Mesdames, mesdemoiselles, messieurs.

Amis téléspectateurs, merci d’être toujours si nombreux à suivre notre émission, votre émission, The Voice 2012, l’émission où l’on regarde avec le cœur et écoute avec son âme.

Vous connaissez le principe : nos candidats à l’élection présidentielle viennent nous interpréter leur partition en direct live sur le plateau de The Voice 2012. Les membres du jury, nous, vous, personne ne distingue leur visage ; on ne s’intéresse qu’à leur voix, d’où le titre, CQFD. (pour ceux qui n’auraient pas fait TF1 première langue, The Voice signifie à peu près : La Voix)

Eh oui, The Voice 2012 vous permet de juger en toute impartialité, au seul talent, vers qui vous allez diriger vos SMS surtaxés.  À vous de décider, à l’aveugle, qui est le meilleur. Vous êtes bien sur TF1, vous regardez The Voice 2012, l’émission après laquelle vous aurez La Voix, et les candidats, des voix. Nous écoutons notre premier(e) concurrent(e) de cette « battle », un candidat mystère, pour sa reprise d’un vieux tube, un classique des années 1930, « Je suis pas raciste, mais quand même » :

« Écoutez, c’est quand même extraordinaire, y en a marre de cette gauche bobo qui fait du Vélib boulevard Saint-Germain, cette petite élite privilégiée, si généreuse avec les autres, et qui veut accepter toute l’immigration du monde… Ce n’est pas ça, la France ! Je vous le dis, et ch’sais que j’vais pas faire plaisir à toutes ces belles âmes des médias, toute cette petite caste de journalistes, si bien-pensants, je vais vous le dire à vous, peuple de France, vous qui ne brunchez pas le dimanche, vous qui avez un vrai travail, hein, et bien la France, c’est des frontières, la France c’est des racines chrétiennes, et j’n’ai pas de leçons à recevoir d’un parti qui défend la burqa, l’excision et le halal ! Qu’est-ce qu’il faudrait qu’je fasse ? Nous voulons protéger notre mode de vie, et c’est pas raciste de le dire, et je n’ai pas honte de le dire ».

Alors ? Magnifique prestation, en tous cas de notre candidat mystère, qui est, qui est, oui qui est-ce au juste ? Marine Sarkozy ? Nicolas Le Pen ? De dos, sans les visages, difficile de distinguer. On ne sait plus très bien : c’est là tout le charme de The Voice, quand on écoute de dos, on découvre bien mieux le vrai visage des candidats.

C’est un fait, il est têtu, depuis le premier tour, le futur ex-président de la République tente une opération de séduction envers l’électorat du Front National, une drague criante et lourde, même pas au niveau de la dignité d’un campeur de Palavas-les-Flots en boîte de nuit, après dix-huit mojitos. Tous les classiques de l’extrême droite sont réunis ; le grand Michel Winock, dans Nationalisme, Antisémitisme et Fascisme en France, décortiquait ainsi la rhétorique nationale-populiste : 1) nous sommes menacés par une décadence, si l’on ne fait rien (ici : nos chères têtes blondes mangeront demain du couscous halal dans nos cantines) 2) les coupables sont bien connus (l’immigration et ses complices : l’élite, la gauche bobo, les médias bien-pensants) 3) heureusement, le sauveur est là (devinez qui ? bibi).

Évidemment, les électeurs Front National ne sont pas à rayer de la carte, il s’agit, comme on dit, de « siphonner » leur voix. En 2007, avec un talent exceptionnel, le même Nicolas Sarkozy avait proposé un discours pour le coup impeccable, (discutable, mais inattaquable), à la fois très républicain, genre Clemenceau, valeurs, morale (l’intégration voulue, la nation choisie), couplée de façon inédite avec une modernité anglo-saxonne, à base de discrimination positive (promotion de ministres) et d’une dose de communautarisme (création du CFCM). A la fois donc, rassurer, intégrer, et rendre l’égalité : c’était très respectable, courageux, et le champion de la droite avait l’audace de se déclarer « un fils de sang-mêlé », qui « comprenait les enfants mélangés des cités ».

