Alexandre Stevens : Je ne me reconnais bien sûr pas du tout dans le tableau qui circule sur Internet.

J.-A. Miller : Et ce d’autant plus que vous êtes une victime du documentaire que j’ai évoqué tout à l’heure…

A. S. : Il me semble qu’il y a un amalgame extrêmement fort qui est fait entre la psychanalyse et les raisons psychologiques recherchées du côté du sens. À la question de la cause de l’autisme, de sa raison, de « comment se fait-il qu’il y ait un enfant autiste », par une idée psychologique on peut penser « c’est à cause de ceux qui s’en occupent ». Mais la psychanalyse, fondée par Freud et soutenue par Lacan, est tout entière contre cette idée-là.

C’est pour cela que je préfère parler de choix du sujet, si énigmatique que ce soit, c’est à dire du côté de l’indicible choix de l’être.

Ce qui est en cause, nous ne le savons pas, c’est un réel. C’est un réel qui surgit pour l’enfant. Ce réel, et de surcroît une inscription organique plus ou moins complexe, ne change pas le fait qu’un réel tombe sur l’enfant et, il y réagit d’une certaine façon. L’autisme est la réponse de l’enfant à l’énigme de ce réel.

Ce réel tombe en même temps sur les parents ! Loin d’être coupables, les parents sont victimes de ce qui arrive à leur enfant. Je rejoins ce que disait Corinne Rezki du courage de ses mères qui viennent chercher à témoigner de ce qui leur arrive et trouver une solution.

Dans une institution qui reçoit des enfants, qui viennent soit en centre de jour soit en centre jour et nuit, on pourrait toujours dire que certains parents sont assez problématiques dans leurs réactions. Ce n’est pas pour cela qu’ils sont la cause de l’autisme, simplement, ils ne savent pas comment faire avec ça ! Par conséquent, ils sont un peu plus perdus, ce qui peut parfois aggraver le problème. Mais j’ai aussi rencontré des parents formidables ! Je ne pourrais pas leur dire de faire autrement, mais néanmoins, ils ont un enfant autiste. Ils ne sont en rien la cause, ils viennent témoigner de leur souffrance, en demandant qu’on les aide à formuler certaines réponses. Comme leur enfant a répondu avec ce retrait autistique et cette jouissance qui lui tombe dessus du côté des automatismes, ils viennent demander comment ils peuvent trouver certaines réponses à cette situation, pour régler au mieux leurs réactions.

Ce qui me frappe le plus dans ce qui se passe actuellement, avec le film – qui n’est que le premier épisode de ce combat contre nous – ce qui me scandalise, c’est que cela vise à réduire le choix des parents !

Pour nous il ne s’est jamais agi de dire : « seulement la psychanalyse peut traiter l’autisme ». Nous avons toujours laissé le choix libre aux parents. Dans une institution comme le Courtil, on ne fait pas que de la psychanalyse en permanence. Les enfants vont à l’école, dans la mesure du possible. Il y a un travail scolaire à l’intérieur de l’institution. Dès que c’est possible, on envoie les enfants à l’extérieur pour le travail scolaire, que l’on soutient. Certaines solutions que trouvent les enfants autistes, le sont grâce à cet accès au savoir.

C’est frappant comme en commençant à apprendre à écrire, un enfant peut trouver un apaisement dans les symptômes qui jusque-là le frappaient complètement.

Loin de nous de penser que « c’est psychanalyse OU éducation ». C’est psychanalyse ET éducation.

Le scandale est alors qu’au bénéfice d’une certaine éducation, rééducative, on retire aux parents le choix d’aller rencontrer des psychanalystes, prêts à écouter leur souffrance et celle de leur enfant, de chercher avec eux les solutions à ce réel qui leur est tombé dessus : Formuler ce réel le mieux possible et ensuite trouver un savoir-y-faire-avec.

***

Pour consulter le Dossier de presse, Autisme et Psychanalyse, suivre ce lien.


La vidéo de la conférence de presse de ce dimanche 4 mars au Lutétia

Un commentaire