Le 17 mars 2012, quelques jours avant François Hollande et François Bayrou, Marine Le Pen a été la première candidate à la présidentielle 2012 à fouler le sol corse. Au palais des congrès d’Ajaccio, elle a donné un meeting devant 700 personnes, parmi lesquelles des nationalistes. Une première, quand on se souvient de la façon dont Jean-Marie Le Pen avait été accueilli à Bastia en février 1992. Brandissant des bannières « I fascisti fora » (les fascistes dehors), les nationalistes de la Cuncolta avaient tout bonnement empêché l’atterrissage de l’avion transportant celui qui était alors président du Front national.
Alors que la Corse est souvent considérée comme une région xénophobe, les scores obtenus par le Front national y sont similaires à ceux du continent (à l’exception du deuxième tour de la présidentielle 2007, lors duquel le vote frontiste avait été plus élevé).

Outre ce premier bouleversement dans la relation entre les représentants du Front national et ceux du nationalisme corse, c’est bien l’inversion totale de la position de Marine Le Pen envers les régions et les régionalismes qui frappe le plus lors de cette visite.
Ainsi, celle qui fait de la nation française l’unique motivation de toute proposition politique, économique et sociale, celle qui voit les régionalismes, de la même façon que les immigrés, comme un obstacle à l’unité nationale, celle qui a clairement déclaré que les langues régionales devaient disparaître, se met subitement à célébrer « l’âme corse », louant le fait que la région ait « su préserver sa forte identité », allant même jusqu’à entonner le Dio vi salvi Regina, hymne corse, en langue corse !
Voici une intéressante contradiction… La nouvelle présidente du Front national, contrairement à son père qui campait sur ses opinions, aussi inadmissibles soient-elles, a bien compris l’intérêt du jeu démagogique, et n’hésite pas à faire preuve d’un comportement totalement contradictoire, tant que cela flatte les instincts d’un électorat potentiel.

Elle a ainsi défendu les intérêts de la région, « terre d’identité, d’honneur et de liberté », et célébré « la diversité des régions » françaises, en totale contradiction avec sa prise de position contre les régionalismes. En effet, il est inscrit dans son programme pour la présidentielle 2012 qu’elle souhaite mettre un frein total à la décentralisation (http://www.marinelepen2012.fr/le-projet/refondation-republicaine/democratie-institutions-et-morale-publique/). Cette volonté de régression va à l’encontre des efforts politiques qui ont été faits ces dernières années pour accorder plus d’autonomie politique et administrative à la Corse, en raison de sa situation géographique unique au sein du territoire métropolitain.
Le public de ce meeting, au sein duquel se trouvaient des militants nationalistes, semble donc avoir négligé ce point du programme de Marine Le Pen, qui, par son désir d’interrompre ce qu’elle nomme péjorativement la « dérive décentralisatrice », va à l’encontre de leurs intérêts et de leur combat pour un accroissement des pouvoirs de l’Assemblée de Corse. La CTC, institution politique locale créée en 1982, et se revendiquant à juste titre à « l’avant-garde de la décentralisation », semble visée en premier plan par ce passage du programme du parti frontiste : « La clause de compétence générale à l’origine de toutes les dérives féodales cessera de s’appliquer aux collectivités territoriales qui verront leurs compétences précisément définies et limitées par la loi. »

Le numéro de funambule auquel s’est adonnée tout sourire Marine Le Pen lors de son meeting ajaccien démontre ainsi la plus grande incohérence avec ses déclarations passées et ses positions officielles actuelles. Les Corses, tout comme les habitants de n’importe quelle région à forte identité, ne doivent pas être l’objet de manipulations orchestrées par la candidate prête à se contredire pour espérer gagner des voix, tour à tour dénonçant puis prônant les particularismes.
De façon générale, les Français ne doivent pas être dupes de ces changements de position radicaux au gré des publics.

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