Cette année, face à son propre échec, au désespoir radicalisé de millions d’électeurs, Nicolas Sarkozy ne fait même plus semblant de proposer autre chose que le Front National. Ah si, pardon, à la place de « préférence nationale », désormais, on dit : « préférence communautaire ». La République est sauvée. De Rachida Dati à Charles Maurras : c’est retour vers le futur. Populisme, xénophobie, racisme, le Président en vient à nier sa propre vision de la société (un libéralisme émancipateur par le travail et le mérite) pour revenir à une vision nationaliste, essentialiste, d’un Pays menacé d’invasion, que l’on arrêtera à Poitiers. 2012 foulant au pied 2007 : le sarkozysme, c’est comme une boîte de chocolats, on ne sait jamais sur quoi l’on va tomber.

Le meilleur résumé de la stratégie de l’UMP se trouve dans le livre déjà nommé de Michel Winock (Le Seuil, 1990). Puisque j’ai commencé en m’aidant des lumières de grands esprits (Nikos Aliagas, en l’occurrence), je poursuivrai avec l’aide de l’excellent historien : « L’intuition fondatrice est un sentiment de peur : la France est en décadence. C’est l’idée que la nation est un corps organique menacé d’altération, de décomposition, de dégénérescence. (…) À la recherche d’un principe unifiant, facteur de continuité et révélateur d’identité, les nationalistes revendiquent la catholicité. J’emploie ce terme de catholicité, et non celui de catholicisme, afin de distinguer la religion catholique et son instrumentalisation idéologique et politique par des écrivants et des publicistes qui sont souvent incroyants ».

 

Cependant l’élément le plus risible de ce discours, si pathétique, reste dans sa dénonciation des « bobos ». Elément commun à Marine Le Pen et Nicolas Sarkozy, ce néo-populisme s’en prend à cet être étrange, qui va « bruncher », fait du « yoga et du Vélib », et habite, ce gauchiste caviar, « boulevard Saint-Germain ». C’est peut-être, au milieu de cette logorrhée nationaliste, ce qui m’a le plus blessé. Je ne veux pas parler de moi, de mon cœur qui s’afflige comme un violon qui frémit, mais ma plainte est celle de centaines d’hommes et de femmes, asservis, stigmatisés, pointés du doigt, ostracisés. Je me révolte, donc nous sommes, comme disait l’autre : assez de clichés, de raccourcis. Notre identité ne doit pas être une prison ; cette terre de France, la belle, la rebelle, émancipatrice de peuples et de l’individu, se doit de respecter notre liberté. Oui, j’en appelle à tout le peuple des bobos, au premier rang desquels j’ose me compter, oui, mes frères, mes amis, tenons-nous la manche de nos vestes Sandro, et opposons à la tyrannie du sang pur l’éternelle Marianne, celle de 89 et de la Commune. Ce n’est pas par plaisir que nous vivons Rive Gauche, notre ghetto a les barreaux de votre mépris. Ami entends-tu le cri sourd du Marais qu’on enchaîne ? Assez d’amalgames. Notre intégration ne doit pas être un génocide identitaire. Je ne passe pas mes dimanches à bruncher. Je vais chez Costes. Ou je commande japonais, devant Ma nuit chez Maud. Et le yoga ? So 2011 !, laissez-moi rire. Non, mes amis, le racisme ne passera pas. Quoi que vous en disiez, Monsieur Sarkozy, Madame Le Pen, les marinières et le sashimi au thon frais des Editeurs, c’est ça, aussi, la France, généreuse et multiculturelle.

