés et leur signification tout aussi controversée, le plus savant, le plus sûr de lui, le plus « vérifié » était tout de même l’énarque Hollande contre l’avocat Sarkozy, le socialiste social-démocrate contre l’homme au service du « grand Capital », comme aurait dit le regretté Georges Marchais.

Ceci étant, ni l’un ni l’autre n’ont fait bouger ma décision de vote de dimanche prochain d’un iota. Depuis deux cents ans et plus, depuis, pour être précis, la Révolution française à laquelle participa, les armes à la main, un de mes aïeux, ébéniste au Faubourg Saint-Antoine, à deux pas de la Bastille (la proximité travail-révolution y fut, je pense, pour beaucoup), je vote continûment pour la Montagne (oui, Robespierre…), c’est-à-dire, cette dernière fois en date, pour Mélanchon le Rouge. Et donc, par voie de bonne conséquence, je voterai pour qui vous savez au second tour. Même si, aventure personnelle oblige, je regretterai Sarkozy le Libyen, l’homme qui sauva Benghazi avec l’aide de quelques avions français courageux (les batteries anti-aérienne kadhafistes n’avaient pas encore été neutralisées).

J’ai donc regardé ce débat, quand je décrochai de cette joute trop savante pour le citoyen profane que je suis en Choses économiques et en Finance, j’ai regardé ces deux hommes dans leur corps. Comment portaient-ils leur corps. Est-ce qu’il pouvait y avoir là, au-delà de deux typologies humaines, deux corps politiques, deux incarnations dans un corps et ses postures d’une ligne politique, d’un rapport politique au monde ?

Chacun aura remarqué que François Hollande n’a pas varié d’attitude d’un bout à l’autre du débat : droit comme un I, regardant continûment son adversaire dans les yeux. Seuls les bras ponctuaient d’un double en-avant leur démonstration, ou quand ils ne se tendaient pas ensemble, une main, argument à l’appui, était dirigée en direction de son vis-à-vis. Le candidat Sarkozy, lui, bougeait continûment des épaules, plissait des yeux, regardait alternativement les deux journalistes comme un « extérieur », telle une présence humaine qui le libérait un quart de seconde de son exaspérant face-à-face avec son insolent contradicteur, qui, lui, ne s’en laissait pas compter ni émouvoir pour si peu. Bref, l’un était quelque peu perché comme sur une monture arrêtée, l’autre, assis avec force, était largement physique. L’un était chiffres, pur esprit ou presque ; l’autre était dans l’action et ses courants d’air chaud ou froid. Le Verbe, chez l’un comme chez l’autre, n’avait pas le même statut, la même fonction. Présidentiel et professoral chez Hollande par volonté de se placer au-dessus de la circonstance, de cet exercice peu goûté avec un adversaire tenu pour assez peu. Concurrentiel et activiste, propagandiste, par nécessité chez Sarkozy. Des phrases chez l’un ; des additions fractionnelles de mots chez l’autre. Deux registres de parole, deux vocabulaires.

Peut-on dire que ces registres individuels marquent, eux aussi, une ligne de partage gauche/droite ? Y aurait-il, là aussi, des corps de droite, des corps de gauche ? Ce serait terriblement réducteur et par trop mécanique. Mais enfin… Je pose la question.

Un commentaire

  1. FRANÇOIS HOLLANDE a faim. Tellement faim qu’il en saute chaque repas, au cas où en se posant il risquerait ensuite de ne plus rattraper le fruit défendu. FRANÇOIS HOLLANDE a vingt ans. Il jubile non de foutre une raclée à son père, mais d’être assis en face de lui, en bout de table comme lui, si bien qu’on ne sait plus qui est qui, qui de lui ou de l’autre est le chef des états de grâce et de choc. FRANÇOIS HOLLANDE va venger les mauvais, tous les brillants ratés, les promis à la gloire avant que (grincements de freins), t’as vu FRANÇOIS? y doit être triste, c’est dur pour lui, t’as raison, y doit être déçu quand même, le pauvre, ça sera son tour la prochaine fois, et FRANÇOIS au fait… non? encore? c’est toujours pas pour lui? duraille, ouille, aïe, oh! la vache, eh…! FRANÇOIS! Ça va? On m’a dit que tu… Tu sais ce qu’on… Tout vient à point à qui sait attendre… Bon! Allez! À la prochaine, hein? Tu l’as dit, man… À la prochaine! À la prochaine présidentielle! FRANÇOIS HOLLANDE a vu tous les postes de ministres lui passer sous le nez, du plus éloigné au plus proche du trône, puis d’un bond finalement primordial, ce sera lui notre boule de flipper lancée vers la couronne. Au terme d’une mandature unique (en son genre) tant elle aura été frappée de bout en bout du sceau du mérite, quoi de plus normal?
    Mais revenons au principal. Au principal pour moi, au principal pour lui, ça s’ensuit, ça s’envoie.
    Ce que je garde du 10 mai, c’est mon prof de français au milieu d’une place de la République ivre de monde et noire de joie, portant sur son dos un autre prof du lycée Malherbe, méconnaissables, admirables de ridicule. Nous sommes ensuite tombés de haut, mais mon Dieu, que la chute était bonne! L’espoir. L’espoir. Où est passé l’espoir? Il n’a pas quitté son lieu-dit. L’espoir fut là d’être dit entre ce point de départ et cette ligne n’arrivant nulle part. Il suffit de s’y reporter, il est, toujours vivant, remis à plus tôt, communicatif et risible, maladie ô combien transmissible. Il nous fut communiqué par les artisans du changement de 1981. La différence entre eux et nous, c’est qu’ils avaient passé dix ans à changer la vie avant que d’en porter le slogan au sommet de l’État quand il y a dix ans, notre monde bascula dans l’effarement total. Je nous souhaite à tous, quadras rendus cyniques par la douche froide de l’émersion, de trouver demain soir de nouveau nos quinze ans. Une nuit d’espoir. Une nuit de transvasion communicante. Une nuit de refondation, avant que la rude réalité ne reprenne ses droits et alors, là, que nous puissions lui rappeler les nôtres.