Lorsqu’on va à la rencontre des électeurs qui entendent voter pour le Front national aux Présidentielles, les arguments varient mais revient presqu’immanquablement cette envie partagée par tous de donner grand un coup de pied dans la fourmilière, une « fourmilière » jugée aujourd’hui insupportable pour beaucoup de Français, des français sceptiques envers le politique en général et remontés contre les partis républicains. Ce scepticisme-là doit nous inquiéter. J’aime à répéter que dans cette campagne le véritable ennemi n’est pas tant Nicolas Sarkozy, qui semble totalement discrédité, que ce scepticisme, ce fatalisme démocratique, qui conduit la population à se demander ce que le politique peut encore face aux marchés, face à la finance, face à la mondialisation.

Ce pessimisme, créé par la droite après des années d’impuissance politique, rejaillit sur l’autre parti républicain qu’est la gauche. Dans une situation comme celle-ci, il est impératif de prendre au sérieux les propos de Marine Le Pen.

On ne peut en effet plus se contenter de la traiter comme on traitait jadis son père, dans un schéma de simple stigmatisation de ses électeurs, des électeurs qu’on accusait de racisme. Le racisme « à la papa », ce n’est pas aujourd’hui le fond du sujet. Ce qui apporte aujourd’hui un supplément d’électeurs à Marine Le Pen et ces scores extraordinaires réalisés au moment des Cantonales (au premier tour, le FN était présent dans 400 bureaux de vote), c’est bel et bien sa nouveauté, son discours en matière économique et sociale, le discours qu’elle peut désormais tenir sur la République en se réclamant, par exemple, de Jaurès… Or, ce mouvement constitue une espèce de mascarade républicaine qu’il faut absolument dévoiler et mettre à jour. Puisque le FN fait désormais partie du paysage politique, traitons-le comme un autre parti et entrons dans le seul combat qui vaille : le débat d’idées.

Justement, le discours du FN s’articule autour de trois axes majeurs dont on peut livrer les grandes lignes :

1)   Les impostures

C’est notamment le cas lorsque Marine le Pen emploie certains mots pour dire, en fait, tout autre chose. Elle se réclame de la laïcité mais elle défend en réalité une laïcité à géométrie variable, très soucieuse de conserver les racines chrétiennes de la France, de les valoriser, une laïcité bien spéciale, totalement exclusionnelle quand il s’agit de considérer l’Islam, une religion d’ailleurs jugée comme incompatible avec la République. Là, il y a bien imposture car on s’écarte de l’esprit de la loi de 1905. La loi de 1905 est une loi de neutralité qui ne dit pas qu’il faille privilégier une religion sur l’autre, ou encore qu’il faille exclure les nouvelles arrivées.

Autre imposture quand la dirigeante frontiste dit qu’elle est là pour défendre les ouvriers. Mais où était le FN à chaque fois que les ouvriers étaient en grève dans les usines et avaient besoin d’un soutien ? Souvent, très souvent, il était absent…

Dernier exemple d’imposture ? La question de la société de manière générale. On voit beaucoup en Marine Le Pen la figure qui a modernisé le FN parce qu’elle est une femme, parce qu’elle a un aspect plutôt plaisant, loin de l’image de son père. Il suffit pourtant de se plonger dans le programme du FN concernant le statut des femmes pour se rendre compte que ce qu’elle propose est en régression totale avec l’état actuel des choses. Madame le Pen souhaiterait supprimer l’intervention volontaire de grossesse, créer ce qu’elle appelle un revenu parental qui aurait en réalité pour seule conséquence de laisser les femmes très loin du marché du travail, en les incitant à rester à la maison, c’est-à-dire à être payées pour être des mères au foyer.

Enfin, on a vu en Marine Le Pen quelqu’un d’extrêmement moderne en ce qu’elle a semblé prendre la défense des homosexuels à un moment donné. Sauf qu’en creusant le sujet, il s’avérait clair, comme bien souvent, qu’elle le faisait avec une idée derrière la tête, celle de stigmatiser les banlieues, les immigrés et les étrangers qui seraient les premiers ennemis des homosexuels. Concrètement, s’agissant d’offrir de nouveaux droits à la communauté LGBT, notamment l’ouverture du mariage et de l’homoparentalité, non seulement la fermeture est toujours là, mais en plus les termes utilisés par Marine Le Pen et par son entourage restent extraordinairement violents et agressifs.

2)   La vacuité

Sur un grand nombre de sujets pourtant essentiels (la sécurité, l’école…), le néant. On observe un grand vide, peu ou pas de propositions. Sur l’école, hormis les volontés de mettre des policiers dans les écoles et de supprimer l’apprentissage des langues étrangères dans les petites classes au motif qu’elles seraient un frein à l’apprentissage de la langue française, on ne trouve rien a part le repli sur soi, le manque de perspective et une vision (ultra) sécuritaire.

3)   Dernière caractéristique du discours du Front National ?

Des mesures qui entraîneraient des dégâts considérables pour la société française, pour son économie, à commencer par la sortie de l’euro et le rétablissement du protectionnisme aux frontières, mais aussi l’adoption de la préférence citoyenne (l’idée de réserver les logements sociaux et aides sociales aux Français).

Campagne : Chaque jour une idée pour faire baisser le Front National

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Un commentaire

  1. Voici enfin une idée qui me semble cohérente avec l’actuelle conjecture.
    Puisque tous considèrent désormais le FN comme un parti « fréquentable », il serait temps de leur donner la parole sur des sujets qui vont au-delà de l’immigration et du tout sécuritaire. Leur donner la parole et les entendre.
    Il suffit de leur donner la parole pour qu’il devienne évident que le FN n’a pas de programme, que ce n’est pas un parti avec une réelle politique pour la France.