Ainsi, Nicolas Sarkozy, sentant poindre sa défaite, se met à saccager la République. Il y a quelque chose de balzacien, dans cette passion, cette monomanie jusqu’à la déchéance, entre César Birotteau et le général de Montriveau. Aujourd’hui, il en est au point de décréter le FN « parti républicain ». Ce parti est légal, mais tout dans son programme, son histoire, ses membres, ses sous-entendus, est une insulte à l’esprit de Liberté, Egalité et Fraternité. Par le chas d’un halo sémantique douteux, il fait passer le chameau de son cynisme. Trente ans de mise en quarantaine, une tradition de la droite incarnée par Jacques Chirac ou plus récemment Nathalie Kosciusko-Morizet (qui a publié un livre intitulé « le Front Anti-National » où elle écrivait que ce parti « était une menace pour nos enfants »), tout cela volant en éclats pour gagner trois points à droite perdus aussitôt au centre. La suite on la connaît : à présent que ce parti est comme les autres, que ses idées sont audibles, ses problématiques légitimes, on ne voit pas pourquoi on ne s’allierait pas avec. C’est ce qui s’est passé en Italie, où Gianfranco Fini, un néo-fasciste est rentré au gouvernement Berlusconi. Droite dure alliée à droite classique. De qui Monsieur Fini a préfacé le livre, Témoignages, en sa version italienne ? Ce n’est quand même pas Nicolas Sarkozy ? Et bien si, en fait.

Mon petit cousin, que j’aime beaucoup, a récemment compris qu’il ne servait à rien de crever les pneus de son vélo, une fois qu’on s’est écrabouillé sur le bitume par sa faute, qu’il fallait accepter son destin, stoïquement, avec résignation. Alors s’il vous plaît, Monsieur le futur ex-président, ne vous acharnez pas sur la République : ce n’est pas une question d’honneur, pas non plus de dignité, simplement, peut-être, d’élégance.

10 Commentaires

  1. «S’ils votent PS, ils auront la politique contraire à celle qu’ils souhaitent». Est-ce à dire que s’ils votaient UMP, ils obtiendraient une politique plus proche de celle du FN? Les partis républicains doivent se positionner en concurrents réciproques et adversaires communs du parti antirépublicain. Ils doivent proposer leur solution aux Français, deux solutions républicaines, deux solutions anti-FN. Ils doivent convaincre les électeurs du Front national de ce que la solution antirépublicaine qu’on leur fait miroiter leur rapporterait l’inverse de ce qui leur est promis, car tout ce que souhaitent ces gens, qui sont l’humanité dont parlent nos textes, c’est une protection contre ce qui menace de dégradation leur vie quotidienne, et pourrait menacer de destruction leur vie tout court. Il ne devrait pas être trop difficile de démontrer à ces Français-là comme aux autres, d’ailleurs, que la chute de la république française les entraîneraient dans une guerre totale quand toute la façon dont notre pays est structuré ne fonctionne comme elle fonctionne qu’en fonction des relations internationales et des rapports de forces qu’il y a savamment tissées depuis l’après-guerre et à la lumière, si l’on peut dire, de celle-ci. Rompre avec cela, et le pays s’effondre. C’est pourquoi le réformisme a supplanté à gauche, autant qu’à droite, la révolution. Ce que ne disent pas à leur électorat les héritiers masqués de la Révolution nationale, c’est la volonté qui les taraude de briser un à un les os de sa Constitution.

    • «S’ils s’abstiennent de voter au second tour, ils auront la politique contraire à celle qu’ils souhaitent», évidemment.

