À en croire Marine le Pen, le Front National n’aurait jamais gouverné. Depuis 1972, date de sa création, le parti n’aurait jamais eu l’occasion de faire ses preuves, empêché par un système politique inique. Pourtant, en 1995, ce sont bien trois maires frontistes qui sont propulsés à la tête de municipalités du Sud-est de la France. Trois militants Front National s’installent alors dans les mairies de Toulon, Marignane et Orange, bientôt rejoints par un quatrième, en 1997, à Vitrolles. Une opportunité pour le Front National de tenter d’appliquer son programme à l’échelle locale, en matière de sécurité, de culture ou de préférence nationale. Les quatre municipalités deviennent vite de véritables micro-laboratoires frontistes à l’échelle municipale. Et si dans cette campagne présidentielle les médias évoquent fort peu cette période, Marine Le Pen n’en parle quant à elle jamais. Et pour cause ! Ces expériences ont été pavées de politiques censoriales, d’entorses aux principes déontologiques les plus élémentaires et de mauvaises gestions économiques.

La censure des lettres et des arts

Sur le plan culturel, à Vitrolles, Catherine Mégret, alors élue sous l’étiquette Front National, fait débaptiser plusieurs rues qui sonnent trop à gauche à son oreille. Le symbole est fort. Ainsi, la rue Jean-Marie Tjibaou, du nom du dirigeant indépendantiste kanak, fut rebaptisée rue Jean-Pierre Stirbois, en hommage à l’ancien Secrétaire général du Front National, mort dix ans plus tôt. La rue Nelson Mandela est transformée en rue de Provence quand l’avenue François Mitterrand devient avenue de Marseille.

Dans les bibliothèques des municipalités frontistes, on assiste alors à des entraves à la liberté d’expression encore inédites. À Orange, Jacques Bompard fait retirer les livres de Gide ou de Simone de Beauvoir, pour les remplacer par ceux de Jean Raspail sur le thème de « l’immigration invasion » ou d’Emmanuel Ratier, l’un des héritiers d’Henry Coston, notamment connu pour ses activités de vice-président de l’Association des journalistes anti-juifs pendant la Seconde Guerre Mondiale. Sur les listes des livres à acquérir par la bibliothèque d’Orange figuraient également le nom d’Eric Delcroix, condamné par la justice française pour négation de crime contre l’humanité. Et c’est sans compter la mise en lumière de  Robert Brasillach, dont les ouvrages, qui transpirent la haine des Juifs et l’admiration du IIIème Reich, sont propulsés en présentoir de la bibliothèque municipale de Marignane.

Les municipalités frontistes font en sorte d’empêcher toute mobilisation efficace des organisations qu’elles désapprouvent, rendant ainsi leurs conditions de vie impossibles. A Vitrolles comme à Orange, les associations de soutien aux habitants en difficulté ou aux SDF sont supprimées, pour être remplacées par des antennes proches de la mouvance frontiste. Dans toutes les villes Front National, il devint extrêmement difficile d’obtenir des certificats d’hébergement, sésames indispensables à toute demande de visa français.

Programmes artistiques modifiés, écrivains ou chanteurs qui se prononcent contre la municipalité censurés, toute création contemporaine est reléguée aux portes des villes. Même les Chorégies d’Orange sont remises en cause. Quant aux fonctionnaires municipaux qui élèvent la voix contre les politiques mises en place, ils sont rapidement écartés pour être remplacés par des sympathisants frontistes, quand il ne s’agit pas de membres de la famille des maires en place.

 


 

La préférence nationale en pratique

A Marignane, le maire FN décida d’offrir des aides financières aux patrons engageants des chômeurs marignanais, faisant ainsi jouer illégalement la préférence nationale, désormais remaquillée par Marine Le Pen en priorité nationale. Cela ne va pas sans rappeler les primes de 5000 francs alors versées à Vitrolles aux « enfants français, nés de parents européens ». Une politique nataliste nationaliste et illégale, qui séduira également les trois autres municipalités, avant annulation du Conseil d’Etat. A Toulon, le marché de la ville restreint les emplacements à la vente de produits régionaux, éliminant ainsi les marchands de mets originaires d’Afrique du Nord, traditionnellement très présents dans l’agglomération varoise. Les budgets des associations qui interagissent avec des populations issues de l’immigration sont globalement supprimés, pour être réaffectés dans la sécurité ou les associations d’anciens combattants.

Et si à Orange, les finances de la ville restent stables, les bilans économiques de Toulon, qui plonge dans le surendettement ou de Vitrolles et Marignane sont catastrophiques : salariés fictifs, détournement de fonds publics, félonies, nominations partisanes, promesses non-tenues et censures journalistiques et culturelles. Pour un parti qui prônait le « Tête haute, mains propres », jugeons sur les résultats.

Des passages au pouvoir qui ont laissé un goût pour le moins acerbe.

Campagne : Chaque jour une idée pour faire baisser le Front National

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6 Commentaires

  1. J’encourage le combat contre le front national, et plus largement contre tous les extrémismes, mais je trouve que cet article manque sa cible.
    Dire que les maires frontistes une fois élus appliquent le programme du FN va sûrement révolter les gens qui combattent déjà le FN, mais pas l’électeur frontiste lambda. Or, pour faire baisser le FN, c’est justement à ses électeurs qu’il faut s’adresser. Rentrer dans le détail de l’échec économique de leur gestion qui ne représente ici que la fin de l’article serait donc plus efficace à mon avis.
    Reste à expliquer aussi comment certains de ces maires ont réussi à se faire réélire malgré leur mauvaise gestion.
    Bonne continuation !

  2. Enfin, ça fait des lunes que je déplore qu’aucun journaliste ne la questionne sur ces gestions.
    Les journalistes sont-il trop jeunes, pas compétents où ignorants?
    Rafraichissez la mémoire de toutes les rédactions, ça serait formidable.
    Bien à vous,
    Pascale Angelini

  3. comme quoi, encore un fois, la soution passe encore par un médiatisation …. »intelligente » 😉

  4. N’étant pas dans l’une des municipalités en question, il est évident que l’on ne peut être au courant de tout. Pour les gens qui vivent dans ces municipalités, c’est l’horreur. Votre article est excellent et permet, je l’espère, à un bon nombre de gens de se remettre les idées en place et de rejeter vivement le FN et une certaine « le pen ».

    • Je n’habite pas non plus dans ces villes et j’ai été curieux de voir certaines choses.

      A Orange, une majorité de citoyens se complaisent dans l »horreur » – J. Bompart, élu maire sans interruption depuis 1995, élu en 2008 au premier tour (58% des voix).

      Les quatre maires ont quitté le F.N. en cours de mandat.