  2. Est-ce le nombre d’étrangers en France qui est trop important pour que soit réalisée leur intégration? Comment le savoir, puisque rien n’a jamais été suffisamment fait dans ce sens. Commencer donc par le commencement. Trouver le bon dosage. Rompre des deux côtés. Rompre avec le nos-ancêtres-les-Gaulois. Rompre avec le fuck-leurs-ancêtres-les-Gaulois. L’humanisme devient inhumain lorsque chacun s’y trouve réduit à) la notion de (personne. L’universalisme doit rechercher l’unité par la versatilité de tous les versants de l’univers. Le dialogue entre les héritages a fait la France. Mais la France serait devenue l’Espagne sous la calotte crânienne du sorbonnard Ludovicus Vives Valentinus aussi longtemps qu’il se serait cantonné à être le marrano Juan Luis Vivès fuyant le Saint Office. Hasdaï ibn Shaprut avait amené les aristotéliciens chrétiens et les talmudistes babyloniens à la Cour d’Abd al-Rahman III. Les expulsés de 1492 après moult retournements de situations où la protection et la persécution, la tolérance et l’intolérance allaient tout à tour changer de Nom de Dieu, seront chassés d’une Reconquista qui ne se serait jamais faite sans leur concours. Mais il y a une vérité universelle que nul persécuté ne contesterait, l’espace le plus tolérant du monde est toujours hiérarchique. Qu’il soit vertical et surplombé. Ou horizontal et centralisé. Le mot de décentralisation est d’ailleurs un mot impropre. Car il ne s’est jamais agi de retirer son centre à la France qui délègue davantage de pouvoirs aux régions. Il faut bien déléguer de par des pouvoirs conférés dont la multiplicité et la séparation ne doivent pas excéder un nombre aisément assimilable à l’unité de l’État. Cette notion de hiérarchie, Vivès va l’assimiler non seulement parce qu’il n’aura pas le choix, et il ne l’aura pas car personne au monde ne la lui donnerait, cela tombe bien, car Vivès la connaît au plan supérieur de son principe divin, et cela tombe partout où il atterrirait si la fuite de ses pères devait par hasard se prolonger. Cela tombe même à pic, en ce que son Traité présocialiste de l’Assistance aux pauvres ne saura que nourrir ce dont il aura su se nourrir.

    « Le génie de la France, c’est le génie de la Renaissance. C’est l’esprit du doute. L’idée selon laquelle la vérité est dans la controverse. Une controverse qui n’est pas faite pour détruire l’autre, mais pour réconcilier les mémoires. (Gilles Bernheim)»

    Mais à moins qu’ils ne s’écoutent, les primates dominants ne peuvent se payer le luxe de ne pas s’entendre. Une gauche décomplexée s’arrimera au quai d’une langue et d’une culture cherchant à s’enrichir et assumant le fait que leur unicité est seule garante d’unité, voire de possibilité. Apprendre à communiquer selon comme des hommes non point sortis de terre, – les hommes ne sont pas des végétaux, – mais évoluant dans un espace et un temps donnés, ont accompli une synthèse de leurs cheminements évolutionnaires convergents, apprendre donc à parler à ces hommes-là, c’est ce que Juan Luis devait considérer comme son b-a-ba. Il est tout aussi nécessaire d’apprendre à se voir. Et l’on n’y voir rien dans un espace n’offrant pas le recul nécessaire aux champs de perception en regard. Le nombre d’étrangers en France n’est pas trop important à partir du moment où. La régulation des flux migratoires ne signifie pas le repoussement. Lorsqu’on demande aux visiteurs d’une rétrospective de prendre leur place au bout d’une file d’attente, il ne leur est pas intimé l’ordre de rebrousser chemin. Leurs pieds conservent la trajectoire du même désir d’identification et d’évasion de soi.
    Il n’existe pas de droit sans droit des autres, ce qui implique un devoir de se soumettre au droit, et non de le soumettre à soi. Un homme l’avait cristallisé d’une façon toute simple, avant que sa poussière n’aille s’ajouter au désert malien. 33 ans. Le rêve de Bala est désintégré, mais sa chanson inonde les ondes libres. Elle s’achève très haut : «Où est le Sauveur?» en un Gospel clocloïde enfantin s’ouvrant sur des incantations métalo-massaï, – l’adage final vaut pour toute procession individuante, et pour ce qui nous concerne de plus près, la relation homme/homme, parenté/citoyenneté, région/nation, France/Europe, Europe/monde, un horizon humain par nature vertical, attirant, aspirant, intouchable, azuréen, azizéen.

    «Danse avec moi
    Si tu crois que ta vie est là
    Ce n’est pas un problème pour moi
    L’Aziza
    Je te veux si tu veux de moi (Daniel Balavoine)»

    Le candidat sortant annonce que s’il est réélu, «toute personne qui voudra immigrer en France devra se rendre à un consulat, passer un examen pour vérifier qu’il sait parler le français et connaît les valeurs de la France». Soumise à de telles exigences, la génitrice d’Albert Camus n’eût jamais trouvé l’homme avec lequel elle lui transmit la vie. C’est ici et maintenant qu’il est temps d’abolir les nouvelles indulgences. L’auteur de l’Étranger n’a jamais reproché à la France d’avoir été injuste avec son illettrée de mère. Je suis comme lui, issu de ces générations indigènes ou migrantes. J’ai grandi avec des grands-parents des deux espèces, l’une francisée en Algérie dès la naissance, l’autre, après qu’elle fut hispanisée, puis argentinisée. Ma grand-mère paternelle n’a jamais réussi à dire «Lustucru» jusqu’au bout. Elle disait «Loustoucrrrou», et arrivait à grand peine, après qu’on lui avait articulé les trois syllabes en les détachant sur un ton boulevardesque, à prononcer un «Lus-Tu-Crrrou». Ce que les enfants d’étrangers demandent de la France, c’est qu’elle les traite comme ses propres enfants. Qu’elle offre aux oiseaux rares des migrateurs une chance de prouver ce qu’ils valent et d’élever leur famille à des conditions de vie meilleures. Ils demandent le respect pour leurs parents, pour acrobatique que soit la manière dont ces derniers s’escriment avec la langue, la culture et la loi. Dès lors que l’effort ne s’économise pas, il doit être salué quel qu’en fût le résultat. L’important n’est pas la vitesse, mais le sens dans lequel on avance.

    • Je propose une approche différente à François Hollande, avant que David Pujadas ne le soumette une dernière fois à la question à laquelle il le soumit une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept fois et à laquelle il montra chaque fois de la constance dans son refus de verser dans les deux cuves où le FN plonge le thème primordial, que dis-je, survital, de l’immigration. Or il y a peut être une manière de s’y prendre qui priverait l’adversaire de faire passer la droiture de la gauche pour de l’esquive, voire de la lâcheté. Dire non. Non, le nombre d’étrangers en France ne pose pas de problème, sans que cela ait pour effet de faire naître dans la tête des électeurs frontistes l’image en panorama d’une invasion de sauterelles. Cela pourrait marcher, à condition de creuser la question jusqu’au champ de mines qui la fait imploser en route. De déminer l’espace conceptuel du vivre ensemble. Comment ça, marcher…? En acceptant de poser des conditions à cette libération des flux migratoires. De rompre, et c’est là le plus difficile, avec le tout-possible. De se faire atterrir, et descendre, toutes les générations, celles qui sont entrées dans le vieux Led Zeppelin comme celles qui depuis ces années bénies sont nées dans sa gangue de plomb, et continuer le voyage à pied vers le même horizon.

  3. Marine Sarkozy n’est pas l’arbitre des élégançeuh…ctions, pardon. Elle ne peut pas être celui qu’elle a tué. Tué de ses propres danses, on peut parfaitement voir qu’elle s’en pourlèche encore, au vu et au su de tous les ravis de sa crèche. Car ce n’est ni Cécilia, ni Carla mais, qui l’eût cru! Marine, ben mince alors, c’est Marine Sarkozy qui a tué Nicolas Le Pen. On ne s’en serait pas douté. Pour savoir qui a participé à cet échange de fiches à la maternité qu’est devenue notre société du tube et du plasma, petite indication : essayer de se rappeler qui réagit comme elle dans le cadre de l’affaire Polanski, dans le cadre de l’affaire Strauss-Kahn, dans le cadre de l’affaire libyenne. Il faudra bien un jour que ses complices répondent de leurs actes. Que maintenant, le remplaçant de Le Pen au repoussoir barométrique de la haine civilisatrice que l’on suspend à sa fenêtre cherche à récupérer son nom par les mêmes moyens qu’on a mis à lui voler le sien, j’aurais sans doute le même réflexe dans la même situation, mais je m’étonne, et le mot est faible, qu’il se laisse gouverner par ses pulsions là où la raison d’État réside en premier chef.

    • P.-S. : Les trois affaires que j’évoque ci-avant illustrent mieux que n’importe quoi la continuité entre le Le Pen nouveau et le Le Pen millésime. Une chance pour elle qu’on hésite à remettre sur la table ce qu’elle nous ressert à la moindre occasion. Mais jamais par opportunisme elle ne s’y vautrerait que le temps d’un coup de poing, d’un règlement de compte, d’un tout-les-coups-sont-permis de début ou de fin de campagne, parce que c’est autre chose chez ceux que l’on verra y revenir hors actualité, nous y ramener, y voir un symbole révélateur d’une décadence, et sans doute y voient-ils davantage qu’une évolution, une mutation extra-terrienne dont ils seraient seuls, pour l’avoir localisée, à en stopper la reproduction. Et on se découpe le gras, et on se trifouille les chairs, et on va racler l’os d’une horreur savoureuse. Le Pen version schizo, Le Pen qui ne sait plus ce qu’il, ce qu’elle, ce que cela veut être, Le Pen qui vous trucule bien (empaqueté)e dans le sourire bébé d’Agnès Soral, Le Pen génération Mitterrand, Le Pen génération Salan, Le Pen qui s’acharne sur l’homme reconnaissant ses fautes et trouve toutes les excuses du monde à la bête ignorant le remords, Le Pen d’hier et de toujours, qui insensible, choisit ses cibles.

    • À chaque jour suffit sa peine. Comparer la frontière entre sa propre civilisation et celle des autres avec la différence entre la beauté et la laideur, fût-elle subjective, jamais Nicolas Sarkozy n’avait fait ressentir une idéologie d’une telle espèce au fondement des relations inédites d’égal à égal qu’il avait su installer au sommet de la France, – un socialiste non encarté a le droit de le dire, – relations d’homme à homme, relations d’État à État, relations de peuple à peuple, quel que soit cet homme, cet État ou ce peuple. Jamais il n’avait versé dans ce tonneau-là, jusqu’au septième jour avant le dernier jour de son mandat. La foi que je jurerais avoir vue plusieurs fois, n’a-t-il jamais été capable que d’en accomplir les actes dans l’espoir d’une toute petite place sous les pieds de Pascal? Cette France à laquelle il se réfère, dont il se met à protéger les hauts murs d’un doigt imitant le canon du pistolet qu’il pointe dans la pénombre de sa meurtrière meurtrie, a-t-il tellement perdu le sens de la raison et des mots qu’il oublie qu’elle le loge, lui le premier, dans la poubelle du Laid? Monsieur le Président, protégez-vous! Protégez-nous de l’image que vous donnez de nous! Peut-être vous dites-vous qu’une fois réélu, vous pourrez faire en une journée oublier ces deux semaines d’avalanche personnelle, mais voilà… Que pourrez-vous y faire si vous êtes battu? Vous me direz, que ne vous réjouissez-vous de me voir m’enfoncer à proportion de la hauteur à laquelle je m’étais hissé, vous qui après Royal allez voter Hollande? Vous avez raison, mais je n’efface pas de ma conscience le niveau croissant d’antisionisme que notre si beau pays avait connu entre l’esclandre prémédité de l’homme du Discours du Vel d’hiv’ à Jérusalem Est et la première visite d’État effectuée sous votre présidence. L’ingratitude, j’en paie le prix, ne figure pas au nombre des biens immatériels de mon patrimoine.

    • Voyons maintenant si je vous ai compris… Ce n’est pas de la beauté en soi, mais uniquement pour soi que vous énonciez le principe. Ça je l’avais compris. La France est belle pour ceux qui l’aiment, et les yeux de l’amour embellissent même ce qui s’enlaidit. Je vous l’accorde, – mais il faut s’accorder au préalable sur ces critères du beau et du laid sans quoi l’embellissement et l’enlaidissement ne reposent que sur un néant de chose. Poursuivons. Euh… où j’en étais? Ah, oui! La République française belle à ses propres yeux, et puis, allez! au hasard… la République islamique d’Iran, laide aux yeux de cette même République française devenant aussi laide aux yeux de celle qui est laide aux siens que belle à ceux qui lui sont laids. Sauf que. Outre que la parabole contenait une métabole, que la notion de beauté pour subjective qu’elle soit, renvoie immédiatement à la dimension physique de ce monde, et que la stigmatisation des anatomies ethniques a fait suffisamment souffrir l’humanité pour qu’aujourd’hui l’on n’utilise jamais sans précaution le terme de «laideur», j’ai bien suivi la chaîne métaphorique telle qu’elle s’est aussitôt repliée sur son quant-à-soi. Cette France, réduite à une maison, ses frontières à un pas de porte, et la rue, représentation du reste du monde, où l’on ne se comporte pas de la même façon que chez soi, – ce qui, en soi, est tout un programme : est-ce à dire que la France telle que vous la concevez, tant qu’on se tiendrait à l’intérieur de ses frontières, donnerait raison à Diogène de Sinope qui niquait comme il pique-niquait, sur la même place publique où ceux qui déféquaient psychiquement lui reprochaient de le faire physiquement? Mais surtout, à partir de là, ce n’est plus la République islamique d’Iran qui se trouve repoussée dans la catégorie de la laideur subjective, mais une rue plus loin, on y englobera la République d’Inde, la rue d’après, la République populaire de Chine, au-delà d’un ruisseau bruyant, l’État du Japon, et de l’autre côté d’un lac paisible, et parfois pacifique, la République des États-Unis d’Amérique. Tout ce petit monde, laid pour la France. Attention! monsieur le Président… Faire très attention à l’usage des métaphores, ce sont de petits animaux retors.
      Mais prenons le taureau par les cornes! La France est une nation. Une nation qui repose sur un événement fondateur qui est le couronnement de Clovis, lequel se confond avec la conversion de Clovis. La France a donc une origine chrétienne, mais de quoi le christianisme est-il la géniture? Il y a la pensée juive et au-dedans, la pensée assyro-sumérienne, la pensée romaine et au-dedans, la pensée grecque et au-dedans, une agora de pensées métèques nourrissant sa mètis évolutionnaire. Et c’est là le cœur du différend qui semble s’insinuer entre vous et moi. Je suis sur la même ligne que vous lorsque vous refusez que la France devienne un grand hôtel, un pays consommable où le migrant se conduirait en touriste égoïste, brutal, non-comprenant à en paraître aussi stupide qu’un bœuf après étourdissement, ne souhaitant y trouver que son propre plaisir. Mais là où nous ne sommes plus d’accord du tout, c’est quand vous évoquez le désir des Français de rester ce qu’ils sont. Car la France a toujours changé, c’est même ce qui s’appelle l’Histoire de France. Et c’est justement à cause du fait que d’un changement continu, progressif et intelligent dépend la survie d’une nation, que la France ne doit pas être simplement une juxtaposition de Français qui cultiveraient chacun dans leur coin leurs différences culturelles indigènes ou exogènes stagnantes, mais bien un vivier culturel unique unifié par un héritage culturel unique se nourrissant, de l’intérieur, des apports culturels extérieurs.

  4. De Gaulle n’a pas foutu en taule tous ceux de ses compatriotes qui avaient talonné Pétain. On ne séquestre pas un pays entier. Mais nous ne vivons plus à l’époque où nos pères durent opter pour la réconciliation nationale. Jean-François Copé se défend :
    «Marine Le Pen a le droit de se présenter, donc elle est compatible avec la République.»
    Nicolas Sarkozy s’offense :
    «Qu’est-ce qu’y fallait faire? Lui interdire de s’présenter?»
    Le langage Co(p)é se retourne : «Marine Le Pen est incompatible avec la République, donc elle n’a pas le droit de se présenter.»
    En fait, ils ont mis le doigt sur le nerf du dysfonctionnement des valeurs, sur la baisse de valeur des mots et des principes nommés. Nous n’aurions jamais dû républicaniser le totalitarisme et ses dictatures. Mais la Jeanne d’Arc du pauvre entend bien que ses voix aient constitué un score bien trop hallucinant pour qu’on lui dénie une fonction de représentativité. Nonobstant, quel serait le score nationaliste dès lors que son nom ne figurerait pas sur la liste des candidats en lice? Zéro. Le FN ferait zéro voix s’il ne se présentait pas. Le Pen ne représenterait qu’elle-même si le système démocratique sur lequel est posée la République décidait que son appartenance au courant fasciste français suffisait à la rendre inéligible. Ou bien, de marche en marche, allons nous atteindre les profondeurs funestes d’une démocratie tellement réelle qu’elle comprendra Fabrice Sorlin et fera sur nous se lever un Dies Iræ débutant une autre séquence, la Sequentia d’un requiem à la mémoire de notre vieux monde libre aspiré vers l’an Mil final et son «Jour de Colère».
    Elle est déjà en ligne. Accrochée à l’hameçon de la canne à pêche aux amateurs de blondes à forte ou faible poitrine, elle frétille d’impatience à l’idée de laver l’honneur du Papa de Tata. Qui va mordre dedans?
    Marion Maréchal-nous-voilà-Le Pen est une Marion Anne Perrine sexy. Le vieux dégueu a donc prévu pour nous un premier siècle de lepénisation. Une successeuse à sa successeuse, dont le sexe lui assure une nouvelle fois une posture de domination patriarcale indétrônable, conçue aussi pour se conformer au diktat de l’Écran total. Une Le Pen qui logiquement ne devrait pas couper ses ardeurs au chanteur du Louxor au cas où elle se retournerait sur lui. Elle vient venger l’affront républicain fait au gros blond de Louis Chédid. Car c’est lui, borgne d’âme! dont nous devrions nous rappeler que le nom fut profané dans le cadre de l’un des événements les plus traumatisants de la dernière décade du dernier siècle du dernier millénaire. Préparons-nous au pire… Vingt-deux ans après l’effroi de Carpentras, c’est le même procédé qui traduit une même hiérarchie de la compassion. Cet ordre de priorité affective face à la grande Histoire est une obscénité. Là où un représentant du peuple doit se représenter le monde pour et par ce dernier, l’interposition d’un intestin crânien entre les hommes et leur miroir dénote une tentative d’obstruction à la justice de la réalité. Mais l’entreprise de destruction s’intensifie plus qu’elle ne s’agrandit. Ce n’est plus ici Le Pen & Fille, mais bel et bien Le Pen & Petite-Fille. Objectif? Nous faire percevoir le Salopard par les yeux de l’amour. Ouais, ouais… Avec la fille, cela consistait déjà à nous arracher de la sympathie par le biais de la compréhensivité, un allez-on-lui-pardonne sans commande de réparation. Avec la petite-fille, nous allons dorénavant assister à une opération relativement séduisante de communication de son adoration. De l’amour pur hu)r(lant. Et puis, au cas où le succès de la Marine lui monterait à la tête, une jolie touche de rivalité filiale et féminine dans les pattes, cela ne peut pas faire de mal, n’est-ce (((Est-ce pas (((Pas?